La fin de l'hiver approche à grands pas. Ce lundi matin, les professeurs ont une surprise pour les lycéens. Il a été décidé par le comité directeur qu'il n'y aurait pas cours aujourd'hui et qu'une grande fête dansante se déroulerait du soir. Tout le monde en ignore la raison, cependant, c'est la liesse.

Toute la journée, les adolescents font les fous. Ils s'extasient devant les décorations abondantes qui arrivent pour sublimer tout le lycée. C'est une vraie campagne promotionnelle sans qu'on ne sache pourquoi. Les lycéens s'en fichent un peu, l'important pour eux est l'absence de cours et la fête prévue.

La grande salle est remplie de fleurs et de rubans. De nombreux instruments arrivent et un vrai orchestre prend place sur l'estrade. Un piano, une batterie, des guitares, des saxophones, des violons et des micros. Au bruit des arrangements, il va y avoir du rock, de la pop, de l'électro et du classique. La soirée promet d'être grandiose.

Les filles vont se pomponner et les garçons sont dans le même état, ne sachant quelle chemise sera la plus cool. C'est la musique qui débute à dix-neuf heures qui les fait tous se presser. Le gymnase sert de salle de danse et la cantine propose un buffet froid copieux et divin. Les palais les plus délicats comme ceux affamés y trouvent leur compte. Chacun se remplit la panse avant que le groupe ne se décide à passer à de la musique plus rythmée.

Vers vingt heures, le bal débute enfin. Les chansons à la mode défilent et chacun sautille avec plus ou moins de grâce. L'amusement est général. Les lycéens crient et chantent. Ils dansent comme des fous, oubliant totalement les quand dira-t-on. C'est un moment de bonheur pour tous.

Lisa et Elena passent des bras de Maxime à ceux de Thibaut ou Samuel. Les garçons enlacent avec tendresse les deux jeunes filles dans des câlins amicaux. Lors d'un slow, Samuel parvient à serrer Lisa. Thibaut devant aller aux toilettes, c'est Maxime qui se dévoue pour faire tourner la jolie blonde.

Il est bien avec elle. Ils discutent de tas de choses et se chamaillent en douceur. La grande taille de Maxime est compensée par les talons vertigineux et le mètre soixante-douze d'Elena et il n'a pas à se plier pour la tenir. Le brun qui déteste danser passe un excellent moment avec son amie. Les deux joyeux lurons ne peuvent s'empêcher de titiller Samuel dans le dos de Lisa en lui filant des taloches ou en claquant leurs mains sur ses fesses.

Complices, le couple de géants attire tous les regards et les jalousies. Les gestes tendres et affectueux qu'ils ont l'un envers l'autre n'échappent à personne. Leurs rires joyeux et leurs sourires jusqu'aux oreilles non plus. Elena pose sa tête contre le torse de Maxime et ferme les yeux, profitant d'un moment de douceur apaisant tandis qu'il lui frotte le dos doucement sans aucun geste déplacé.

Une demoiselle est particulièrement joyeuse ce soir. Quand elle manque plusieurs fois de trébucher, les garçons comprennent qu'elle est pompette. Mais il ne s'agit pas de n'importe quelle fille. Maeve Teyssier danse de manière provoquante et sexy. Son discours est incohérent. Elle est clairement soûle et cherche de la compagnie masculine au grand dam de son secrétaire qui tente de lui faire quitter la salle et ne récolte que des coups et des insultes.

Plusieurs mecs perçoivent là une opportunité. Certes, elle est jeune et squelettique, mais elle est plutôt mignonne de visage et eux ont les hormones bouillonnantes. D'autres y voient là un moyen de se rapprocher de la puissante, soit pour obtenir plus tard du prestige, soit pour venger les humiliations que Rudolf Teyssier a fait subir à leurs familles.

Un attroupement se forme assez vite près de la jeune fille. Certains commencent à la chauffer. Les gloussements de la brune finissent par alerter le reste de la salle. Les autres lycéens ne savent pas trop quoi faire. Un adolescent finit par réagir et abandonne sa cavalière. Maxime est tellement furieux que ses deux potes le suivent illico, tandis qu'Elena et Lisa se mettent en sécurité dans le fond de la salle.

— Putain, c'est une gosse. Dégagez bande de merdeux !

— Oh, ne fais pas ton chevalier Bord. On ne fait que s'amuser.

— Dégage ou je te pète les dents !

— Eh, respect! J'ai deux ans de plus que toi. Je te défonce quand je veux.

— Ah ouais et ben goûte ça.

Maxime Bord envoie son poing en plein dans la mâchoire de son ainé qui se retrouve à terre. Une bagarre débute. Samuel rejoint et défend son pote avec l'aide de plusieurs autres mecs avec qui les deux héritiers s'entendent bien. Pendant ce temps, Thibaut a saisi la main de Maeve et la traîne de force à l'abri vers les dortoirs avec l'aide du secrétaire.

