Reconquete stomacale

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Les mois de Janvier et Février se déroulent sans événement majeur. La routine s'installe dans le lycée et au sein des familles. La guerre contre les Wang continue toutefois, elle ne provoque plus autant de remous. Le clan mystérieux qui attaque les Wang est maintenant clairement associé avec le financier inconnu. Les coups tordus et malhonnêtes ne sont réservés qu'aux mafieux et leurs partenaires. Dans le domaine commercial, tout semble réglo.

Un samedi de fin février vers seize heures, Christy tente une approche quand elle se rend compte de la présence de sa nouvelle voisine. Cela fait déjà plusieurs mois qu'elle attend une occasion de pénétrer dans la demeure Teyssier. Depuis la fin de l'été, lorsqu'elle entend le couple infernal chez les Plenzo ou dans la demeure Teyssier, elle s'approche. Malheureusement, ils l'entendent à chaque fois et arrêtent les jeux ou discussions pour se réfugier à l'intérieur ou partir.

Aujourd'hui, les parents Plenzo ne sont pas là et les deux adolescents font tellement de bruit dans leur bataille de gamins que la femme a bon espoir. Elle débarque donc avec une fournée toute chaude de cookies. Pas n'importe quels cookies. Ceux aux pépites de chocolat noir avec éclats de noisettes. Le péché mignon de Maeve jusqu'à ses huit ans.

C'est l'odeur alléchante qui fait se retourner Maeve en premier. Thibaut, intrigué de voir son amie immobile, bouge quelques secondes après. Un moment de silence s'installe. Christy offre son plus grand sourire et tend le plat recouvert de gourmandises tandis que les deux adolescents l'observent. Enfin, la tension retombe d'un coup quand la brune rend son sourire à la femme et se dirige vers elle pour l'accueillir. Une discussion amicale s'instaure doucement.

Quand il s'aperçoit que sa mère a disparu, Maxime fonce à toute allure en direction de la demeure Teyssier. Il a peur de l'accueil que va recevoir sa maman chérie. Prêt à en découdre, il court aussi vite que ses grandes jambes lui permettent et en quelques secondes, il atteint le jardin ennemi. À sa grande surprise, il trouve les trois tout sourire en plein badinage sur les talents culinaires et les plaisirs d'enfance.

— Ils sont toujours aussi bons. Il faudrait vraiment que vous me donniez la recette, madame, dis en souriant la brune, la bouche pleine.

— Jamais. C'est un secret de famille. Pour l'avoir, il vous faudra épouser mon fils, répond en riant Christy.

— Il ne me reste plus qu'à soudoyer votre chat pour que je lui place une caméra et vous espionne alors, la taquine Maeve un sourcil espiègle relevé.

— Oh non ! Pauvre Félix ! Vous n'oseriez pas ! S'offusque la femme.

— Elle est capable de tout, Christy. Elle est pire que son grand-père, blague le blondinet.

— N'exagère pas Thibaut. L'élève ne surpasse pas encore le maître, rétorque la brune en tirant la langue discrètement.

— René Teyssier me manque, vous savez. C'était un excellent voisin qui me donnait régulièrement des fruits et des roses, murmure tristement Christy.

— Pour l'instant, cela va être difficile. Mais je dirais au jardinier de vous fournir et de vous autoriser à rentrer dans la roseraie dès que les beaux jours reviendront. Je me souviens que vous adoriez venir y lire ou vous reposez en sentant les odeurs délicates des fleurs, murmure doucement la jeune fille.

— Oh oui. Ce lieu est si paisible et romantique. Je vous remercie, Maeve. Je regrette l'époque où je pouvais vous tutoyer et vous gaver de cookies, tente Christy encouragée par ce premier pas.

— Vos cookies m'ont manqué, plus que vous ne le pensez. Vous aussi... Grand-père vous laissait venir ici pour que j'aie une figure maternelle de qualité. Il vous estimait et respectait beaucoup. Je partage son opinion à votre égard, mais j'ai grandi et je dois devenir un prédateur plus redoutable que votre mari. Je ne peux plus me laisser aller au sentimentalisme. Cependant, rien ne m'empêche de retrouver les relations de bon voisinage d'avant. D'ailleurs... Je dois vous dire merci d'avoir racheté et d'entretenu le domaine pour me le revendre maintenant.

— De rien. J'ai toujours eu espoir de vous voir revenir. Vous êtes un peu la fille que j'ai toujours rêvé d'avoir, je m'inquiétais tellement pour vous depuis ce jour funeste. Quant à votre demeure, je suis peu dépensière et je ne fais guère de caprices alors Marc pouvait bien me pardonner cette petite folie.

— Je dois lui reconnaître cette qualité. Il a su se choisir une femme incroyable, sourit la brune.

— Il l'est aussi. Il faut le connaître vraiment pour s'en rendre compte, loue Christy.

