Enfants turbulents

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**** Souvenir ****

— MAMAAANNNNNNN! Elle m'a encore piqué mon goûter !

— Chéri, tu n'as qu'à pas te laisser faire. Elle a deux ans de moins que toi. Apprends donc à te défendre tout seul et cloue lui le bec.

— Pff, mais elle a toujours réponse à tout. C'est une fille et elle est plus petite. Je n'ai pas le droit de la taper. Et Thibaut, il n'est jamais de mon côté. Ce n'est pas juste.

— La vie est injuste mon chéri. Tu l'apprendras très vite.

Bougon, le gamin tape dans un caillou pour se calmer tandis que sa mère rigole en le couvant des yeux. Les mains dans les poches, il ronchonne sur le manque de soutien totalement injuste qu'il subit. Pestant dans ses dents, il regagne le jardin en prenant la direction opposée aux deux autres enfants qui dévorent des bonbons assis dans l'herbe.

Le garçon de huit ans n'a pas l'habitude qu'on ne lui cède pas. Beau comme un mini dieu avec ses yeux bleus et ses cheveux noirs, et couvé par sa maman, Maxime est la fierté de son père, un puissant industriel à la tête de la troisième fortune mondiale. Son fort caractère n'étant discipliné que par un père et un grand-père toujours absents et ses deux amis en train de se goinfrer. Tous les autres plient pour éviter de lui déplaire, y compris sa maman. Mais elle, c'est parce qu'elle l'aime plus que sa propre vie.

Son meilleur ami Thibaut, un blondinet chétif de huit ans, a le don pour apaiser ses colères. Le visage angélique du bambin reflète sa douceur et sa patience. Des trois enfants, il est le plus sage et le plus mature, mais aussi le plus tendre. Ses parents lui enseignent la bienveillance et la curiosité. Fortunés eux aussi, mais bien moins, ils représentent la quinzième fortune mondiale. Loin, très loin des cinq premiers.

Maxime continue sa crise dans son coin jusqu'à ce qu'une petite chipie de six ans, aux cheveux aussi sombres que les siens mais bouclés, lui saute au cou et lui vole un bisou sur la joue, la gluant de sucre. Elle sait comment lui taper sur les nerfs, toutefois, elle est si mignonne quand elle veut que le garçon n'arrive pas à être fâché plus de cinq minutes contre elle. Si Thibaut le calme en acquiesçant pour faire passer les bouderies, la demoiselle possède un aussi fort caractère que Maxime et ne se laisse pas marcher sur les pieds du haut de ses six ans.

Maline et espiègle, l'enfant adore casser les pieds au beau ténébreux. Elle rivalise déjà avec lui sur tout. Il faut dire que le grand-père paternel de la demoiselle, qui l'élève, est l'homme le plus riche au monde. À lui seul, il possède autant de biens que la famille de Maxime et des trois autres les plus riches du monde réunis, environ cinquante fois plus que celle de Thibaut.

Personne n'ose le contester sauf sa petite princesse. Elle a hérité de son esprit de compétition et de son QI élevé, ainsi qu'un peu de son ton hautain et distant. Ce qui les rassemble est une passion pour les chansons. La demoiselle est bercée par les ritournelles du répertoire musical de son papy. Elle casse les oreilles de tout le monde en fredonnant du Henri Salvador ou du Charles Trenet en toute occasion, mais surtout quand elle peut embêter Maxime.

Le garçon continue à bouder pour le vol de goûter. Les deux petits bras potelés agrippés à son cou et la joue ronde recouverte de sucre ne calment pas son ronchonnage. Il boude et refuse de céder aussi facilement. Il sait bien que la petite finira par lui faire plus de câlins, et même s'il râle par principe, il adore la serrer contre lui. Il est le seul à avoir le droit de la critiquer et il s'est déjà battu dans la cour de récré pour défendre l'honneur de la petite princesse.

Pour se faire pardonner, Maeve tend un bonbon à moitié mâchouillé en direction de grincheux. Ses cheveux bouclés couleur corbeau aux légers reflets bleutés mettent en valeur ses grands yeux vert émeraude et sa peau caramel. Son petit corps tout en rondeur de l'enfance lui donne un aspect mignon à souhait. L'immense sourire chocolaté qu'elle arbore désarme le futur ado rebelle qui saisit l'offrande d'une moue boudeuse. Elle lui attrape la main et le force à rejoindre Thibaut sur l'herbe.

