Grand frère

10 minutes de lecture

— Il y deux ans, une grande fête eut lieu au lycée Washington. De toute la journée, les élèves et le corps enseignant se réjouirent de l'approche de l'événement. Personne ne savait qui avait payé et pourquoi. Depuis le matin, j'attendais que l'un d'eux me souhaite mon anniversaire, mes quinze ans et mon passage dans la vie d'adulte. Je réceptionnais ce jour là une partie de l'héritage de mon défunt grand-père. Je voulais me réjouir de la nouvelle avec quelqu'un.

Aucun ne le fit. Personne ne se préoccupa de moi qui pourtant avait perdu mes parents quelques semaines auparavant. Je réalisais que tout le monde me détestait et était bien heureux de me voir en deuil, simplement pour mon nom de famille. Ils s'attendaient à me voir m'écrouler, se préparant à manger mon héritage tels des vautours.

Lasse de devoir répondre à des condoléances mensongères et de ne pas dire toute l'horreur que j'ai vécu ces dernières années, je ne supportais plus mon silence. Je ne pouvais plus accepter de ne pas crier haut et fort combien ils étaient des monstres et pire, je voulais m'arracher la langue pour ne plus tenir des propos élogieux à leur égard.

Alors, j'ai pété un câble. Oui, malgré les rumeurs qui pensent que je suis un robot, je me dois de vous décevoir ou de vous rassurer. Je suis humaine et dotée d'émotions. Maeve Teyssier s'est mise à boire durant cette fête. Beaucoup d'élèves et de professeurs ont pu me voir dans un état peu recommandable. J'avais effectivement plus qu'abusé de la boisson. Certains garçons ont trouvé là une occasion d'humilier la dernière des Teyssier et ont cherché à profiter de la situation.

Ils se sont rapprochés de moi en espérant m'entraîner dans un coin sombre pour s'en prendre à ma vertu. Certains avaient même prémédité de filmer la scène afin de l'envoyer sur internet. Ma réputation aurait sûrement était ruinée et mon empire financier aurait été confronté à un coup dur. Mais surtout, une fois dessoulé, j'aurais réagi très violemment je pense.

Toutefois, un jeune homme est intervenu pour me sortir de mon pétrin. Malgré que nous ne soyons plus amis depuis des années et que Père ait humilié sa famille à plusieurs reprises, ce jeune homme m'a embarqué sans aucun ménagement et entrainé dans ma chambre. Bien à l'abri, ce garçon d'habitude si calme et doux m'a passé un savon monumental.

Je ne souhaite à personne de le voir un jour en colère. On ne le dirait pas quand on le regarde et le voit si doux et si patient, mais quand on le pousse à bout, ce jeune homme a un sacré caractère et ne se laisse pas marcher sur les pieds. Il m'as recadré avec fermeté et poigne. Ses propos m'ont fait dessoulé aussitôt. Mon alcoolisme laissa place à la fureur.

Je lui ai crié toute la vérité. Ce que j'avais subi. Leurs mensonges. Leurs coups. La perte de tous mes amis d'enfance à cause de la haine de nos parents. Le meurtre de Grand-Mère. L'assassinat de Père. Mon envie de mourir encore présente. Ma tentative d'oubli de la haine dans l'alcool. Telle une folle, je lui ai hurlé dessus. Je l'ai tapé. Je l'ai griffé. Je l'ai mordu. J'ai perdu les pédales au point de me faire vomir. Devant ses yeux, j'ai cassé ma bouteille de bière et j'ai tenté de m'ouvrir les veines.

Fort heureusement pour moi, ses bras s'ouvrirent et accueillirent mon chagrin. Il me parla. Il me consola. Il me fit prendre une douche et se comportant comme un parfait gentleman, il m'aida à me changer. Toute la nuit, j'ai pleuré dans ses bras. Jusqu'au petit matin, je l'ai injurié, maudit et menacé des pires tourments. Pas une seule minute, il ne partit. Pas une seule seconde, il ne cessa de me bercer comme une enfant, de me caresser les cheveux et de me chanter une berceuse pour m'apaiser.

Il me rappela qui j'étais. Non pas la fille de deux monstres mais la petite fille d'un homme merveilleux. La petite chipie qui illumina son enfance. Il m'évoqua la crainte et le respect que mon simple nom de famille inspirait. Les portes qu'il ouvrait. Il me rappela tout ce qu'il y avait de bien en moi, toutes les joies que j'avais connue et oubliée. Ce garçon refit de moi Maeve Teyssier, son amie, la dernière du nom qui redorerait le blason familial mis à mal.

Depuis ce jour, il est à mes cotés. Envers et contre tous. Il me soutient. Il me donne sa force. Son amour. Il garde mon secret et malheureusement, il en a perdu des amis pour me protéger. Il a accepté ce sacrifice car j'avais besoin de lui. Je n'étais pas assez forte seule. Il est resté pour me remettre debout et redresser ce que Père avait tenté de briser.