— Si vous le dîtes ... J'ai un petit service à vous demander. Si votre mari est d'accord toutefois. Je dois recevoir mercredi après-midi le styliste de mon département puériculture. J'aurais aimé que vous veniez pour avoir un avis de mère. Madame Plenzo sera présente aussi. C'est pour les détails techniques du genre emplacements des boutons sur les bodys et les autres choses que mon jeune âge me fait ignorer.

— Je préviendrais mon époux. Je ne divulguerais rien de ses secrets professionnels puisque je les ignore. Par contre, il risque de vouloir fouiner en utilisant le prétexte que les papas aussi changent les couches, rigole la merkanienne.

— Le grand Marc Bord changeant les couches, je veux voir ça. Je vais me renseigner pour avoir un vrai bébé comme mannequin dans ce cas, ricane la brune.

— Vous seriez surprise jeune fille. Marc est vraiment l'époux parfait. Les petites fesses de Maxime devraient lui en être reconnaissantes, se vante Christy.

— MAMAN !

Les deux adolescents et la mère pleurent de rire devant la fureur du beau brun dont ils viennent de s'apercevoir de la présence. Christy en rajoute et évoque de nombreux souvenirs d'enfance. Elle cherche clairement à rabibocher les trois adolescents. Aucun n'est dupe. Si le duo est plutôt amusé de cette tentative, Maxime s'y refuse et proteste. Il boude clairement.

Maeve invite la douce Christy à venir prendre le goûter dans la véranda pour s'abriter de la fraîcheur. Quelques rares fleurs hivernales jouent les prolongations tandis que d'autres printanières profitent des premiers rayons de soleil chaud à travers la verrière pour se réveiller. Voici le quatuor qui s'installe, en déménageant le salon de jardin. Ils continuent joyeusement de papoter durant la fin d'après-midi de sujets futiles et superficiels. Christy a réussi à s'incruster chez sa voisine et doucement, elle reprend contact.

Maxime surveille du coin de l'œil, prêt à bondir. Jamais le duo ne dérape et bien qu'ils en profitent pour se moquer gentiment de lui, ils parlent très cordialement et presque amicalement avec sa mère. Le couple d'adolescents semble apprécier la compagnie de Christy et devise avec grand plaisir.

Quand les parents de Thibaut arrivent, celui-ci part après une bise sur la chevelure de la belle, la laissant seule avec Christy et Maxime. Ce geste tendre arrache un sourire à la mère et une grimace au brun. L'affection entre les deux adolescents est flagrante, bien que de toute l'après-midi, ils ne se soient pas montrés tactiles ou démonstratifs. Leurs regards complices et leurs sourires de connivence parlaient pour eux.

Les deux femmes papotent joyeusement tandis que le rejeton reste muet à bouder. Les sujets changent légèrement et s'orientent davantage sur la cuisine et la bonne bouffe, points communs de Christy et Maeve. Leurs gourmandises respectives et les dégâts provoqués deviennent des raisons de rire sans arrière-pensée. Elles s'échangent des recettes et des astuces librement en bonnes voisines. Les souvenirs du temps où la maman donnait des cours de cuisine à une petite fille gourmande.

Les discussions qui fâchent sont soigneusement évitées ou éludées par chacune. René, Marc ou le monde des affaires ne font l'objet que d'une phrase de temps à autre. De la cuisine, les deux femmes se mettent à parler sport et commentent le dernier match de foot qui a eu lieu la veille au soir. Si au début le brun suivait attentivement, là, il décroche complétement. S'il y a bien un sujet qui l'ennuie, c'est bien la coupe de foot.

En plus, les deux femmes commencent à dériver et s'attardent sur les qualités physiques des joueurs puis parlent de leurs compagnes ou de chanteurs à la mode. La discussion est futile à souhait. D'ailleurs, si le brun n'avait pas aussi peur pour sa maman, il s'endormirait d'ennui. À croire que les deux femmes font exprès d'évoquer des sujets soporifiques et ennuyeux.

Il ne croit pas si bien dire. En réalité, elles tentent de le faire fuir pour discuter plus librement. Christy a des doutes sur les rumeurs de couple avec Thibaut et elle s'inquiète aussi pour la jeune fille. La femme cherche un moyen pour interroger la brune afin d'en savoir plus sur son état d'esprit et de peut-être faire cesser cette brouille stupide avec son fils.

Elle a bien compris que tant que Maxime serait dans les parages, Maeve n'évoquera pas le sujet. L'Impératrice espère elle aussi que le grand dadet s'en aille, car elle a des questions de filles à poser à Christy. Des questions d'adolescente orpheline qui a besoin de conseils maternels à propos de sa puberté en cours.

Mais le brun ne décolle pas de son siège et empêche les deux femmes de se confier. Il ne réalise pas qu'il dérange, trop occupé à analyser le moindre mot pour trouver un sens caché qui n'existe que dans sa tête. Même le moment où Maeve tend une perche pour calmer son ronchonnage intérieur en le remerciant de son aide en Mars ne le déride pas et l'exaspère. Maxime est têtu et buté. Une vraie tête de mule qui navre sa maman.

