Début des hostilités
Du mercredi, Maeve a tenu parole. Elle a trouvé une jeune mère de jumeaux parmi ses employés et elle l'a invité à la réunion avec les deux diablotins. Le pauvre styliste se trouve face à un grand comité. Si Marc Bord a refusé l'invitation pour ne pas mettre son épouse dans l'embarras face à l'hostilité de la jeune Maeve, Julie Plenzo et son fils Thibaut ainsi que Sumiko et Lisa Tiago sont présentes.
Directement, la jeune brune les recadre toutes en obligeant à ne pas parler affaires, mais chiffons. Julie Plenzo et Sumiko Tiago mettent leurs rivalités de côté, voulant préserver l'amitié de leur progéniture avec la puissante Teyssier. Madame Plenzo ignore totalement que son fils est également ami avec Lisa.
Le directeur du lycée a gentiment offert une salle de classe pour la petite réunion. Les prototypes présentés ne montrent aux mères que les détails techniques comme la taille des boutons ou leur emplacement. Les deux mannequins du jour, ravis d'être papouillés se laissent faire sans difficulté grâce aussi aux jeux mis à leur disposition. Seule Maeve et Thibaut voient les coloris et motifs qui seront proposés. Lisa pourrait, mais elle est trop occupée à rire avec les deux chérubins.
Lisa prend des cours de puériculture auprès des quatres mamans et son sourire atteint ses oreilles. Elle a enfin trouvé quelque chose qui lui plaît. S'occuper de chérubins et jouer avec eux. Elle veut être mère au foyer comme Christy Bord, cependant, ses parents ont d'autres projets pour elle.
Son bonheur est tellement visible qu'il n'échappe à personne. Lisa rayonne en chantant des berceuses ou en agitant un petit hochet. Elle n'a aucune honte à faire des grimaces pour amuser les deux diablotins sous le regard attendri de toute l'assistance.
Les femmes, le jeune homme et le styliste discutent une bonne partie de la fin d'après-midi. Au moment de partir, les deux femmes d'affaires et Christy ne peuvent s'empêcher de jeter un œil sur les chèques de salaire que la demoiselle Teyssier signe pour chaque enfant et pour la maman. Sept cents cinquante ors par enfant pour deux heures de "travail" et la même somme pour la maman. Une somme plus que coquette. La jeune fille est généreuse.
Une fois le styliste et la famille repartis, les femmes restent à discuter. Maxime entre et tente de squatter auprès de sa mère. Il s'étonne du ton amical et léger. Il ne comprend pas grand-chose à la discussion et à l'intérêt des boutons pressions plutôt qu'aux scratchs ou boutons classiques toutefois, il peut observer la petite réunion qui paraît si paisible.
Lui aussi remarque l'air ravi de la petite souris. Il s'étonne des petites attentions de la brune à l'égard de la douce adolescente. C'est très subtil, toutefois, le garçon est observateur. Un sourire, un clin d'œil, un biscuit tendu. L'impératrice est plus attentionnée envers Lisa qu'envers Thibaut. Dans le dos de sa mère, le blondinet fait de même et prend davantage soin de la petite châtain que de Maeve. Les femmes bavardent joyeusement puis prennent congé après une bise tendre à leur progéniture. À aucun moment, le monde des affaires n'a été évoqué.
Le lendemain, l'annonce officielle de la reprise de la totalité de l'empire Teyssier par la jeune Maeve crée de l'effervescence. Beaucoup pensaient que des gestionnaires géreraient tout cela jusqu'à sa majorité. Sauf que la demoiselle s'est fait émanciper très précocement par un juge complaisant, sûrement via une grosse enveloppe. La voici dirigeante d'un empire alors qu'elle n'a à peine que seize ans.
La directrice et les services de l'ordre du lycée sont débordés par les paparazzis qui veulent avoir la première photo de l'héritière. La jeune fille les a devancés et un article parait dans le Powerful. Au moins, elle sait maîtriser son image. Le problème de la plupart des concurrents provient de l'interview où la demoiselle révèle plusieurs de ses récents succès financiers pour rassurer les actionnaires.