La fête se transforme en baston. Les professeurs tentent d'intervenir sans aucun succès. La plupart des filles fuient vers la cantine ou les dortoirs pour se mettre en sécurité. Une dizaine de gars musclés contre une autre dizaine. Même l'alarme incendie et l'eau qui coule des projecteurs du plafond ne les calment pas. Ce sont les forces de police qui, interpellées par quelques filles et des professeurs, finissent par séparer les combattants ensanglantés.

Maxime et Samuel ainsi que tous les autres sont emmenés au poste. Les parents sont appelés dans la nuit pour venir chercher leurs rejetons. Les deux premiers joints et qui se précipitent sur place sont les deux plus riches. Marc Bord et Dimitri Bjork passent un savon à leurs fils et tentent de comprendre ce qui a bien pu passer dans leurs cerveaux immatures.

Mais à l'instant où les garçons avouent avoir voulu empêcher une fille, une gamine, de se faire violer par un troupeau de connards, les pères pardonnent immédiatement. Ils appellent leurs avocats. La plainte pour coups et blessures va vite être oubliée. De nombreux élèves témoignent pour l'honneur des deux héritiers. Fort heureusement, le lycée a bien protégé les abords des paparazzis. Il ne reste plus qu'aux deux garçons à bien dissimuler leurs visages le temps que leurs lèvres violettes dégonflent.

Au petit matin, les pères déposent leurs rejetons au lycée. Si Dimitri ne reste pas, Marc Bord rentre et se dirige vers les dortoirs. Il veut avoir une discussion avec l'impératrice. Son fils lui a avoué avoir surpris la jeune fille plusieurs fois dans un état d'ébriété. Même s'il semble sans coeur, Marc s'inquiète pour la filette et tout comme son fils, il veut sassurer que tout va bien. Marc grimpe donc à l'étage et va droit sur la chambre en question. Il entre sans prendre la peine de frapper, suivi de près par son fils.

Et là, il reste interdit. La petite est endormie, en sous-vêtement et chemise, à côté de Thibaut Plenzo lui aussi en petite tenue. Maxime laisse éclater sa fureur. Son pote, son meilleur ami, son frère de cœur ! Il a osé alors que Maxime avait confiance en lui. Il a profité d'une gamine pompette. Le brun réveille en sursaut le garçon et l'injurie. Son père l'empêche de le frapper et le fait sortir. Il l'oblige à gagner sa chambre, puis patiente que le blondinet sorte pour rentrer de nouveau dans la chambre de la jeune fille.

—Bonjour !

— Monsieur Bord !

— Comment allez-vous mademoiselle ?

— qu'est ce que ca peut vous faire vieux schnock ?

— Je ne viens pas vous parler en tant qu'hommes d'affaires. Je viens ici en tant que père. Que se passe-t-il ? Pourquoi ?

— Ce ne sont pas vos oignons.Je ne suis pas votre fille. Je fais ce que je veux. Vous savez quelle date on était hier ?

— Oui, le 3 mars.

— À vous aussi cela n'évoque rien ?

— Non. Ça devrait ?

— Ça devrait oui... Mais ce n'est pas grave. Plus maintenant.

— Maeve... Si... Tu as besoin de parler, à un père ou à une mère. Tu peux m'appeler. Voici mon numéro et celui de Christy. N'hésite pas. Je suis peut-être un redoutable homme d'affaires, mais je suis aussi humain.

— C'est ça ! Bon vent connard! Faut que je m'habille !

Marc sort de la pièce, perdu dans ses pensées. Il ne trouve pas la signification du 3 mars et décide de retourner voir son garçon, pour lui recommander de faire attention et de se tenir tranquille. Il croise Thibaut qui n'ose pas le regarder. Le jeune homme en boxer est griffé sur le torse. Il porte trace de plusieurs bleux. Son visage est cerné de manque de sommeil. Il tient des pains au chocolat, du lait et du jus d'orange et retourne dans les appartements impériaux, sous les regards interloqués des personnes présentes. Le secrétaire le suit de près.

Plusieurs jours passent. Maxime et Samuel ne veulent plus adresser la parole à Thibaut et menacent de le frapper quand il ouvre la bouche. Le jeune homme n'insiste pas et passe de plus en plus de temps en tête-à-tête avec la brune. Il attend que ses potes redescendent en pression. Ils sont aussi têtus et butés que des ânes parfois. Le temps finira bien par les calmer.

Il tente de renouer le dialogue en envoyant une boîte de bonbons aux deux bellâtres pour les remercier de s'être battus pour Maeve. Ils déchirent la carte sans même la lire et donnent les gourmandises à Elena et Lisa. La colère fait qu'ils ne veulent rien entendre de la part de leur ancien ami.