J'ai perdu un grand-père merveilleux qui est toujours en moi. J'ai perdu deux parents monstrueux dont je porterais toujours les marques. J'ai gagné un grand frère, un ange de douceur, un soutien indéfectible qui va recevoir mon pied au postérieur s'il pleure car les fortunés n'ont pas d'émotions.

Je le vois bien me murmurer que je n'aurais pas dû mais je lui dois. Je me dois de déclarer haut et fort qu'il est mon frère de cœur, mon seul ami. Je me dois de redorer son honneur et de déclarer devant vous tous qu'il n'est pas un salop qui a profité de la détresse et l'ivresse d'une enfant de quinze ans paumée. Il est l'ange qui m'a ramené à la raison, qui m'a redonné l'envie de vivre.

Oui monsieur Plenzo, votre fils est mon ami. Oui, j'utilise mon nom de famille pour lui faire obtenir des contrats juteux. Oui, je n'ai aucun complexe à lui donner accès à mes contacts. Non, je ne poursuis pas cette guéguerre familiale stupide envers les autres fortunés et surtout envers celui que je considère comme mon grand frère. Non, il n'a pas abusé de moi. Oui, c'est un gentleman. Oui, vous pouvez être fier de lui. Non, il n'a pas entaché l'honneur de votre famille. Oui, il vous a apporté gloire et respect.

Et parce que je suis une Teyssier et que les Teyssier ne se laissent pas marcher sur les pieds, j'ai racheté le torchon qui a publié les infamies. J'ai viré son directeur et le pseudo journaliste merdeux et je leur ai fait retiré leurs cartes de presse. Ils vont devoir répondre de seize plaintes contre chacun d'eux. J'ai fait parvenir à leurs femmes des preuves de leurs infidélités et j'ai payé les avocats pour les demandes de divorces.

On ne touche pas à une Teyssier et encore moins à ses amis. Les garçons ayant aidé à la fausse paparrazade dans les locaux du lycée, bien que mineurs pour la plupart, vont devoir répondre devant la justice de leurs actes et mes avocats personnels se chargeront de toutes les affaires afin que les peines de prison appropriées soient jugées.

Les banques bancaires de l'escort girl ont été bloqués. Elle vient d'être expulsée de son appartement et la garde de son fils lui a été retiré. Chacun de ses clients a été informé qu'il serait préférable de ne plus travailler avec elle, ainsi que tous les clubs de la ville. Elle est personna non grata dans tous les hôtels, restaurants et bars de la ville et de la contrée. Elle va donc témoigner de son implication dans les différents procès qui auront lieu d'ici peu.

Quand à tout ceux qui ont préféré écouter les racontars, ils ne sont pas dignes d'intérêt et ne méritent que mon mépris le plus profond. Sur ce, permettez moi de vous souhaiter une bonne soirée et je laisse la parole à la présidente de l'association pour vous parler des ses actions.

La salle est silencieuse, sous le choc des deux révélations qui viennent d'être faites. Même pour les plus stoïques, il faut un peu de temps pour tout digérer. La confirmation du statut de salopard de Rudolf Teyssier et de toute l'horreur de sa personne fait frissonner l'assistance. Ceux dotés de compassion assimilent le calvaire que la jeune Maeve a subi et comprennent mieux pourquoi elle est si dure. La réaction de Maeve lors du kidnapping des Tiago et celle liée à l'article diffamatoire démontre qu'elle est bel et bien une Teyssier, rancunière, puissante et sans pitié.

Les dirigeants de sociétés se mettent à trembler en voyant une gamine de la trempe de René Teyssier se présenter devant eux et envisager un partenariat avec les entreprises Plenzo. Cette possibilité redonnerait toute sa puissance à l'empire Teyssier et propulserait les Plenzo au rang de quatrième voir de troisième fortune mondiale d'ici quelques années. D'autant plus que le jeune Thibaut semble être redoutable en affaires, stratége et également rusé.

La jeune fille descend de l'estrade avec fierté et orgueil. Elle rejoint son ami Thibaut qui se précipite pour couvrir ses épaules et son dos dénudé avec sa veste. Il lui fait un gros câlin sans se soucier des caméras et de flashs alentours. Elle s'autorise à se blottir contre lui quelques instants, le temps de faire cesser les tremblements qui la hantent. La tendresse de leur duo ne laisse aucun doute sur la profondeur de leurs sentiments réciproques. Puis, elle reprend son masque impénétrable et redevient Maeve Teyssier, la fillette de seize ans impitoyable qui dirige d'un main de fer son empire financier.