Ce qu'ils croyaient tous être le fait d'un nouveau concurrent ou d'habiles gestionnaires était manigancé par une adolescente à peine pubère depuis des mois. Depuis le quatre mars de son année de seizième, soit depuis un an, la demoiselle a multiplié les offensives et mordu dans les parts du gâteau de chacun de ses concurrents, principalement les Toen, les Bjork et les Bord. Elle promet d'être redoutable. Toutefois, elle affirme n'être en aucun cas responsable ou au courant de quoi que ce soit à propos de la vendetta envers les Wang.
La restructuration de l'empire fait craindre le pire aux salariés. Toutefois, en quelques jours, les annonces faites en interne boostent la productivité. Les primes et augmentations de salaires vont être débloquées et une discussion avec les syndicats pour une revalorisation des acquis sociaux sera effectuée très prochainement. La jeune fille apparaît comme le messie pour ses employés.
Les autres chefs d'entreprise pensent Maeve idéaliste et dépensière. Beaucoup ricanent dans son dos. Deux familles restent méfiantes. Le premier reconnaît une technique de son mentor René pour booster l'efficacité de ses subalternes. La deuxième famille pense qu'une fille qui fait autant de dégâts en si peu de temps est à surveiller de près, d'autant plus que leur fils Samuel leur a dit que la demoiselle est loin d'être une gentille.
Les mois qui suivent enchaînent les découvertes et les réussites pour la jeune brune. Elle consolide clairement son empire et dirige avec brio et assurance son petit monde. Elle est en permanence sur son téléphone ou son ordinateur, y compris durant les cours. Personne ne la dérange sauf Thibaut qui squatte à ses côtés ou Lisa qui va parfois bavarder avec le duo sans se préoccuper de l'opinion des autres.
Les vacances printanières arrivent pour les lycéens. C'est l'occasion pour beaucoup de se reposer. Pour d'autres, de toucher du doigt leur futur héritage. La demoiselle fait un tour du monde de son empire, très souvent accompagné de son fidèle Thibaut. Christy reçoit des cartes postales en provenance des quatre coins de la planète, signées par les deux lascars, ce qui fait enrager Maxime. Le brun suit son père et s'initie au monde des affaires. Elena voyage avec Samuel. Lisa tourne entre les différents groupes et surtout se fait chouchouter par ses parents.
Peu à peu, Maeve grignote les marchés et reprend possession de ce que Rudolf avait perdu. Selon la personne en face d'elle pour les négociations, elle joue les idiotes ou au contraire les garces. Elle obtient toujours ce qu'elle souhaite. Un Teyssier ne perd jamais. Plusieurs fois, les entrepreneurs sont bluffés par sa poigne et son âpreté dans les négociations. Elle ne lâche rien et trouve toujours le mot juste.
L'une des négociations les plus troublantes réunit Marc Bord, Julie et Thibaut Plenzo ainsi que Maeve Teyssier. Il s'agit de décrocher un gros contrat de gestion des parcs informatiques des d'infrastructures nationales. Ce qui est gênant, c'est que le doux Thibaut se trouve à la droite de la jeune fille et non avec sa mère. Ils se parlent par texto ou par langage des signes, sans se faire voir par Marc Bord. Il est le seul à comprendre qu'ils forment un duo de négociateurs. Julie pense que son rejeton tempère son amie. Un duo redoutable qui décroche le contrat sans difficulté.
Marc s'avance pour féliciter les gagnants. Toutefois, l'hostilité de la jeune fille semble toujours aussi vive. Elle refuse la poignée de main et son ton sec et cassant dissuade vite Monsieur Bord de continuer la discussion. La seule chose qu'il parvient à obtenir est la promesse de Thibaut de prendre soin de la jeune fille. Quelque chose chiffonne le chef d'entreprise.