Les trois enfants se chamaillent gentiment. Ils se connaissent depuis des années puisqu'ils sont voisins. Les garçons ont partagé la même classe d'éveil et la petite a rejoint le duo un jour où elle les surprit à voler des groseilles dans le potager du grand-père. Elle avait à peine trois ans cependant les deux garçons se rappellent encore le sermon culpabilisant du mini dragon avec des couettes. Ce jour-là, elle est devenue le chef du trio, maternée par Thibaut et protégée par Maxime.

Les deux garçons adorent se faire tyranniser par la petite princesse, cherchant sans cesse à devenir son préféré. Elle a clairement choisi Thibaut, toutefois le brun continue d'essayer de lui plaire. Son sale caractère fait que souvent, ce qui est un compliment à la base, finit en chamaillerie de gamins. Cela ne les empêche pas de s'adorer, toutefois, ils préféreraient se faire arracher la langue plutôt que de s'avouer leur tendresse.

Christy, la maman du brun, appelle les trois petits monstres pour qu'ils fassent leurs devoirs. Maeve, dans un élan de flemmardise lié à l'excès de bonbons, tente de se faire porter par Thibaut, bonne pâte. Hissée sur son dos, la petite crie comme sur un poney en riant et l'équipage finit rapidement par terre, sous les rires de Maxime. Les deux garçosn s'alleint pour porter la fainéante donzelle.

Ils rejoignent Christy tout crottés et souriants. Ils s'assoient à la grande table et ouvrent leurs cahiers d'exercices. Les deux garçons sont dans la même classe, en neuvième. La petite a sauté une année d'éveil et se trouve actuellement en huitième. Tous les trois sont de bons élèves et les devoirs de l'école sont rapidement faits.

Parfaitement bilingue et née à Merkania, Christy en profite pour discuter avec eux en Merken. Maxime n'a aucun souci, il pratique depuis sa naissance. Les deux autres ont un peu plus de difficulté et butent sur certains mots, toutefois, ils ont également un bon niveau. Pourvue d'un visage aux traits doux et fins, la femme ne cherche guère à se mettre en valeur, cependant, elle dégage une classe folle. Elle est souvent vêtue simplement quand elle est tranquillement chez elle. Un peu timide avec les inconnus, elle est extravertie et étouffante envers son fils. Elle le couve comme une mère poule sous les quolibets des deux autres enfants.

Bien que leurs familles soient rivales en affaires, les parents tolèrent l'amitié des garnements. Premièrement, les deux forts caractères ne laissent pas le choix aux adultes, deuxièmement le blondinet et Christy sont d'une telle gentillesse qu'ils sont très appréciés des parents et troisièmement, aussi parce que Christy est la seule à savoir que les enfants jouent ensemble tous les jours et s'adorent comme des frères et sœurs.

La femme aime beaucoup les camarades de son garçon et profite du fait qu'elle ne travaille pas vraiment pour proposer aux parents des deux chérubins, des heures de baby-sitting gratuites sous prétexte d'amitié enfantine et de cours de Merken. Aucun des tuteurs n'est vraiment dupe. Toutefois, ils savent que la pratique d'une langue étrangère sera un plus dans la future carrière professionnelle de leur descendance. Et puis, ils sont si jeunes. Ce ne sont que des enfants qui bientôt devront affronter le monde cruel des affaires.

Pour l'instant, les trois garnements s'exercent à leur façon en jouant au Monopoly. Comme d'habitude, Maeve et Maxime se chamaillent et marchandent chaque place. Thibaut et Christy se font rapidement éliminer et soutiennent les deux autres ou bien les empêchent de se disputer. En général, cela finit en bataille de coussins.

Ensuite, ils se blottissent les uns contre les autres sur le grand canapé pour regarder des dessins animés, bien au chaud sous des couvertures de laine. Maeve est celle qui s'étale le plus, finissant souvent la tête sur les genoux de Thibaut et les pieds sur ceux de Maxime. Tandis que le premier se contente de lui caresser les cheveux, le second se plaint, proteste, chatouille et repousse l'envahisseuse. Toutefois, elle finit toujours par gagner.

Le soir approche. Vers les vingt heures, les parents de Thibaut rentrent chez eux. Ils ne s'inquiètent pas du fait de ne pas voir leur fils et se contentent d'attendre un peu. Le blondinet ne tarde pas à arriver en courant, comme chaque soir, et il leur saute au cou. Après plusieurs bisous, chacun raconte sa journée.

Le père a un visage souriant et joufflu comme la bouille d'enfant de Thibaut. Selon s'il a eu le temps de faire son coquet ou non, il porte des cheveux blancs argentés ou des cheveux châtains foncés. La mère ressemble davantage à son enfant par ses traits délicats, ses cheveux d'or et sa petite taille. Tous les trois s'aiment et se le montrent.

