Trouver un trésor de pirates

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En ce dernier mercredi de vacances, Maeve s'est enfin décidée de faire du tri dans les derners papiers de sa famille. Si elle a déjà fait vendre aux enchères les vêtements couteux de ses parents, elle n'a jamais réussi encore à remettre les pieds dans cette maison. C'est avec crainte qu'elle rentre dans ce lieu autrefois si dangeureux. A chaque pas qu'elle pose dans cette demeure, un frisson la parcourt. Tant de souvenirs douloureux ressurgissent à chaque coin de pièce. Mais pour son avançer, elle doit la vider entierement.

Il y a eu des changements depuis le terrible jour. Jacob, David et Thibaut sont passés déblayer et trier toutes les pièces sauf deux. La chambre parentale et le bureau de Rudolf. La poussière s'est rajoutée, faute de ménage. La jeune fille ramasse d'abord les quelques papiers épars sur le sol puis observe le hall d'entrée avec attention. Ici, Tous les meubles ont été enlevés et il ne reste que le carrelage noir et brillant. La trace d'une main blessée sur l'un des pans de murs.

Le salon est aussi vide que l'entrée. La grande cheminée trône au milieu du plus grand mur. Maeve a fait fondre les tisoniers qui l'ont tant souvent blessés. Elle les a transformé en objet décoratif revendus au profit de l'association des femmes battues, comme l'ensemble des meubles et des autres affaires de cette maison.

La cuisine a subi aussi ce nettoyage par le vide. Tous les casseroles, verres et chaises ont disparus. Il ne reste que les traces de sang au sol. Le sang de sa mère. Et aussi les impacts des balles tirées qui se sont fichées dans le mur. Les balles ont été récupérées par la police mais les trous sont restés. Les silhouettes des cadavres sur le sol aussi. La jeune fille effleure du doigt les cercles sur le mur et se laisse envahir par les pensées sombres. Des larmes coulent en silence sur son visage.

Maeve fait le tour de la maison et s'assure que tout est vide. Il est temps maintenant de s'occuper des deux dernières pièces. Elle commence par la chambre. Elle n'était jamais entré dans le lieu de sommeil de ses parents. Cela lui était interdit. En ouvrant la porte, elle est surprise de l'ordre qui y régne. Le lit est tiré, le sol propre. Une odeur de renfermé pique le nez de la jeune fille. Alors, pour la première fois depuis des années, Maeve ouvre la fenêtre et laisse l'air frais et la lumière envahir l'espace.

La brune profite des quelques rayons de soleil et de la fraîcheur pour calmer les tremblements de son corps. Revenir ici lui est vraiment difficile. Pourtant elle doit le faire pour pouvoir se séparer de cette maison. Au début, elle voulait tout dynamiter. Jacob a eu une bien meilleure idée. Une fois que la maison sera vidée de tous ses objets, elle sera réparée, repeinte et nettoyée. Puis Maeve en fera don à l'association. Elle deviendra un refuge pour femmes battues, un lieu hautement sécurisé. Un moyen de transformer un enfer en paradis.

La chambre est presque vide. Les vetêments étaient dans les dressings. Il n'y a qu'un lit avec ses draps et deux petites commodes avec des chaussettes et des culottes. Deux petites lampes de chevet, un pot de crème de nuit moisi et des cachets sur le sol. Etonnée, la jeune fille regarde les médicaments. Elle ignorait que l'un de ses parents suivait un traitement. En regardant de plus près, elle distingue le nom et cherche rapidement sur son téléphone. Il s'agit de contraceptifs.

Le reste des plaquettes est visible entre le sommier et le matelas. Comme s'ils étaient caché à cet endroit. Maeve comprend alors l'objet de la dispute le soir fatidique. Rudolf voulait un autre enfant, un fils. Lui et Sania faisait souvent l'amour en vain. Sa mère ne retombait plus enceinte et prétextait que Maeve lui avait abimé le corps de l'intérieur. En observant les cachets, Maeve réalise que Sania ne voulait plus jamais avoir d'enfant et prenait la pilule.

Rudolf as du le découvrir et s'est faché. Une colère contre Sania d'une violence sans pareille. Il voulait vraiment un fils. Il avait même songé à utiliser une mère porteuse face à la pseudo stérilité de Sania. En découvrant le contraceptif, il est devenu fou. Incontrôlable. Maeve n'a jamais compris pourquoi il tenait tant à avoir un fils. Rudolf savait que les filles étaient autant capables que les hommes. Toutefois, il les haissait. Sania n'avait ses faveurs que parce qu'elle était belle.

Aujourd'hui, Maeve sait que ce dégout vient d'Amelia, de sa disparition et du sentiment d'abandon dont as souffert Rudolf toute sa vie. René avait tout tenté pour protéger son fils, toutefois, il n'a pas pu le préserver et Rudolf est devenu fou peu à peu. Au point d'en devenir si violent qu'il était prêt à tuer de ses mains son épouse. Sania ne pouvait jamais être seule ou parler à un homme sans la présence de son époux. Il redoutait l'infidélité et se montrait jaloux, possessif et méfiant dans l'intimité. Fort heureusement pour elle, Sania était manipulatrice et docile. Elle savait comment faire pour être toujours dans les bonnes grâces de son époux. Jusqu'au jour de la découverte de la plaquette de pilule.

