Rapprochement
— MIAOUUUUUU
— OH PUTAIN... Duchesse, tu m'as filé une de ses frousses. Mais que fait tu là petite coquine ? Tu as fugué ?
Le garçon tapote sur la couette pour attirer la féline boule de poils puis se recoiffe machinalement pour calmer les battements de son cœur. Il parvient à saisir la petite et la soulevant au-dessus de sa tête en se recouchant, il lui parle doucement tandis qu'elle pose sa patte sur son nez doucement.
— Tu a fait le mur ? Tu sais qu'à cette heure-ci les jeunes filles de bonne famille sont au lit ? Mon collier te plaît ? Oui, je le savais. Tu as une tête à aimer les bijoux.
Je te manquais tant que cela pour que tu viennes au beau milieu de la nuit dormir avec moi ? Tu sais, il n'y a pas beaucoup de monde qui peut se vanter d'avoir partagé ma couette. Je n'accepte pas n'importe qui dans mon lit. À vrai dire, il n'y a que ta maîtresse qui est déjà venue ici.
Tu crois qu'elle me déteste ? Elle me manque, tu sais. Ça va bientôt faire huit ans que j'espère retrouver son amitié. Les autres ne comprennent pas. Ce sale Thibaut a tout gâché. Il a profité d'elle. Tu lui filerais un coup de griffe pour moi ?
Je débloque totalement. Tu ne comprends rien de ce que je raconte hein ? Tout ce que tu veux, c'est m'empêcher de dormir.
— MIAOUUUUUUU
— Ouais, t'as raison. Je suis un crétin. J'ai merdé et le pire, c'est que je ne sais même pas où. Tu te rends compte que ça fait deux ans et trois mois que je suis fâché avec mon meilleur pote ? Tout ça à cause d'une fille.
Oui, ... Mais pas n'importe quelle fille. Maeve est spéciale. Je n'ai jamais réussi à me la sortir de la tête. C'est une vraie obsession. Je suis barge ! Tu en penses quoi toi ?
— MIAOUUUUU
— Tu as sûrement raison. Je suis bon pour l'asile de fous. Je ne sais plus quoi faire. Maman me dit que je devrais faire le premier pas et aller parler à Thibaut. Je ne peux pas. Je suis toujours en colère contre lui, même après tout ce temps. Dès que je le vois, j'ai envie de le frapper.
Pourtant, je ne suis pas totalement stupide. Je sais que ce n'est pas comme cela que je vais retrouver l'amitié de Maeve. En plus, je fais de la peine à Lisa... Je suis vraiment un pote de merde. Je ne suis même pas capable d'avouer à papa mon amitié avec elle et Samuel.
Pour Lisa, je pense qu'il le prendrait bien. Samuel, c'est une autre paire de manche. Dimitri et Papa ne se supportent vraiment pas. Tu crois que je vais perdre tous mes potes un à un ? D'abord Maeve, puis Thibaut. Maintenant Elena et Lisa qui prennent leurs distances...
Je pensais que la bande allait se reformer quand Elena est revenue. Elle est en train d'imploser et c'est sûrement de ma faute. Et toi ? Tu m'aimeras encore quand je serais tout seul ?
Elle m'a appelé O'Malley... Tu crois qu'il y avait un message caché ? RHHAAAAA ! Je recommence à me prendre la tête tout seul. Je dormais si bien. Pourquoi tu m'as réveillé ? Comment je fais pour me rendormir maintenant ? Bon allez, je vais aller me chercher un jus de fruits. Tu ne bouges pas de là petite coquine.
Le brun se lève et se dirige vers la kitchenette. Son cœur bat encore la chamade et sa respiration est rapide. L'adrénaline a du mal à redescendre. Ses mains tremblent encore en ouvrant la porte et il voit que ses doigts ont blanchi tant, il les a serrés fort. Promis, demain matin, il demande des cours de self défense supplémentaires à son garde du corps.
Quelqu'un se trouve dans la cuisine, assis par terre. Les sens en alerte du brun lui font entendre des pleurs étouffés. C'est une fille. La noirceur de sa chevelure et les boucles folles lui font comprendre qu'il s'agit de Maeve. Instinctivement, il se met à genoux, faisant relever la tête à la jeune fille. Elle a avec les yeux rouges. Timidement, il lui demande si ça va et vérifie l'alcoolémie de son haleine qui semble sobre.
— Oui. J'ai juste fait un horrible cauchemar. Thibaut n'est pas là ce soir et je n'arrive pas à me calmer.
— Tu veux venir câliner Duchesse ? Elle squatte ma couette.
— Désolée. Je vais la récupérer.
— Non. Cela ne me gêne pas. Je veux juste t'éviter d'être vue à un moment de faiblesse.
— Maxime?... Je... Je peux dormir avec toi ce soir ? Je n'ai pas envie de rester seule. Ça doit être toutes les décos de fêtes qui me filent le bourdon.