Ce nouveau couple, tactile bien qu'il ne s'embrasse jamais en public, agace et titille les jalousies et les colères. Elena est furieuse elle aussi. Elle en veut à Thibaut de fricoter avec une telle peste. La douce Lisa est choquée, toutefois, elle continue de dialoguer avec son meilleur ami. Elle évite les sujets qui fâchent. Personne n'aurait cru que Thibaut profite de la situation et encore moins que l'impératrice lui cède aussi facilement.

La demoiselle reste une solitaire et n'accepte à ses côtés que Thibaut ou Lisa. Les autres, elle les rabroue sans ménagement. Toutes les nuits, le nouveau couple dort ensemble, dans la chambre de l'un ou de l'autre. Le lycée s'offusque le vendredi soir, quant au moment de rentrer chez soi, la brune entre dans le véhicule Plenzo au lieu de rester dans les dortoirs comme elle le faisait depuis deux mois.

L'humeur de l'Impératrice semble s'améliorer de jour en jour. Son look grunge gothique fait place à des vêtements noirs mais élégants. Sa maigreur se transforme en un corps qui s'étoffe. Elle provoque de moins en moins les professeurs. Et surtout, elle diminue le nombre et le volume de ses concerts, permettant aux autres élèves de retrouver un semblant de sommeil et de tranquillité d'esprit.

Pour autant, on ne peut pas dire que l'Impératrice change beaucoup. Elle garde une attitude froide et méprisante, la même que depuis la douzième, à l'égard du reste du genre humain. Il n'y a que Lisa et Thibaut qui semblent épargnés, comme avant. En regardant bien, on voit que le jeune homme utilise toute sa diplomatie pour calmer la brune et que parfois, elle lui fait perdre son sang-froid. Mais pour cela, il faut bien regarder et seule une jeune fille muette est assez observatrice.

Étrangement, les familles des messieurs qui avaient tenté de profiter de l'ivresse de Maeve subissent de forts revers de fortune, principalement des attaques en provenance de l'empire de la jeune fille, mais aussi quelques-unes lancées par les Plenzo. Il semblerait que la mémoire et la rancune du couple soit tenace et efficace.

Beaucoup de garçons jalousent Thibaut et sont furieux de le voir réussir là où ils ont tous échoué. Cela semble si facile pour lui. Ils ne comprennent pas comment il a fait pour amadouer le dragon. Malgré sa gentillesse qui continue, le garçon s'attire les foudres de plusieurs membres de la gent masculine. Maxime et Samuel refusent toujours de lui adresser la parole et montent les autres mecs contre lui.

Au niveau filles, seule Elena et par association sa petite cour, sont virulents envers le couple. La jolie blonde est furieuse contre la brune en raison des nombreuses piques reçues. Elle tente de rendre les coups. Toutefois, la brune excelle dans l'art d'humilier et de rabaisser les gens. La blonde pare les attaques et tient droite, mais ne parvient jamais à contrecarrer les offensives ou à riposter efficacement. Elle remarque cependant que Thibaut intervient efficacement d'un regard ou d'un geste pour calmer la virulence de la détestable brune. Il n'entre jamais dans les combats verbaux entre les demoiselles et ignore les piques d'Elena à son égard.

Plus les jours passent, plus les deux jeunes gens se montrent proches et parfois tactiles. On les surprend parfois à la bibliothèque, lui en train de réviser, elle, la tête sur les genoux du blond, soit en train de dormir soit en train d'écouter de la musique ou de jouer sur son téléphone. D'autres fois, ils sont dehors sur la pelouse, allongés l'un à côté de l'autre en train de bavarder ou assis à grignoter, la brune blottie dans les bras du petit blond.

Ce couple est même validé par les parents du jeune homme qui viennent chercher leur fils et la jeune fille chaque vendredi. Quelques apparitions, ensemble, fusent dans les magazines peoples. M. et Mme Plenzo font le tour de leurs entreprises ou prennent du bon temps en compagnie de Maeve et de Thibaut.

Quelques torchons à scandale médisent sur les tourtereaux. Des paris ou des propos plus ou moins respectables paraissent toutes les semaines dans la plus totale indifférence de la part des deux adolescents. Thibaut est traité de gigolo, toy boy ou de jouet royal. D'autres fois de garçon vénal ou d'interréssé, de non sincère. Toutefois, ce qui s'est passé au sein du lycée ne fuite pas.

Les spéculations vont bon train même à l'intérieur du lycée. Ce drôle de couple intrigue, énerve et met mal à l'aise. Ils n'ont pas vraiment de gestes amoureux en public, toutefois, ils ne se comportent pas comme des amis. Ils dorment ensemble toutes les nuits malgré leur jeune âge. Les remarques blessantes ou les allusions à peine voilées font l'objet de fous rires ou de remarques cinglantes, de la part de la brune, mais aussi du blondinet dont le caractère doux s'endurcit. Tout le monde les fuit sauf Lisa.