Encore et toujours

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À la suite de cette tentative, et bien que plusieurs hommes soient en prison, de nombreux autres essais de kidnapping sont tentés sur la dernière des Teyssier à chaque sortie du Lycée. Elena et les autres enfants bénéficiant d'un service de garde rapprochée payé par leurs parents, les terroristes n'osent plus s'en prendre à eux. Maeve ne dispose pas d'une telle protection. Son père compte sur les agents des autres familles. Toutefois, les adolescents ne se sentent pas tranquilles et sursautent au moindre bruit, mis à part une petite brune aux yeux émeraude.

Plusieurs jours se passent puis des semaines. L'enquête sur les vols et les tentatives de kidnapping dure deux mois, mais permet enfin de mettre en prison toutes les personnes impliquées. Les adolescents sont interrogés à de multiples reprises. La police veut s'assurer qu'aucun d'entre eux n'est complice des malfaiteurs. Les journalistes émettent les rumeurs les plus invraisemblables et campent à proximité du lycée pour avoir la chance de photographier un rapt. Cet acharnement épuise professeurs et élèves qui sont en permanence sur le qui-vive.

Lors du procès, l'assistance est choquée d'entendre les ravisseurs affirmer que Maeve Teyssier est resté d'abord hyper calme, leur aurait proposé plus d'argent puis signifié que ses parents ne donneraient pas un centime pour elle. Les lycéens sont éberlués de la sérénité de la jeune fille qui manqua de se faire kidnapper régulièrement. Elle semble même soulagée, comme si l'idée d'être la cible de gangsters ne l'effraye pas tant que cela. Elle en profite même pour rabaisser Elena et ses pleurs inutiles à la moindre occasion, lui rappelant à quel point les Teyssier sont supérieurs aux Toen.

Il s'agit d'un groupuscule de mercenaires qui voulaient dérober des données sensibles sur les gros empires financiers pour le compte d'un client d'un autre géant boursier et exiger une rançon des plus puissants en menaçant la vie de leurs enfants. Ils n'avaient pas pensé qu'une de leurs cibles serait une vraie harpie qui durant tout le trajet les menaça et qu'elle finirait par leur faire avoir un accident.

L'un des activistes travaillait au centre des pompiers de la ville et avait donc vu le bulletin d'informations annonçant l'exercice prévu au lycée. Ils avaient donc récupéré les ordinateurs et téléphones du quatuor pour les pirater en simulant des vols multiples pour dissimuler leurs crimes.

Le commanditaire de tous ces crimes, septième fortune mondiale, fut emprisonné. Il fut révélé qu'il voulait kidnapper Maeve afin de l'épouser dès qu'elle serait majeure et ainsi mettre la main sur le patrimoine des Teyssier. Sans même attendre la fin du procès, les autres fortunés se partagèrent son empire, Rudolf Teyssier se réservant la part du lion. La famille fut presque ruinée en quelques semaines. Les puissants devinrent encore plus puissants. Le calme revint enfin et les enfants purent souffler un peu. Les adultes se méfièrent encore plus des autres.

Ce matin, le cours d'éducation physique est bruyant. Les garçons doivent faire des courses de vitesse et les filles lancent des disques à proximité. Toutefois, elles ne contrôlent pas leur trajectoire et les messieurs doivent éviter les projectiles fous. Certaines font exprès de mal viser comme Elena et Lisa. Elles cherchent clairement à embêter Maxime et Samuel qui sont encore en train de faire une compétition.

Les professeurs laissent le brouhaha s'installer. Les enfants sont dissipés et ils savent qu'ils n'arriveront à rien de bon. Alors autant les laisser s'amuser un peu et relâcher la pression. Tant que les filles ne jettent pas trop fort leurs disques, il n'y a aucun risque de blessures.

D'ailleurs, les garçons ont fini par prendre en main la situation. Chaque jeune homme tente d'expliquer les mouvements à une donzelle. Samuel n'a laissé personne s'approcher de Lisa. Bien que ses deux potes ont tout fait pour l'embêter, il a réussi à être le premier auprès d'elle et montre avec douceur les mouvements.

Maxime ayant peur de se faire tripoter par Elena ou une autre fille, il se dirige vers la seule qui ne risque pas de le toucher, Maeve Teyssier. De toute façon, il est le dernier à ne pas avoir peur d'elle. Thibaut aurait pu s'approcher également, toutefois, il a laissé la place à son pote quand il a vu que la maigre donzelle était de mauvais poil. Thibaut n'est pas kamicaze.