Maeve a les yeux pleins de larmes et des cernes. Son visage est suppliant. Elle ne vas vraiment pas bien. Bien que surpris, le brun lui tend la main pour accepter sa demande. Il est totalement incapable de laisser une fille dans la détresse et encore moins Maeve. Elle le suit docilement sans un mot. Le temps qu'il referme la porte, elle va directement sous la couette chaude en poussant la boule de poils.
Maxime s'allonge et s'étonne de la voir aussitôt se blottir fort contre lui. Elle porte un pyjama long et couvrant, malgré la chaleur des couvertures et de ses vêtements, elle semble frigorifiée. Elle glisse ses bras sous les siens pour agripper son dos. Elle le serre très fort et lui fait un peu mal. Il en est ravi toutefois. Elle sent toujours le bonbon et le sucre, comme autrefois.
Duchesse proteste un peu et finit par se trouver une place sur un coin. Elle commence tranquillement sa toilette en observant du coin de l'œil le duo. Elle l'aime bien ce grand humain. Il sent bon et puis il est doux dans ses gestes. Au bout de quelques minutes, elle va s'installer sur les pieds du duo et ronronne de plaisir.
Maeve pleure encore un peu et continue de trembler. Le brun lui caresse le dos et dépose quelques bises dans ses cheveux pour la calmer. Duchesse leur chauffe les pieds. La brune s'apaise doucement entre les caresses et le moteur vibrant sur ses jambes.
Maxime sent son coeur se calmer au fur et à mesure qu'il réconforte la demoiselle. Le souffle de la petite devient plus régulier et se cale sur celui du brun. Ses tremblements diminuent peu à peu. Ses mains serrent moins fort les épaules de Maxime et toute la tension du corps de Maeve semble enfin se détendre et se réchauffer. Ses larmes séchent et elle tourne sa tête pour la poser sur le torse du grand garçon, comme autrefois quand ils étaient enfants.
— Tout va bien ? Questionne le brun en chuchotant.
— Oui, ça va mieux. Ce n'était qu'un mauvais rêve, répond Maeve en blottissant son nez dans le creux de l'épaule.
— Ce.. Ça t'arrive souvent ?
— Toutes les nuits
— Depuis quand?
— Ça a commencé après la mort de Papy, et ça empire au fur et à mesure.
— C'est pour ça que tu bois ?
— Que je buvais. Oui, entre autres, soupire la brune.
— T'as enfin arrêté avec cette cochonnerie ?
— Oui
— Et tu ne prends rien d'autre ?
— Juste la main de Thibaut pour me rendormir. Mais tes bras sont très efficaces aussi.
Maxime ne sait pas quoi penser de cette remarque. Maeve semble sincère et calme. Son haleine sent le chocolat et les bonbons et pas l'alcool. Elle est paisible et son souffle chatouille le bras du brun. La frayeur nocturne de Maxime est oubliée, trop préoccupée par celle de Maeve. Son cerveau cependant est toujours très actif. Une question le taraude sur la haine de la brune envers la famille Bord.
— Dis, tu me détestes ? Demande d'une voix mal assurée, Maxime.
— Tu crois que je serais ici si je te détestais ? Réponds-en souriant la brune.
— Ouais, je suis con.
— Ah, ça, pour être con, t'es con ! Un con confortable ! Ricane la jeune fille.
— Confortable ?
— Oui. Tu as toujours été un oreiller des plus moelleux. Et tu sens bon la menthe, dit t'elle en se frottant contre lui.
— Euh... Ravi de l'apprendre. C'est mon gel douche.
— Je sais... Tu me rassures. Tu m'as toujours rassuré. Tu as de si grandes mains. Je me sens naine à tes côtés et bizarrement, cela m'apaise, ajoute la brune en posant sa main sur celle de Maxime, d'un air rêveur.
Le brun ne sait pas trop quoi faire. Il la regarde jouer avec ses doigts quelques minutes. Elle semble perdue dans ses pensées, vautrée sur lui. Elle superpose sa main sur celle du brun, puis glisse ses doigts entre les siens pour les serrer. Elle effleure sa paume du bout des phalanges, totalement dans son monde.
Il est rassuré de savoir qu'elle ne le hait point toutefois, il est paumé par les propos de la jeune fille. Mille questions lui viennent en tête, mais il n'arrive pas à en poser une seule. Finalement, celle qui lui brûle le plus les lèvres sort enfin brutalement, faisant sursauter la brune qui s'endormait un peu.
— T'es heureuse avec Thibaut ?
— Il me fait du bien. Sa présence m'apaise et m'aide à y voir plus clair.
— Tu l'aimes ?
— Vaste question... Je dirais oui mais pas dans le sens où la plupart des gens l'entendent. Notre relation est particulière.
— Et lui ? Tu crois qu'il t'aime ?
— D'une certaine manière oui. Tout comme il t'aime toi. Tu lui manques, tu sais.
— Il me manque aussi, mais... Je n'arrive pas à accepter ce qui s'est passé.
