Renouer les liens
— Lisa ? Maxime ? Qu'est-ce que vous fichez là ?
La reine des abeilles Elena Toen est face à eux sans sa troupe de lèches-bottes habituelle. Sa question n'est pas agressive, juste curieuse. La magnifique blonde est simplement surprise de les croiser dans ce genre d'endroit. Tandis que Lisa signe une explication, les deux cousines lui coupent la parole et tentent de rabaisser Lisa et son "gigolo". Grâce aux tabloids et à son métier de mannequin junior, les deux cousines ont reconnu immédiatement la blonde jeune fille qui leur fait face en tant que l'héritière Toen. Elles tentent de lui plaire en se moquant de leur cousine. Venant d'un milieu moins aisé, et le brun n'apparaissant que peu dans la presse people, les deux cousines n'ont pas idée du nom de famille de Maxime.
Au moment où l'une des pimbêches sort ce mot de gigolo, le brun et la blonde éclatent d'un même rire sonore et joyeux. Lisa, qui veut se cacher dans un trou de souris au début, finit par être gagnée par la joie ambiante. Ses cousines sont si bêtes et incultes. Elle tente de présenter ses excuses au beau brun qui la serre contre lui en se pliant de rire. Il a déjà entendu pas mal de mots cherchant à blesser, mais celui-là est tellement ridicule que Maxime en pleure. Elena est la première à réussir à parler convenablement. Elle apostrophe les deux bécasses.
— Un peu plus de respect quand vous parlez à Elena TOEN, pauvres colportes. Je peux ruiner votre famille d'un claquement de doigts. Quant au "gigolo", je suis certaine que Maxime BORD est ravi de son nouveau surnom.
— Un gigolo ? Où ça ? S'exclame soudain un surfeur blond et bronzé.
— Oh non ! Samuel ! Toi aussi, tu es là ? Quoique toi, c'est un peu plus normal, soupire Elena.
— Je viens chercher la petite souris pour l'emmener au ciné. Thibaut est absent alors on fait garde alternée ce week-end, dit le blondinet dans un sourire ravageur digne d'une pub pour dentifrice.
Lisa hésite entre se fâcher, rire ou devenir invisible quand le beau blond vient l'enlacer tendrement et dépose un chaste baiser sur son nez. Il s'est habillé décontracté lui aussi, mais en version surfeur sexy. Sa chemise bariolée entrouverte laisse voir un torse imberbe et musclé. Son short montre des jambes parfaites et longues. Sa chevelure coiffée en look mouillé décoiffé lui donne l'aspect de quelqu'un qui sort de la douche ou d'un bain. Le seul point commun avec Maxime est la paire de solaires à la mode.
— Eh beh ! Lisa, quel succès ! Tu as bien changé depuis le temps. À moins que ce ne soit ces deux crétins qui se sont améliorés à ton contact...
Elena rigole de bon cœur sans aucune méchanceté en voyant son ancienne amie devenir pivoine et les deux pitres du lycée la câliner pour faire enrager les cousines. Quand la blonde distingue les limousines au loin, elle se mord les lèvres. Les deux andouilles sortent le grand jeu volontairement. Ils sont plus discrets et moins tape à l'œil d'habitude. C'est facile de comprendre que tout ceci est purement fait exprès.
Au moment où Samuel rentre dans la sienne et en sort un nounours rose plus gros que lui, pour l'offrir à une Lisa hilare et gênée, Elena perd tout self-control et se plie en deux de rire sur Maxime qui révèle le défi lancé quelques heures auparavant. Le quatuor se moque sans aucune gêne ou pitié des deux pestes, vengeant ainsi les propos méprisants et méchants que subissait Lisa. La jeune muette a deux princes charmants à ses pieds et ne sait plus où se mettre tellement les garçons en font des tonnes, jouant l'affrontement viril en parfaits crétins.
Abandonnant les deux pestes à leur sort, Lisa grimpe dans la limousine de Samuel accompagné de ses deux gardes du corps soyeux et volumineux. Maxime propose de raccompagner Elena en voyant le soir tomber. Ils ne vivent pas très loin l'un de l'autre et il ne souhaite pas qu'elle prenne le métro alors que le soir approche, d'autant plus qu'elle est suivie par deux journalistes véreux.
Le brun est un garçon galant et protecteur. En plus, même si elle s'est éloignée de la bande, elle n'a jamais cherché les ennuis avec eux, empêchant certaines filles de dire des mots blessants à Lisa. Il fait un signe à ses gardes du corps pour s'occuper du problème journalistes véreux et tandis que les adolescents courent, les molosses stoppent les poursuivants qui n'ont aucun cliché à se mettre sous la dent. Un taxi et un cerbère attendent les cousines pour les ramener chez elles.
— Pff ! Quelle chaleur ! Je suis en nage ! Se plaint la jolie blonde en s'essuyant élégamment le front avec un mouchoir.