Elena a fait semblant d'être malheureuse et s'est plainte à haute voix pour casser les pieds au beau brun. Elle s'est cependant précipitée vers Thibaut afin d'avoir des bras amis autour d'elle. Elle aussi n'a pas envie de se faire tripoter et le petit blondinet est un véritable gentleman. En plus, il fait partie des trois garçons dont le contact ne dégoûte pas la jolie blondinette et au contraire la ravit.

C'est un joyeux bordel. Dans quasiment chaque couple, il y en a un qui profite de la situation plus ou moins ouvertement. La plus dévergondée est Elena qui réclame des bisous au pauvre Thibaut pour la consoler du chagrin causé par le si cruel Maxime. Elle se pend à son cou, se blottit contre lui et fait semblant de pleurnicher. Elle rigole sous cape en entendant le brun ronchonner sur le pot de colle qu'elle simule. Elle utilise aussi ce moment pour câliner Thibaut discrètement. Cela l'a fait sourire de le voir si gentleman, tout en rougissant et déglutissant par instant.

Samuel dit des idioties et tente de faire rougir Lisa, toutefois, il ne se permet aucun geste déplacé, juste un ou deux petits bisous sur les cheveux ou la joue. Elle le giflerait puis il se prendrait le poing de Maxou et de Thibaut en cas de manque de respect. Elle est si petite qu'il pourrait poser son menton sur sa tête.

L'occasion est trop belle de pouvoir la prendre dans ses bras en public et de montrer aux autres mecs de se tenir éloignés. Seul Thibaut et Maxime le charrient et plaignent la petite souris. Ils ne sont pas dupes et ont compris ce que leur pote n'ose pas leur avouer depuis un an et demi. En parfaits crétins, ils font tout pour le faire galérer et contrecarrer ses plans.

Le couple le plus sage de la classe est constitué de deux anges bruns, l'un sûr de lui aux yeux bleus, l'autre agressive et distante aux yeux émeraude. Ils sont les seuls qui ne se touchent pas. Maxime montre les mouvements et s'explique dans un long, très long monologue. En réalité, il ne lui parle pas vraiment. Il comble le silence gênant. Maeve s'exerce en n'ayant rien écouté. Elle défoule sa colère en donnant des coups dans le ventre de Maxime, lui marchant sur les pieds et en lançant violemment un pauvre disque sans défenses.

C'est d'ailleurs la seule fille qui continue à s'entraîner. Les autres assaillent ou résistent aux assauts des messieurs. Ça se bouscule, ça se frôle, ça se cherche, ça se tape doucement. Les filles crient ou gloussent. Les garçons jouent les gros bras. Les adolescents tourbillonnent, ils tombent par terre les uns sur les autres. Elena finit par attaquer Maxime, trop sage à son goût. Le garde du corps du jeune homme propose son aide en riant tandis que celui de la jeune fille s'interpose pour blaguer. Eux aussi prennent du bon temps. Une seule personne lance ses disques, totalement en dehors du groupe.

Les professeurs les laissent faire les fous et décompresser durant deux bonnes heures avant de les envoyer aux vestiaires couverts de boue et d'herbe. Les enfants sont heureux et leurs sourires font plaisir à voir. Évidemment, les garçons tentent l'incruste dans les douches des filles, mais se font vite renvoyer à coups de serviettes et de jets d'eau froide. Ils finissent par regagner leur antre à regret.

À travers les murs, ils continuent de papoter avec les filles et de les convaincre de venir leur frotter le dos ou de les inviter, jusqu'au moment où quelqu'un coupe l'arrivée d'eau chaude des vestiaires. Tout le monde se met à hurler, toutefois, personne, sauf Maxime qui est assez grand pour voir par la fenêtre donnant sur l'extérieur, ne voit la jeune et fine silhouette brune qui s'éloigne en riant méchamment vers les salles de classe.

Les professeurs réouvrent assez vite les tuyaux, mais ce coup de semonce glacé a bien calmé les esprits. Les adolescents finissent rapidement de se laver et de se rhabiller puis se dirigent vers la cour pour profiter de la pause. Ils sont affamés et dévorent les encas à disposition.

Le froid fait fuir Maxime et Thibaut vers les salles chauffées. Ils décident de s'installer pour le prochain cours. Comme cela arrive souvent, l'impératrice est déjà là et lit tranquillement. Le blondinet l'observe quelques instants puis se dirige vers elle pour regarder le titre de son livre. Thibaud sait que s'il lui parle poliment et pas trop et surtout ne la touche pas, elle tolère sa présence. Lui et Lisa sont les seuls à ne recevoir quasiment jamais de remarques cinglantes, sûrement aussi car les deux ne cherchent pas les ennuis.