D'après les rumeurs et les dires de son fils, les deux adolescents coucheraient ensemble. Or, ce qu'il a vu n'était pas un couple amoureux, ni même des amants. Il a vu un duo de négociateurs. Ils s'apprécient énormément, cependant, Marc mettrait sa main au feu qu'ils ne sont pas amoureux. Même Dimitri et Sarah Bjork sont davantage démonstratifs lors des dîners d'affaires. Monsieur Bord a l'impression qu'on se fiche de sa poire.
La demoiselle mène sa guérilla avec pour principale cible les quatre plus fortunés après elle. Elle s'acharne particulièrement sur l'empire Bord qui résiste et sur celui des Toen qui montre des signes de défaillance. Une seule chose a changé. Maeve n'emploie pas les méthodes sournoises de son père, mais celles plus respectables de son grand-père. Elle gagne à la loyale, ce qui lui vaut le respect de nombreuses personnes, y compris ses rivaux.
Début mai, alors que les enfants rentrent de weekend, un boulet de canon ravage la bourse. Monsieur Dimopotoulos, quatrième fortune mondiale, se retire du monde des affaires. Ce qui pourrait sembler être une aubaine est en fait un coup dur. L'homme n'a jamais eu de femme ni d'héritiers. Ses neveux sont des incompétents. Alors, il a décidé de revendre l'intégralité de son empire à une jeune fille prometteuse, en souvenir de son plus redoutable adversaire et ami. Maeve Teyssier prend donc possession de l'empire Dimopotoulos en digne héritière de René.
Tous ignorent comment elle a obtenu cela. L'homme est connu pour son âpreté et sa radinerie. Toutefois, il a quatre-vingt- sept ans et il cherchait un successeur depuis quelque temps. Un dîner d'affaires où la jeune fille lui souffla un contrat semble être ce qui l'a décidé à faire une telle chose. Il s'est dépossédé de quasiment tous ses biens au profit d'une rente annuelle et d'une obligation de paiement de ses besoins en soins ou en loisirs jusqu'à sa mort. Monsieur Dimopotoulos veut profiter de la vie au frais de l'Impératrice.
Elle l'avait promis. Elle ne serait pas seulement la numéro Un. Elle sera indétrônable et toute-puissante. L'immensité de son empire effraie. La débandade qui suit lui facilite les choses et les piètres alliances pour la contrer échouent lamentablement. Chaque semaine, elle devient plus forte. Il y a une nouvelle reine dans la jungle et c'est une tigresse affamée et enragée.
Beaucoup s'allient à elle pour ne pas se faire manger. Elle récupère des contrats toujours plus juteux. Un an et demi après être devenue orpheline, voici que pour cadeau, elle veut s'offrir le monde tout en continuant ses études au lycée Washington. Peu à peu, les Toen perdent de leur superbe. Marc est désormais la seconde puissance mondiale et les Bjork la troisième. Mais même si les trois familles s'alliaient, elles auraient du mal à contrer Maeve et chaque jour, cela devient de plus en plus difficile.
Au lycée, la situation stagne. Samuel, Elena et Maxime n'adressent plus la parole à Thibaut. Lisa est entre deux camps. Maeve et le jeune homme poursuivent leurs vies sans se préoccuper des autres. Les lèches-bottes tentent de plaire et multiplient les techniques d'approche. La jeune Maeve prend doucement un corps d'adulte et quitte ses anciens pulls trop grands pour des tenues plus cintrées et classieuses. Sans avoir le corps d'Elena, elle devient mignonne sous le regard de Thibaut.
Une nouvelle reine des abeilles apparaît, sauf que celle-ci pique au besoin. Elle n'est clairement pas interressée par la gent masculine. Les types trop collants se prennent au mieux une claque, au pire une remarque cinglante et humiliante. D'autres fois, c'est son secrétaire qui foudroie du regard les impudents. Sa réputation est suffisante pour tenir à distance les trop téméraires.
