Chamailleries
L'aspect des bâtiments du Lycée reflète également cette volonté de grandeur et de splendeur. Ancien château privé tout en pierre de deux étages plus une cave, chaque angle est pourvue d'une tour de trois niveaux aussi carrée que sa cour intérieure. Bordés d'un vaste jardin très arboré, les extérieurs comprennent deux terrains de racketball et également quatre bâtisses modernes parfaitement intégrées dans le paysage.
Un lac pour la pratique du nautilis protège la face Ouest. Les trois autres limites sont closes par un épais mur d'enceinte de cinq mètres de haut et truffées de caméras de surveillance empêchant de rentrer. Le seul accès est un portail de fer forgé ayant pour armoiries des Lions qui donne sur une longue route serpentant dans les arbres puis sur un immense parking à limousines.
Sur l'aile Est, un gymnase couvert permet la pratique de différents sports ou bien encore de la course par tout temps. Au Sud, l'immense dortoir de trois étages composé d'appartements privatifs sophistiqués mélange de verre et de murs végétaux avec un solarium comme toiture. À l'ouest, la piscine olympique couverte et chauffée accessible à toute heure par un tunnel vitré à partir des chambres. Au Nord, des écuries sophistiquées avec manèges et paddocks high-tech ainsi que plusieurs prés où broutent de magnifiques pur-sang merken ou janois et quelques chevaux teyssien.
Cette année, il y a une effervescence nouvelle au lycée Washington. Les héritiers du top Cinq Powerful viennent d'entrer en Seizième en même temps. La quatrième fortune n'ayant pas de descendance, et les familles suivantes se trouvant loin, très loin derrière en terme de puissance financière ou d'influence mondiale, le quatuor est un peu la représentation des dieux sur Terre. Si Elena, Maxime et Samuel sont quasiment du même âge au alentour des seize ans, la dernière, Maeve Teyssier, héritière du plus puissant empire, a deux ans de moins que tous ses camarades de classe. Elle est en avance scolaire et se trouve donc dans la même classe bien que ses notes avoisinent le néant.
Les adolescents, d'ici deux ans, ils commenceront à reprendre les rênes des empires familiaux peu à peu. C'est le moment parfait pour leur mettre le grappin dessus. Du coup, les filles commencent déjà à se chercher un bon parti et minaudent auprès d'un Samuel plus que réceptif, mais pas dupe et d'un Maxime totalement insensible qui les envoie avec politesse et respect sur les roses.
Les garçons font la cour à Elena qui se pavane et les exploite. Ils multiplient les attentions pas franchement désintéressées. La blonde est parfaitement conscience de la réalité, comme les deux garçons. Le peu qui tente de s'approcher de la plus jeune se casse les dents face à son caractère farouche et cinglant. Véritable peste, elle ne se préoccupe pas des conventions sociales et ne connaît ni la politesse ni le respect .
Tout ce cirque soûle grave Maxime. Il s'amuse à poser des questions le concernant aux adolescentes vénales ou poussées vers lui par leurs parents. Aucune ne sait répondre à des trucs simples comme sa couleur préférée. Il a même écrit un questionnaire complet, sorte d'épreuve pour sa future compagne. Les membres de la gent féminine ne le connaissent pas et ne voient que son nom ou sa fortune, sauf une. Mais elle, il la voit comme une petite sœur.
Un jour, son pote Thibaut est tombé sur le questionnaire en squattant l'ordi du brun pour faire des recherches pour un devoir. Immédiatement, il le fit lire à Sven pour se moquer de son ami. Ce qui rassura Maxime, c'est que les deux blonds surent répondre à toutes les questions sans la moindre difficulté. Ce qui inquiéta Maxime, c'est que les deux garçons firent de leur côté leur propre questionnaire. Ils n'ont jamais voulu le montrer au brun qui se demande quelles âneries ils demanderont à la prétendante.
Espérons que d'ici le moment où il se mettra en couple, les deux ânes aient oublié leurs bêtises. Comme Maxime n'a pas l'intention de chercher l'amour, le temps s'écoulera. Avec un peu de chance, ils seront devenus des adultes responsables et incapables de choses aussi puériles. Mais rien n'est moins sûr, les deux étant du genre à avoir une bonne mémoire quand il s'agit d'enquiquiner leur pote. Par sécurité, le brun a rédigé le même type de questionnaires à l'intention de la chérie de ses potes.
Les cours se terminent enfin. La journée lui a semblé interminable. Il est temps pour le brun d'appeler sa maman afin qu'elle lui indique où trouver les mets abominables qu'il envisage de présenter en cours de Merken. Maxime adore sa mère. Elle est un brin collante et protectrice et lui met parfois la honte, toutefois, elle le couve d'amour. Elle possède encore un esprit jeune et autant de bêtises en tête que son fils et ses potes.