Penchant la tête pour assouvir sa curiosité et ne cherchant nullement à la dissimuler, il obtient une réaction agacée de la jeune fille. En levant les yeux au ciel et en soupirant, elle remet droit son livre pour qu'il puisse lire " Apprendre le Janois pour les nuls". Thibaut ne peut s'empêcher de sourire. Maeve a toujours eu un mal fou avec les langues étrangères et tente malgré tout d'avoir les bases dans un nombre toujours plus élevé.

— Bonjour Maeve, accepterais tu de me prêter ton ouvrage quand tu auras fini ? J'aimerais bien rajouter cette connaissance à mon panel de talents.

— Un jour, votre cerveau explosera à force d'emmagasiner les connaissances monsieur Plenzo, dit la jeune fille d'un ton hautain.

— Je croyais pourtant que plus on sait, mieux on se porte. N'était ce pas l'une des devises de René Teyssier ?

—Si... reconnaît la brune en serrant les dents.

— Et toi ? Pourquoi donc veux-tu parler Janois ?

— Je suis une vraie commère et j'aime comprendre ce que les autres ne peuvent pas. Vous n'imaginez pas combien cela me ravit d'espionner vos discussions avec la petite souris, répond avec sarcasme Maeve.

— Il est vrai que nous sommes que quatre à maîtriser parfaitement le langage des signes. Maxime se débrouille bien, mais il a des lacunes. Samuel galère encore. Je crois que je suis le seul garçon de la classe à tout comprendre.

— Vous êtes un être à part et particulièrement borné. Quand cesserez-vous de m'envoyer vos petits cadeaux ? grogne la brune, prête à mordre.

— Je ne cesserais jamais. Tu devras les supporter encore et toujours...

— Vous êtes un idiot inutile, le rabaisse l'impératrice.

— J'aurais plutôt dit un éternel optimiste.

Maeve le regarde méchamment. Ce n'est pas la première ni la dernière des discussions de ce genre qu'elle a avec lui. Thibaut ne renonce pas et cherche à garder un lien. Pourtant, elle refuse de le laisser espérer. Elle a beau le repousser, il revient toujours, comme cet imbécile de Bord.

La seule différence est leur façon de faire. Bord la provoque. Thibaut badine. Il faut lui reconnaître cette qualité. Thibaut sait manier les mots et les utilise très intelligemment. Même quand elle lui lance des piques, il désamorce la situation. Les gens le voient bien diplomate dans le futur. Maxime rêverait de le prendre avec lui pour négocier des contrats, pour former un duo de choc.

Mais la brune se refuse à l'idée même d'avoir des amis. Son père Rudolf a toujours été clair. Les amis, c'est pour les faibles. On n'en a pas besoin quand on est le plus puissant. En inspirant d'un grand coup pour signifier son agacement, elle clôt la discussion et les espoirs du petit blond en se tournant de l'autre côté et en reprenant son livre en silence. Il reste trois bonnes minutes à attendre puis, quand la cloche retentit, il regagne sa place en soupirant et en marmonnant qu'elle finira par revenir.

Le cours de Merken débute alors. Aujourd'hui, c'est un exposé sur le Château de Windsor qui ennuie fortement tous les élèves. La demoiselle se croit pourvue de sang royal, un de ses très lointains ancêtres ayant été roi avant la grande guerre d'après elle. Elle est presque aussi prétentieuse qu'Elena, sauf que la blonde ne se pense pas supérieure aux autres. Elle l'est parfois, mais surtout, en bonne héritière de la seconde fortune mondiale, elle a appris à le faire sentir aux autres.

Parfois la puissance ce n'est pas d'être fort, mais de faire croire aux autres que tu l'es afin de les rallier à ta cause par admiration ou par crainte. Le troupeau de pintades et de blaireaux qui composent la cour de la blonde en sont une bonne preuve. La moitié des filles la suivent par admiration de sa beauté et de son charisme, l'autre pour être vu avec une fille populaire et lui voler un peu de son aura, et son trône si un jour elle chute.

Les trois-quarts des mecs veulent juste la mettre dans leur lit comme ils mangeraient un bon steak et le dernier quart la prend pour une ravissante idiote richissime qui peut améliorer leur statut social. Bref, aucune abeille ne connaît vraiment sa reine.

Maxime n'est pas stupide. Et surtout, il ne sous-estime pas celle qui bientôt deviendra son ennemie. En réalité, les deux filles les plus puissantes se ressemblent beaucoup. Toutes les deux savent qu'on ne peut pas compter sur les autres et que les paroles sont trop souvent mensongères et fourbes. Toutes les deux déçoivent leurs parents régulièrement. Toutes les deux ont des épaules bien frêles encore pour porter l'avenir des millions de personnes qui bossent pour leurs familles respectives.

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