Après un soupir, Maeve met dans le sac poubelle le pot de crème et les cachets. Dans de grands sacs les derniers vêtements et les draps pour qu'ils soient nettoyés puis donnés. Maeve s'assure qu'il n'y a aucun double fond ou objet caché dans les meubles. Puis, elle referme la fenêtre et sort de la pièce. Jacob s'occupera de déménager et vendre les meubles.

Il ne lui reste qu'une pièce, celle qu'elle redoute par dessus tout. La pièce interdite. Le tri devrait aller vite pourtant. Rudolf était aussi maniaque et méticuleux que René. Tout doit déjà être parfaitement rangé par ordre chronologique et importance. Le bureau est sinistre. Aucun objet décoratif ou personnalisé. Stylos industriels. Tout est noir et bas de gamme. Dans l'intimité, là où personne ne pouvait le voir, Rudolf était radin. Le tape à l'oeil, le clinquant, les marques haut de gamme étaient réservés aux sorties publiques.

Comme dans la chambre, la première chose que fait la brune est d'ouvrir la fenêtre pour renouveler l'air et surtout faire entrer du soleil. Il lui faut quelques minutes de plus pour retrouver son calme. Les images du dernier soir l'assaillent et elle ne peut arrêter les larmes de couler. Le tiroir contenant l'arme est encore ouvert. Le chant d'un oiseau calme enfin la jeune fille. Regardant le jardin extérieur, elle songe qu'il faudra faire débétonner certaines parties pour faire un potager et rendre le lieu moins austère. Les hauts murs d'enceinte ne sont pas un problème. Un peu de lierre ou quelques arbres les rendront plus doux.

Penser à l'amélioration des extérieurs apaise la jeune fille. Elle a soudain plein d'idées en songeant à ce qui lui a manqué petite. Comme un potager, un poulailler et aussi une piscine et des jeux. Jacob a raison. Avec un peu de changement, cet endroit peut etre un vrai refuge pour les femmes et les enfants éprouvés par la vie. La caserne de gendarmerie située à moins d'un kilomètre est suffisament dissuasive pour les intrus. En plus, le système d'alarme et les caméras de surveillances extérieures sont toutes sous contrat d'une société de sécurité grassement payée pour venir à la moindre suspicion.

Ayant retrouvé son calme, Maeve se dirige vers les étagères et débute le tri. De nombreux dossiers et papiers en double seront expédiés dans ses bureaux. En une heure, elle épluche le contenu des cinq étagères. Rien de nouveau. Tout étant trié et annoté, il suffira de les faire déménager par Jacob à ses services comptables ou juridiques. Pour l'instant, tout va bien. Pas de cachette dans les étagères ni dans les deux lampes.

Le coffre fort ne résiste que quelques minutes à l'esprit logique de Maeve. Les dates de naissances étant trop faciles à trouver pour des voleurs, elle sait déjà que ce n'est pas cela. Ni celle du mariage, Rudolf n'étant pas ce genre de sentimental. Elle essaye donc quelques succès scolaires ou professionnels de Rudolf avant de mettre la vraie date de la fugue d'Amélia. Rudolf est du genre sentimental rancunier.

Quelques bijoux particulierement onéreux, des pierres précieuses obtenues de façon malhonnêtes qui devaient être envoyées à un bijoutier véreux pour être vendues. Encore une fois, rien d'interressant ni de nouveau. Rien qui ne justifie l'interdiction. Elle avait grand espoir sur le coffre fort. Maeve ne comprend pas ce que son père voulait lui cacher. Elle avait déjà rapidement fouillé la pièce en cachette à plusieurs reprises du vivant de ses parents. C'est comme cela qu'elle savait où était le revolver. Elle n'a jamais rien trouvé.

Elle s'attele aux tiroirs du bureau et au caisson métallique adjacent. Des papiers de brouillon, des stylos, des ciseaux,... Que du matériel de bureau basique. Elle enlève tous les tiroirs, examine l'intérieur du meuble avec une torche. Elle souleve le meuble avec difficulté mais ne trouve toujours rien. Elle le tire hors du tapis pour pouvoir également enlever le tissage. Pas de coffre caché sous le bureau. Rien de rien. Les étagères sont trop lourdes pour que Rudolf ait pu les faire bouger.

Maeve réflechit. Il y a forcément quelque chose. Elle examine chaque centimètre du sol et des murs découverts. Pas de fissures, de trappes, de cachettes. Tout sonne plein et identique. Elle tatonne les accoudoirs et la mousse de rembourrage du fauteil de bureau. Toujours rien. Maeve est découragée. Elle s'écroule par terre, au pied de la chaise, furieuse.