— Que sais-tu de ce qui s'est passé ? Qu'as-tu vu exactement ? As-tu permis à Thibaut de te parler ?
— Je ... Je ne sais plus... Ça tourne dans ma tête et la colère m'empêche d'analyser. Non. Non ! Je ne veux pas lui parler.
— Tu as tort. Tu es aussi borné qu'avant, dit t'elle tristement. Je crois qu'il vaudrait mieux qu'on dorme. Sinon, cela va finir en dispute et je n'en ai pas la force cette nuit.
— C'est quoi ton cauchemar ? Tu veux en parler ?
— Mon cauchemar, c'est ma vie de merde. Non, je ne veux pas en parler. Je ne suis pas prête encore. Thibaut est mon point d'ancrage pour m'empêcher de sombrer. Dormons, s'il te plaît.
— Ok. Bonne nuit princesse.
— Bonne nuit petit coq mentholé.
Les trois s'endorment profondément en quelques minutes. Les émotions intenses qu'on vécues cette nuit les deux humains les ont épuisées. La brune gémit par moment dans son sommeil, cependant, sans se réveiller, Maxime la serre instinctivement plus fort contre lui et elle se calme.
Au petit matin, la petite femelle féline ronchonne et s'étire pour gagner ses appartements et surtout la gamelle de croquettes. Ses miaulements de faim réveillent les deux adolescents. Maeve est à moitié allongée sur Maxime, une jambe sur les siennes et un bras sur son torse, la tête dans le creux de l'épaule. La propriétaire du félin ronchon étend ses bras dans une posture similaire au félidé puis en souriant doucement, fait une bise sur la joue de Maxime.
— Bonjour petit coq, dit t'elle d'une voix ensommeillée en baillant.
— Bonjour princesse. Bien dormi ?
— Oui... Tu es toujours aussi confortable et tu ne m'as pas piqué la couette même si tu prends toute la place, s'amuse la demoiselle.
— Tu oses dire ça alors que tu t'es à moitié affalée sur moi ? Réponds sur le même ton blagueur Maxime.
— Mmm OUI, sourit la jeune fille en le regardant droit dans les yeux et en se redressant pour se mettre assise.
Maxime se perd un peu dans les prunelles émeraude espiègles, retrouvant la lueur de malice qu'il lui connaissait jusqu'à ses huit ans. Les cheveux de Maeve sont ébouriffés et semblent avoir pris vie sur sa tête. Machinalement, il lui replace quelques mèches derrière les oreilles dans un geste très doux auquel elle ne se soustrait pas. Elle penche même la tête pour la poser dans sa grande paume en souriant.
Les deux adolescents se font face et restent silencieux. Ils se regardent sans animosité et presque tendrement. Maxime caresse la joue et les cheveux lentement et se lève peu à peu pour lui embrasser le front. La tête de la jeune fille s'incline et se pose sur le torse du brun. Les deux s'enlaçent sans un mot.
L'instant magique cesse lorsqu'un petit chat saute sur le lit et remue entre les deux adolescents pour réclamer sa pâtée à l'aide de miaulements mécontents et de petits coups de fesses pour se faire gratouiller et éloigner les deux humains. Elle les bouscule, ce qui provoque leur hilarité devant son sans-gêne.
— Faut que je file. Sinon, elle serait capable d'aller visiter la cantine. À toute à l'heure en cours petit coq, dit la brune en se levant.
Elle passe dans la salle de bains rapidement puis regagne sa chambre pour nourrir les fauves avant que les dortoirs ne se réveillent. Le brun reste perplexe. Sa princesse s'est montrée câline. Tactile même. Pourtant, elle n'hésite pas à le remettre à sa place et à le provoquer souvent.
Cette nuit est si bizarre. Rien n'est logique par rapport à la situation. Un peu comme si Maeve s'était accordée une parenthèse, une nuit comme celle de son enfance, avant que son Papinou ne disparaisse. Quelques heures où la petite fille de huit ans câline est revenue dans les bras de son complice de chamailleries.
En quoi consiste l'horrible cauchemar qui la fait pleurer ? Elle n'a pas voulu lui dire et s'est contenté de se blottir encore plus fort. Ce matin au réveil, elle s'est frotté contre son bras, parfaitement conscience d'être avec lui, vu qu'elle ne s'est pas trompé de prénom en lui disant bonjour. Il sait qu'il a raté quelque chose et ignorer quoi l'énerve au plus haut point.
Il se lève lui aussi et se dirige vers la douche pour bien se réveiller. Une de ses bouteilles de gel douche mentholé a disparu. C'est sûrement elle. Il adore ce savon qui lui fait des frissons glacials quand il se lave. Il le fait importer par cartons entiers depuis son enfance. Le brun se débarbouille et s'habille de sa tenue classique de mini homme d'affaires, pantalon noir, chemise blanche et cravate noire. Lui aussi ne suit pas vraiment l'uniforme et tout le monde s'en fout. De toute manière, il est moche cet uniforme.
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