Tentant sans conviction de le gronder, et complice de crime, Christy indique les noms des restaurants de la ville qui peuvent lui livrer les infamies. Pour celles qui ne sont pas autorisées dans la capitale, le brun télécharge des photos ou vidéos bien dégueu. Alors qu'il tape "poisson pénis" dans son moteur de recherche, voici que les deux andouilles qui lui servent de meilleurs potes débarquent sans frapper. Il referme illico l'ordi, ce qui entraîne les soupçons des garçons.
Sven, le grand blond, le ceinture par-derrière tandis que Thibaut, le plus petit, réouvre l'ordinateur, tape le mot de passe à toute vitesse et examine l'historique. Les garçons se chamaillent, comme à leur habitude. Ils se connaissent si bien qu'ils ne gardent pas le moindre secret plus de quelques heures entre eux. Maxime se débat et tente d'attraper le petit blond qui lit à haute voix l'historique tandis que Samuel fait tout son possible pour empêcher le brun de bouger.
Sur le coup, les deux blonds pensent que le brun cherchait du porno puis à la vue des vidéos et du reste de l'historique, ils comprennent le sujet du futur exposé. Hurlants et protestants contre la future blague de leur pote, les deux blonds sont moitié souriants, moitié en colère contre Maxime qui se tord de rire sur le lit. Changeant ses habitudes de calme et de paix, Thibaut chope l'oreiller et tabasse son pote. Parler bouffe juste avant le déjeuner, c'est cruel. Mais évoquer de la nourriture écœurante le jour des frites, c'est un crime impardonnable.
Les trois se battent à coup de coussins et le boucan alerte tout l'étage. Fuyant hors de sa chambre, le brun traverse le couloir commun, les deux le poursuivant avec leurs coussins. Ils courent et renversent tout sur leur passage. Les filles ne savent pas pour lequel de leurs chouchous prendre parti. Les mecs ont trop peur de se prendre un coup de coussin. Les trois garçons sont infernaux et ravagent l'étage.
Heureusement, ici, il n'y aura pas de paparazzi pour surprendre ce moment puéril. Le lycée veille au grain à la sécurité et à la diffusion d'images des chérubins. Le trio s'en donne à cœur joie et hurle tout en se battant. L'un des coussins a explosé et des petites billes de polystyrène s'échappent, s'électrisant et se collant aux trois diablotins. Cela ne les empêche pas de continuer leur combat et de terroriser leurs camarades.
Enfin, quelqu'un se décide à agir et leur envoie un seau d'eau au visage des trois fous furieux. Trempés, ils se retournent vers l'impudent pour protester avant de voir une petite demoiselle aux cheveux châtains et aux poings sur les hanches les regarder d'un air sévère avec ses yeux marrons foncés courroucés. Elle menace du doigt les garçons, mais ne parle qu'à Thibaut. Il faut dire qu'elle est muette et pratique le langage des signes, que seul le garçon maîtrise. En plus de cela, elle est craintive bien qu'elle n'ait peur d'aucun des trois garçons. Elle se met donc à agiter les mains et sa fine bouche à toute vitesse.
— Espèce d'imbécile ! Et moi qui croyais que tu étais sérieux ! Comment peux-tu te laisser embarquer dans un tel cirque ? Venant des deux andouilles, cela ne m'étonne pas, mais toi ! Tu me déçois Thibaut !
Tandis que le petit blond demande pardon en riant à sa meilleure amie et concurrente au titre de major de promo Lisa Tiago, les deux bellâtres viennent lui faire une bise sur la joue pour la faire rougir. La demoiselle est aussi embarrassée qu'intelligente. Elle n'arrive à parler qu'à Thibaut sans souci. C'est son rival pour la première place en cours, mais surtout son ami et la seule personne à comprendre le langage des signes sans difficulté et avec qui elle peut avoir de longues discussions.
Toute petite jeune fille aux cheveux châtains longs jusqu'au milieu du dos, Lisa rougit dès qu'on lui adresse la parole. Elle connaît les garçons depuis des années, mais elle a mis près de trois ans avant de leur dire plus que le signe bonjour. Sa timidité ne l'a pas empêchée de savoir répondre aux trois-quarts des questions du test de Maxime sans la moindre difficulté. Le seul avec qui elle parle sans souci est Thibaut, qui veille sur elle comme si elle était sa petite sœur depuis les classes d'éveil. Tout deux ayant de bons résultats scolaires, ils savent les moqueries et les brimades que subissent les intellos.
Thibaut en est en partie protégé par sa gentillesse et par ses deux potes qui le colle en permanence, mais Lisa les subit de plein fouet. Toutefois, la seule fois où un type voulut lui voler son devoir en douxième, il en ressortit avec une dent cassée, œuvre du grand Maxime, et un œil au beurre noir, œuvre de Sven. Enfin, personne n'a de preuve évidemment. Ce sont les dires du délinquant et personne n'a témoigné dans son sens. Les mecs laissent donc Lisa tranquille.
Les filles, c'est autre chose et parfois les mots font plus mal que les coups. La gent féminine peut se révéler très cruelle, surtout à l'adolescence. Pas un jour ne passe sans que la demoiselle n'entende une remarque blessante à son égard. Lisa a heureusement un moral d'acier et les quelques pitreries ou bisous blagueurs du trio d'andouilles l'empêchent de sombrer dans la dépression qu'un tel harcèlement pourrait créer. En plus, chaque mot dur est compensé par un compliment d'un de ces trois potes.