Marc Bord rentre chez lui alors que la nuit s'annonce. Il cherche sa famille quelques minutes, mais finit par penser à aller voir dans le jardin en trouvant des restants de cookies dans la cuisine. Il se doute des manigances de sa tendre épouse. Tranquillement, il rejoint le groupe et invite la jeune fille à dîner.

Malheureusement, dès qu'il apparaît, Maeve bondit sur ses gardes et redevient hostile. D'un ton froid et cassant, elle décline l'offre, préférant manger seule plutôt qu'en mauvaise compagnie. Toute l'ambiance conviviale que Christy avait instaurée depuis le goûter s'envole en quelques secondes. Le climat est glacial et tendu.

— Vous êtes sûre Maeve ? Nous avions passé une si belle après midi, se lamente Christy.

— Oui madame Bord. Je risque d'avoir l'appétit coupé, répond la brune.

— Vous me détestez à ce point, Maeve ? Demande Marc.

— Que voulez-vous ? Je dois avoir la rancune tenace. C'est de famille, il paraît, rétorque sèchement la jeune fille.

— René et moi étions adversaires certes, mais pas ennemis. Avec Rudolf, c'était conflictuel, je le reconnais. Mais à vous, qu'ai je fait pour enclencher cette réaction épidermique ? S'interroge l'homme d'affaires.

— Vous n'avez donc vraiment pas la moindre idée ? Ricane la brune.

— Non ! Sincèrement, J'aimerais avoir avec vous une relation saine comme avec votre grand-père que je respectais énormément, s'écrie Marc.

— Vous en êtes certain ?

— De ce que j'appréciais chez lui et de ce que je ressens pour vous oui. J'aimerais comprendre votre rancune. Je suis persuadé d'un malentendu.

— Pas moi. Ce que vous appelez malentendu, je l'appelle manquement à ses devoirs.

— Quels devoirs ?

— Le jour où votre mémoire reviendra, vous comprendrez. En attendant, vous êtes sur ma propriété et je vous saurais gré de vous en aller.

— Très bien. N'hésitez pas à me laisser des indices, car pour une fois, je nage dans le flou complet.

— Ça vous change des eaux troubles.

Le ton de Maeve se radoucit soudain et en se tournant vers Christy, elle lui souhaite une bonne soirée et une excellente fin de week-end. La brune rentre dans sa demeure sans un regard en arrière ou vers Maxime. Aucun Bord ne comprend ce qu'elle reproche à Marc. Ils sont tous dans l'ignorance et abasourdis de ce ping-pong verbal.

Marc a l'habitude des discussions houleuses pourtant, celle-ci lui est particulièrement rude. Il est attaché à la petite chipie qui squattait le lit de son fils quand elle était enfant. Lui aussi s'est inquiété pour elle à la mort de René et à celle de Rudolf. Il ne comprend pas cette haine et se demande ce qu'as pu raconter Rudolf comme horreurs pour que la petite le déteste à ce point.

Après avoir déposé un tendre baiser sur la tempe de sa mie, Marc regagne lui aussi sa maison, suivi par son fils et sa femme. L'ambiance de la soirée est morose. Maxime continue de bouder et de ruminer. Marc réfléchit et ressasse le passé pour trouver un moment où il serait en faute. Christy est triste de voir ses deux hommes peinés et se navre de la réaction viscérale de Maeve. Elle aussi se remémore le passé pour tenter d'aider son époux. Rien ne leur revient en tête.

Chacun passe une très mauvaise nuit. Les adultes tentent de se rappeler un vieux souvenir. Des moments particulièrement désagréables leur reviennent à l'esprit. Christy essuie par moment une larme en se remémorant son adolescence et ses débuts de femme, bien avant la naissance des enfants. Le temps où Marc et Rudolf étaient amis puis ennemis.

Marc lui aussi se rappelle la même période. Des choses que Christy ignore ou pas. La rancune de la petite semble tenace. Rien d'étonnant vu le caractère familial. Toutefois, il ne comprends pas l'origine de cette haine si farouche. Rudolf et lui étaient fachés mais en réalité, ils ne se sont jamais détesté. Une animosité réciproque mais également un respect mutuel provenant de leur ancienne amitié.

Maxime maudit son ancien pote. Il ressasse lui aussi des souvenirs pénibles. Des moments de joie qui sont devenus douloureux par manque de Thibaut. Il analyse chaque geste, chaque mot depuis pour y trouver des preuves de la culpabilité du petit blond. Il détient la vérité et veut faire payer à son ex ami l'attitude intolérable qu'il a eue. Il ne se rend pas compte que son entêtement empêche à la situation d'avancer.

La jeune fille fait d'horribles cauchemars et finit par sortir de chez elle en pleine nuit avec son panda en peluche pour rejoindre Thibaut dans son lit. Celui-ci accueille la jeune fille en pleurs et la berce avec tendresse jusqu'à ce qu'elle se rendorme. Il s'allonge ensuite à côté d'elle et lui tient la main, en souriant de sa bouille d'enfant au nez niché dans la peluche noire et blanche sur laquelle elle dépose régulièrement du gel douche à la menthe.

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