— L'été tarde. C'est cool ! réponds le brun en lui tentant une bouteille d'eau sortie du mini bar.
— Merci au fait. J'ai cru que je ne m'en débarrasserais jamais. C'est usant !
— De rien. Je suis bien placé pour savoir combien c'est pénible.
— Oui, des fois, j'aimerais être une ado comme les autres et pas une héritière.
— Je comprends, mais c'est cool aussi parfois. Regarde la tête des bécasses quand tu as dit nos noms. Elles étaient livides. C'était marrant !
— La crainte qu'inspirent nos noms de famille est parfois utile ou rigolote, je le reconnais. Cela est rare. Le plus souvent, c'est synonyme de tracas. Tu te rappelles le type qui nous a suivis lors de la sortie au zoo en Huitièmes? Il se planquait derrière les arbres et derrière les poubelles. J'avais eu tellement peur ! Quand je pense que c'était juste pour avoir une photo...
— Moi, je me rappelle surtout Maman qui nous accompagnait et qui a appelé Papa. En moins d'un quart d'heure, son service de sécurité privé est arrivé et le type a été traîné par deux gorilles. On ne l'a jamais revu !
— Oh oui ! Je me souviens. Le chef de l'équipe a ramassé l'appareil photo et après avoir vidé la mémoire, il te l'a donné en cadeau pour immortaliser le lion et l'ours parce que tu avais oublié ton appareil à ton domicile. Tu arrivais à peine à le soulever. C'était drôle.
— On ne se moque pas, jeune fille. Tu n'aurais pas fait mieux. Tu savais à peine soulever ton cartable et le faisais porter aux autres en véritable despote. Quoique sur ce point, tu n'as guère changé...
Durant le trajet, la reine des abeilles et le bad-boy discutent d'abord prudemment de sujets bateaux. Chacun tâte le terrain et cherche à savoir l'état d'esprit de l'autre. Maxime étant de très bonne humeur après sa journée avec Lisa, il est enclin à parler. D'habitude, il garde un silence poli face à Elena.
Elle a besoin de converser avec quelqu'un apte à comprendre les soucis quotidiens d'un gosse héritier d'immenses fortunes. Doucement, elle passe d'un échange sur la météo aux ennuis des parasites paparazzis. En se moquant de ces cancrelats, la blonde évoque un premier souvenir d'enfance avec des yeux plein d'étoiles. Maxime réagissant plutôt bien, elle continue sur cette voie.
Très vite, les deux adolescents blaguent joyeusement en se rappelant des moments de leurs tendres années. Il faut dire que ces deux-là avaient déjà un sacré caractère et se chamaillaient sans cesse pour des broutilles. Lisa et Thibaut faisaient souvent tampon. Finalement, la blonde n'a guère changé en cinq ans. Le brun s'étonne de retrouver une discussion amicale et amusante aussi facilement. Dès la porte du véhicule fermée, Elena a fait tomber le masque de reine des abeilles hautaine pour retrouver les mots et le comportement de chipie espiègle que connaissait Maxime.
— Même pas vrai. Je suis un ange.
— Laisse-moi rire. Tu as toujours été et tu restes une esclavagiste !
— Tu dis ça, car personne n'est là pour me défendre. Je suis sûre que le gentil Thibaut te contredirait! D'ailleurs... Comment il va ? Et le reste de la bande ? ...
— Que veut- tu savoir ? demande Maxime d'une voix douce.
— Raconte-moi ce que vous devenez ! Comment toi et Samuel, vous êtes devenus potes ? Vous vous disputiez tout le temps ! Encore plus que toi et moi !
— Problème de testostérone ! Mais quand on a compris nos points communs, on a fini par s'adorer.
Au début, le brun reste méfiant. Elena grandissant, elle peut parfaitement devenir aussi retors que ses parents dont il entend les méfaits régulièrement par son père ou par les journaux financiers. Pas une fois, elle ne cherche à lui soutirer des informations utiles sur les actions de la famille Bord. En fait, Elena questionne surtout Maxime sur ce qui s'est passé pour la bande ces dernières années, sur leur santé et leur bien-être actuel.
La blonde veut connaître les détails des péripéties des enfants devenus adolescents. Elle rit aux bêtises de Samuel et du brun, sourit aux sermons de Thibaut, semble souffrir des moments de blues de Lisa. Maxime connaît bien Elena et il est doué pour sentir les émotions fausses ou les mensonges. Il a face à lui une jeune fille qui semble perdue et malheureuse. Le brun, sous ses dehors d'ours grognon, est aussi tendre qu'une peluche. Alors, il essaye de faire parler la blonde.
— C'est vrai que vous vous ressemblez tous les deux. Vous êtes aussi gamins l'un que l'autre. Je plains Thibaut et Lisa.