Les parents de Lisa possèdent un beau patrimoine eux aussi, toutefois, elle est plus proche financièrement de Thibaut que des deux autres. C'est une des rares filles qui ne drague ni Maxime, ni Samuel. C'est même la seule fille autorisée à utiliser et signer les diminutifs Maxou et Sven. Elle ne tente pas de les séduire premièrement, parce qu'elle est si timide qu'elle ne saurait le faire et surtout, comme elle se plaît à le répéter, deuxièmement parce qu'elle est trop bien pour deux imbéciles comme eux.
Elle ne fait nullement référence à son cerveau bien plein, mais uniquement à leurs âneries d'adolescents. C'est pourquoi elle est la seule fille tolérée dans le trio, une sorte de quatrième mousquetaire très discret. La seule qui se voit proposer le bras de Maxime quand elle porte des talons ou que Samuel coiffe avec douceur quand elle révise avec Thibaut. La seule qui est autorisée à rentrer dans la chambre de chacun des trois pour les réveiller quand ils sont en retard en cours.
Lisa est un peu comme leur petite sœur. Elle est chouchoutée. Elle les connaît depuis si longtemps. L'éveil pour Maxime et Thibaud, la dixième pour Samuel. Elle fait partie des personnes en qui les deux rejetons puissants ont une confiance totale. Celle qui remonte leur estime de la gent féminine adolescente. Pas une fille ne lui arrive à la cheville quand on écoute les trois garçons et quelque part, ils ont raison. Lisa est une fille bien, gentille, intelligente et mignonne. Une vraie perle qui n'a pour seul défaut qu'une timidité maladive.
Pour se justifier, Thibaut raconte en riant le projet d'exposé du brun. La jeune fille se tape le front du plat de la main et soupire. Elle est à la fois désespérée et amusée d'autant d'âneries. Elle n'arrive pas à se décider entre se fâcher ou en rire et se pince les lèvres. Maxime prend une tête de chien battu pour la soudoyer et couine piteusement pendant les deux autres crient au scandale. Ils ont cessé de se battre à coup de coussin, mais pour la chamaillerie, cela ne s'arrête pas.
Lisa met fin à la discussion en collant une tape pas bien forte derrière la tête de chacun des garçons. Elle récolte un câlin géant de la part des trois et il ne lui reste plus qu'à disparaître dans les bras de Thibaut pour dissimuler ses joues cramoisies et son fou rire. Elle les adore et ne peut être fâchée contre eux bien longtemps. Ils le savent et en profitent honteusement.
Un sacrifice de dessert au repas et une moue désolée de chien battu résolvent toute bouderie de la donzelle. Ses trois grands frères de cœur se plient toujours en quatre pour elle sans qu'elle ne le demande. Parfois, cela la met mal à l'aise, mais souvent, cela l'a fait rire comme maintenant. Les autres filles, qui convoitent Maxime ou Samuel, ne comprennent pas ce que les deux garçons lui trouvent. Les autres mecs, du moins ceux dotés d'un cerveau, ont bien saisi les qualités de la jeune fille et la chouchoutent aussi, mais de manière plus discrète.
Une guerre froide s'est déclarée entre les familles du quatuor, les familles Toen et Teyssier quand ils étaient en Douzième. Les parents respectifs des enfants voulurent empêcher les six gamins de continuer leur amitié enfantine. Bien que leurs familles se détestent, Lisa a désobéi et n'a jamais cessé d'être proche des trois garçons. Elle n'écouta pas ses parents quand on lui ordonna de rompre ses liens avec eux. Ce n'est pas elle qui a cessé de parler à Elena Toen. C'est la blonde qui lui a tourné le dos du jour au lendemain, simplement parce que la mère de Lisa avait raflé un gros contrat sud-merkanien au père d'Elena.
Les garçons ont eu plus ou moins les mêmes directives à l'époque. Tout comme la jeune fille, les garçons ont fait fi des ordres. Ils se montrèrent discrets hors du collège, mais continuèrent d'être potes. Soudoyant parfois quelques élèves bavards pour acheter leur silence ou menaçant les professeurs de vengeance quand ils seraient adultes si leurs parents apprenaient, Maxime et Samuel firent tout leur possible pour garder le secret.
Seules Elena et Maeve Teyssier se sont éloignées de la bande sans raison si ce n'est par ordre familial. La pression subie par les deux héritières des empires les plus puissants est énorme. Pas un jour ne passe sans qu'un article de presse à scandales ne soit publié sur leurs familles ou sur elles. Bien qu'elles soient mineures, et ce, depuis leur naissance, les deux jeunes filles voient leurs vies réelles ou imaginaires étalées en une des journaux. Entre photos trafiquées, faux témoignages ou rumeurs lancées par un camarade envieux, tout est dit sur elles.
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