La seule indication de son humanité est la main de Thibaut qui refuse de la lâcher. Les deux amis reprennent le cours de la soirée et badinent pour discuter affaires, comme de bons chefs d'entreprises. Elena tient le bras du jeune homme de l'autre coté et ils font front ensemble, faisant taire les rumeurs sans un mot. La blonde arbore un magnifique sourire et tout le monde a vu le regard de soutien envers la brune, confirmant aux derniers sceptiques les dires déclarés. Les deux jeunes filles agissent comme des amies qui s'entendent à merveille.

Si l'assistance n'était pas aussi fébrile, on ne devinerait pas les deux bombes qui viennent d'imploser. Les trois adolescents sont d'un calme olympien et maitrisent si bien leurs émotions qu'ils en font trembler les adultes. Deux tigres de la finance sont en train d'aiguiser leurs dents. Une panthère est en apprentissage auprès d'eux. Bientôt, tout le monde subira des attaques sanglantes et impitoyables. Tel est le monde des affaires.

Réalisant ses erreurs et voulant leur demander pardon, Maxime tente de se rapprocher d'eux. Les gardes du corps ont reçu des consignes strictes et malgré son nom prestigieux, il ne peut leur parler. Le regard dédaigneux de Maeve qu'il a croisé lui a brisé le cœur. Elle le haït. Elle n'a aucune intention de lui pardonner ou de lui offrir une opportunité pour se rabibocher avec Thibaut. Maxime sait combien elle est têtue et obstinée. La seule qui l'est encore plus que lui. La seule contre qui il n'a aucune chance.

Dans une énième tentative d'approche, il aperçoit son pote Samuel qui galère comme lui. Lui faisant un signe, il communique afin que l'un d'eux parvienne à attirer l'attention d'Elena, de la tigresse ou de Thibaut. Rien n'y fait. Les deux acolytes font chou blanc et n'obtiennent que des dos et quelques intimidations de gardes du corps un peu zélé.

Ils se sentent tous les deux si honteux de n'avoir pas écouter leur pote. Pourtant, ils le connaissent depuis si longtemps. Au fond d'eux, ils savent que leur ami n'aurait jamais fait cela. Pourtant, ils ont jugés trop vite puis aveuglément écouter les racontars. Si Samuel a réalisé que c'est par jalousie envers Maeve qui lui volait son pote, Maxime n'a toujours pas compris pourquoi il s'est montré si dur envers son meilleur ami.

Toute la soirée, ils tentent et échouent. Ils finissent par rejoindre leurs parents au moment de rentrer chez eux. Si la famille de Samuel n'a que peu à perdre, celle de Maxime vient d'entendre une déclaration de guerre se confirmer. Le partenariat assumé de Maeve et Thibaut va sacrément mettre des bâtons dans les roues des Bord.

Pourtant, quelque chose perturbe Marc plus que cette association. Il se sent honteux des paroles de la brunette. Il reconnaît en elle la grandeur et le talent de son grand-père et s'en veut de ne pas avoir pressenti les souffrances de l'enfant. Certes, René était son plus redoutable adversaire, mais il le respectait et jamais il n'aurait laissé une fillette subir une telle chose. Il aurait dû la protéger de Rudolf dont il savait en parti l'ignominie.

Il le savait. Il le sentait et il n'a pas agi suffisamment. Il aurait du comprendre dès le début. Marc s'en veut. Il était celui qui aurait du la protéger, celui qui pouvait le faire et il l'as laissé tombé. Il réalise la haine de la brune à son égard. Maeve va devenir son nouvel adversaire, toutefois, il ne sait comment agir pour ne pas en faire son ennemi comme Rudolf mais sa concurrente comme René, comment lui inspirer le respect et non le dégoût.

Vu la tête de son fils, Marc ne pourra guère utiliser leur ancienne amitié. Il va falloir qu'il ait une sérieuse discussion avec Maxime. Il doit comprendre ce qui s'est passé exactement et pourquoi cette andouille reste fâché depuis des lustres avec Thibaut son frère de cœur. Les deux garçons s'entendaient si bien. Marc doit aider Maxime à se faire pardonner, car il est sûr au fond de lui que son rejeton a sacrément merdé avec son caractère impétueux.

S'il ne peux utiliser son fils, Marc n'est pas sans ressource. Sa douce épouse Christy est la seule à avoir pu s'approcher du trio infernal dans la soirée. Elle a même pu serrer quelques secondes la jeune tigresse et le regard doux échangé montre que Maeve semble continuer à apprécier sa tendre moitié. D'ailleurs, depuis le retour de Thibaud à ses cotés, la brune a clairement montré une volonté de se rapprocher de la douce Christy.

Il ne reste plus qu'à Marc de convaincre sa moitié de faire des cookies pour la donzelle, histoire de l'amadouer. S'il ne peut la séduire par l'esprit, il l'attirera par l'estomac. De ce qu'il se rappelle de la mini tornade, son point faible a toujours été la nourriture sucrée. Marc tient un plan.

Annotations

Vous aimez lire danslalune123 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0