Les deux corbeaux profitent d'un moment entre eux pour se taper dessus avec des oreillers ou faire mille bêtises. Christy les fait manger, les oblige à se doucher et à se mettre en pyjama. Elle couche ensuite Maxime. La petite est censée patienter dans la bibliothèque ou devant la tv. Dès que Christy a le dos tourné, Maeve regagne la chambre du brun pour se chamailler avec lui ou le réveiller en lui tirant la couette. Très souvent, ils s'endorment dans les bras l'un de l'autre en se disputant.

Deux à trois heures plus tard, le grand-père de Maeve et le père de Maxime rentrent quasiment en même temps. Ils sont rivaux dans bien des domaines et ne peuvent pas se supporter. Toutefois, le premier qui regagne son domicile s'occupe de la demoiselle endormie dans les bras de Maxime et la porte en princesse dans sa chambre, à travers les deux immenses jardins, en pleine nuit, tous les soirs.

Le grand-père de Maeve ressemble à un de ces papys gâteaux barbus à la bouille ronde. Quand il est avec sa petite fille, il est totalement soumis et dévoué, marchant parfois à quatre pattes pour faire le cheval malgré ses rhumatismes. Dans le monde des affaires, c'est un tigre enragé qui ne fait de cadeaux à personne et obtient toujours ce qu'il veut. René Teyssier n'accepte aucune défaite. Un Teyssier gagne toujours et ne renonce jamais.

La demeure lui ressemble assez. Chaleureuse, mais dépourvue du superflu, la bâtisse possède des fondations qui semblent inébranlables malgré un crépi aux couleurs ternes. Les couleurs pastel et les meubles anciens forment un ensemble digne d'un mas fermier d'autrefois. Les grands arbres sont de véritables forces de la nature qui bravent sans broncher les intempéries. La chambre de Maeve est la seule pièce où règne un joyeux désordre et un mélange flamboyant de couleurs vives. Un nombre incalculable de peluches trône sur le grand lit et personne à part elle ne mémorise les prénoms de chacune. De toute manière, Maeve en change au gré de ses humeurs variantes de fillette distraite et fantasque.

Le domicile Bord est austère. Le blanc et le noir dominent ainsi que les matériaux et objets modernes. Un brin clinquante, la maison étale la richesse de ses habitants à la vue de tous tout en restant chic et sobre. La seule similitude avec sa voisine est l'absence de désordre générale. La chambre de Maxime ne fait pas défaut et l'enfant présente déjà des tocs de rangement malgré son jeune âge. Bien qu'une petite tempête tente quotidiennement de foutre un bordel pas possible, le brun conserve ses petites manies et son père Marc, finit de ranger les derniers objets quand il vient l'embrasser pour la nuit.

Le père de Maxime possède un visage aux traits durs qui ne sourit quasiment jamais sincèrement. Plutôt bel homme, il joue de son charme solaire dans les négociations commerciales et se montre incisif et tenace. Fidèle, éperdument amoureux de sa femme et idolâtrant son fils, il n'est guère démonstratif. Comme son père Marcel avant lui, il se contrôle en toute occasion. Marc semble froid et austère pour qui ne le connaît pas vraiment. Souvent, les gens le pensent exigeant et dur envers son fils alors qu'il ne fait que le préparer à la dureté de sa vie future. Un Bord ne montre jamais ses émotions.

Parfois, Marc et René se croisent lorsqu'ils ramènent la belle endormie dans son royaume des mille et une nuit. Jamais ils ne se parlent, faisant mine de se haïr. Ils ont tous les deux un petit sourire en coin, sachant parfaitement que leur apparence hautaine et précieuse n'est qu'une façade publique. En vérité, face à une bouille chocolaté qui a volé le panda en peluche de son ami, ils se ressemblent tellement et craquent totalement de tendresse. Une main de fer dans un gant d'acier, mais avec un cœur en guimauve.

********** fin du souvenir ****

Maxime, incapable de la réveiller, reste auprès de la donzelle en lui caressant les cheveux, observant son corps aujourd'hui maigre, jusqu'à ce que la sonnerie retentit et ne la sorte du sommeil. D'humeur grincheuse, elle peste dans ses dents contre le tintammare puis aperçoit le brun. Elle l'observe quelques secondes avant de lui jeter sa veste sans un mot, et de cracher au sol à coté de lui.

— Fous moi la paix sale con!

Elle s'enfuit comme à son habitude. Le beau brun est perplexe. Comment une si adorable et caline enfant as pu devenir une telle peste solitiare, prétentieuse et haineuse envers tout le monde?

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