Le pire reste quand l'impératrice est d'humeur musicale. Elle convint d'un sourire une grande majorité de l'école de faire de stupides blind test. Par défi, et surtout pour empêcher Thibaut de gagner, Samuel et Maxime participent eux aussi. Parfois, ils arrivent à poser une colle au couple infernal, mais celui-ci se rebiffe et lui rend la pareille.
De la même façon que Samuel et Maxime font des compétitions sportives où aucun ne se démarque, Bord et Bjork testent leur culture générale face à Teyssier et Plenzo. Si les premiers deviennent colériques, les seconds se marrent franchement. Les autres sont au milieu et ne savent pas quoi faire. Lisa est la seule à naviguer sans problème entre les deux rives. Elle a prévenu qu'elle refusait de choisir un camp et tous le respectent.
La jeune fille surveille les joutes musicales et s'inquiète. Pourtant, jamais aucun de ses amis ne fera de scandale en sa présence. Ils l'aiment trop et ne veulent en aucun cas lui faire de la peine. Ils savent qu'elle déteste les conflits, surtout quand ils sont entre ceux qu'elle adore. Alors, ils défoulent leur rancoeur à coup de chansons stupides et presque inconnues.
Ce matin, afin de mettre les lycéens dans l'ambiance merveilleuse de l'été, il est décidé de consacrer des heures de cours à la décoration du lycée. Certains se voient confier la plantation de fleurs, d'autres les personnages à coller sur les vitres. Les derniers squattent la radio du lycée et diffusent des chansons estivales comme sonnerie. Tout le monde se demande qui a eu une idée aussi stupide, la participation étant obligatoire, ils se soumettent à cette excentricité en ronchonnant un peu.
Soudain, alors qu'il tente d'accrocher une banderole en hauteur, Maxime reçoit un chaton sur la tête. Le chenapan est en pleine attaque de chasse. Le problème est que ses frères et sœurs miaulent au-dessus et menacent eux aussi de dégringoler. Le brun grimpe au plus haut sur l'escabeau pour poser le petit félin qui aussitôt lui re saute dessus et s'agrippe de toute la force de ses minuscules griffes au pull du jeune homme.
— Il est amoureux de moi, ma parole.
— C'est un mâle ou une petite chatte ? Lui demande Samuel en riant de son sous-entendu à deux balles.
— Comment veux-tu que je sache ? Je ne suis pas vétérinaire moi.
— Tu n'es pas doué. Il suffit de le retourner. Mais je la connais. C'est Duchesse, signe Lisa.
— Duchesse ? Pourquoi ce nom me dit quelque chose ? Tu sais à qui sont ces petits monstres ?
— Duchesse des Aristochats. Le gris, c'est Berlioz, le roux, c'est Toulouse et la petite blanche, c'est Marie. Ce sont les chatons de Maeve. On est en dessous sa chambre.
— Je croyais que les animaux étaient interdits dans l'école.
— Tu oublies que c'est elle qui paye le salaire de nos professeurs. En plus, c'est moi qui lui ai demandé de les adopter quand je les ai trouvé affamés dans un coin du gymnase. Leur mère est morte écrasée par une voiture.
— Si c'est ton idée, alors je me tais. Je ne fais pas le poids face à toi petite souris.
— N'empêche, j'avais raison. C'est une petite chatte ! S'écrie Samuel.
— Putain, ce que t'es lourd toi !
— Les garçons ! Descendez de votre escabeau avant que Maeve ne croie que vous matiez sa chambre.
— T'inquiètes ma puce ! Je dirais que je joue les pompiers sauveurs de chaton. Avec mon charme ravageur, elle ne pourra que me croire ! Se vante le beau blond.
— Tu n'es pas son genre !
— Ah oui ? Et c'est quoi son genre ? Les nains ? Réponds rageusement Maxime.
— Les garçons dopés d'un cerveau, espèce d'andouille.
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