— Et toi ? Par qui as-tu remplacé la bande ? Ta petite cour te satisfait petit tyran en jupons ?
— Non. Ne m'en parle pas. Ce sont tous des faux-jetons qui ne voit que mon nom de famille en moi. Parlons d'autre chose s'il te plaît. Il paraît que tu t'es fait laminé au tennis.
Elena se sent seule au monde et la bande lui manque. Elle murmure à Maxime qu'elle est consciente de n'avoir aucun ami véritable, aucune personne qui la soutienne quand ça ne va pas. Le brun est heureux de la clairvoyance d'Elena et triste en même temps. Elle était son amie et la savoir aussi malheureuse aujourd'hui lui fait de la peine. Il pensait que la blonde vivait heureuse loin de la bande et découvre qu'en fait, elle n'a cessé de les observer, et souffrait de leur absence.
— Alors comme ça, tu nous espionnes ?
— Non, je vous regarde. Et vous écoute. Vous êtes tellement ... Sincères entre vous, répond la blonde en se mordant les lèvres et en baissant les yeux.
— Sincères ? Mais cette andouille a menti et s'est pointée avec un champion ! C'est de la triche ! Attends demain, je vais me venger. On fait une compét de natation. Là, je sais que je suis le plus fort. Je vais l'exploser le petit ange de ces dames, fanfaronne Maxime.
— Vous êtes infernaux tous les deux ! S'écrie Elena avec un grand sourire de gosse.
— On est justes deux couillons, répond Maxime en adoptant un visage similaire.
— Deux si adorables crétins. J'aimerais tant passer plus de temps avec vous.
— Envoie paître ta famille.
— Plus facile à dire qu'à faire. Ton père sait vraiment tout de tes amitiés ?
— Touché. Je pense qu'il se doute pour Lisa et surtout Thibaut. Mais Samuel, j'aurais droit à un savon monumental. Heureusement, Maman me couvre quand je fais un lapsus.
— Ta mère est géniale. Christy est un amour. Tu as une chance incroyable.
— J'en ai conscience. Je ferais toujours tout pour la protéger. Je l'aime tellement, dit Maxime en souriant avec tendresse.
— OHHHH Un Bord qui exprime une émotion ! Quel scoop ! Sourit Elena sans aucune méchanceté.
— Moque-toi ! Elle est ma force ! Celle qui me donnera le courage de te botter les fesses quand on sera adulte !
— On est obligés ?
— De ?
— De se bouffer le nez ? Tu crois qu'on pourrait... Juste vivre nos vies ? Questionne la jolie blonde l'air triste.
— Nos entreprises sont concurrentes, mais je vois ce que tu veux dire. On peut être rivaux sans être ennemis. Je ne tiens pas particulièrement à te détester ou à être détestable avec toi.
— Détestable comme mes parents... Je n'ai pas envie de devenir comme eux. Ils m'ont menti. Je ...
Très vite, il la sent au bord des larmes et sans qu'il insiste, elle éclate en sanglots dans ses bras. Toute la pression familiale qu'elle subit depuis le collège lui pèse et sans qu'elle accepte de dire précisément ce qui s'est passé, elle avoue à Maxime que ses parents l'ont déçue très fortement.
Naturellement, en se confiant à lui, puis en riant aux bêtises qu'il raconte pour la distraire, les bras du brun s'entourent autour des épaules de la blonde et la tête de la jeune fille se pose sur le torse du garçon. Elena a besoin d'un câlin amical et il ne lui refuse pas. Ainsi blottis l'un contre l'autre, ils parlent à cœur ouvert du passé et du présent. Ils oublient les conflits familiaux et la limousine se gare dans un coin discret du quartier pour qu'ils puissent continuer à parler sans être vu. De toute façon, les vitres sont teintées.
Ce moment de tendresse amicale leur fait du bien à tous les deux. Elena est toujours restée identique au fond, toutefois, en apparence, elle jouait les pestes idiotes comme s'en doutait le brun. Le brun retrouve son amie qui se montre sans mascarade. Elle a certes grandi, mais elle reste égale à elle-même, à la fois si sûre, forte et si fragile. Vider son sac auprès d'une personne de confiance qui non seulement la comprend, mais en plus ne la juge pas, redonne du courage à la jeune fille. Le bisou sur la chevelure qu'elle reçoit est le premier geste de tendresse sincère obtenu depuis la Douzième.
Au moment de sortir du véhicule, la blonde se tourne vers Maxime et lui demande en se tortillant les doigts, signe d'anxiété chez elle, si elle peut faire semblant de le draguer afin de revenir dans la bande. Ses amis lui manquent et elle en a marre de traîner avec des bécasses et des rats qui n'en veulent qu'à son argent. Le brun accepte avec joie, finalement trop heureux d'avoir retrouvé une amie d'enfance et un moyen de la ramener auprès du groupe.
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