Soudain, elle réalise à quel point cette chaise est haute. C'est vrai que son père était presque aussi grand que Marc Bord. Un quasi géant. Une idée assaille Maeve. Elle replace le bureau à sa place puis, place le caisson métallique dessus. Elle grimpe périlleusement sur l'un puis l'autre pour pouvoir toucher le plafond. Ainsi, elle est quasi de la même taille que son géniteur. En se mettant sur la pointe des pieds, elle caresse les moulures roccoco. Bingo! L'une d'elle bouge.

Un petit amas de feuilles lui tombe sur le visage, manquant de la faire dégringoler et se casser un os. Elle chute lourdement sur les fesses, heureusement l'impact est amorti par le coussin du fauteil sur lesquel Maeve se jette par réflexe. Elle a enfin trouvé ce qu'elle cherchait. Ce secret qu'elle pressentait. Son trésor. Une dizaine de feuilles de papier que Rudolf protégeait avec férocité.

Maeve est si fébrille qu'elle a besoin de sortir de la maison. Elle tremble de tous ses membres. Impossible de savoir si elle est heureuse ou terrifiée. Elle se prend la tête dans les mains et se balance d'avant en arrière, comme une folle. De longues minutes, de très longues minutes passent sans amélioration de son état. Elle parvient enfin à saisir le sac en papier dans sa poche et souffle frénétiquement dedans pour stopper son hyperventilation.

Elle aurait dû accepter la présence de Jacob ou de Thibaut. Pourquoi a t'elle voulu faire cela toute seule? Maeve s'autoflagelle mentalement et physiquement en tapant sa tête contre le mur d'enceinte. C'est encore un stupide oiseau chanteur qui la ramène à la réalité et au calme. La jeune fille essuie ses larmes et se frotte le visage. Elle souffle doucement par la bouche et rassemble son courage. Elle doit savoir.

Retournant dans le bureau, la brune ramasse les feuilles au sol. Il y a l'écriture de son père sur huit feuilles, une lettre dans son envelloppe, une clé de coffre de banque et une pochette photo. C'est par les images qu'elle commence. A genoux, elle les sort un par un de la pochette de papier. Quelques clichés de Rudolf et Marc enfant et adolescents, complices. C'est étonnant. Maeve pensait que Rudof haissait Marc et aurait jeté tout souvenir. D'autres images de victoire de Rudolf comme lorsqu'il signa son premier contrat d'hommes d'affaires.

Cela chamboule un peu Maeve. Ce sont des relents sentimentalistes qu'elle n'aurait jamais soupsconné chez son père. Les dernières photos bouleversent Maeve. Il s'agit d'un enfant. Un bébé chétif. Un garçon dans les bras d'une femme qu'elle n'a jamais vu. Les dates derrière lui sont totalement inconnus et postérieurs à sa naissance. L'enfant serait né trois ans après elle. Un prénom est griffoné. Mahon. Elle voit l'enfant grandir. La ressemblance avec René, Rudolf et elle est de plus en plus frappante au fur et à mesure que le petit se dévelloppe.

Un frère! Maeve a un petit frère! C'est cela que Rudolf cachait. La brune se demande pourquoi elle n'a plus de clichés après les cinq ans de l'enfant. Elle prend alors les ecrits de son père. Il s'agit de notes sur un prochain coup fourré qu'il préparait contre Dimitri et Sarah. Une tentative d'attaque échouée à l'acide par un fanatique que Rudolf manipulait. Amélia avait été prévenue à temps et le fou maitrisé par les gardes du corps. C'est ainsi que Dimitri as gagné sa cicatrice.

Deux autres papiers sont des brouillons de lettres d'injures à l'encontre d'Amélia et de René. Un autre contre elle alors qu'elle n'avait que cinq ans et un dernier à ses neuf ans. Même si la méchanceté et la haine qui transpire des mots lui fait mal, Maeve surmonte ces missives sans trop de difficulté. Elle avait l'habitude de se faire insulter et avec le temps elle s'est protégé contre les mots avec une carapace que peut de personnes savent faire tomber.

Son père a mis par ecrit tout le mal qu'il pensait des trois personnes les plus proches de lui par le sang. Sa haine est particulierement féroce envers Amélia. Il est clair qu'il aurait voulu la tuer de ses propres mains. Ce n'est pas le fait qu'elle soit tombé amoureuse et enceinte d'un autre que René. Elle l'a abandonné sans regret. Elle a refait sa vie sans penser à son fils. Il déchaine sa colère et sa rancoeur mais aussi le désespoir d'un gamin à qui sa maman manque. Rudolf a vraiment souffert atrocement. Même si cela n'escuse en rien son conportement, cela explique bien des choses.

Maeve décide d'ouvrir la lettre. L'écriture ne lui est pas inconnue. Elle vérifie la signature pour être certaine mais aucun doute possible. C'est un courrier de Marc Bord datant du lendemain de la mort de René et adressé à son père Rudolf. Ce n'est pas un courrier officiel ou professionnel. C'est personnel. Suffisament pour que Rudolf le cache si précieusement. Maeve lit à toute vitesse la longue lettre de Marc pour comprendre. Puis, elle s'écroule en pleurs sur le sol.

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