Mon très cher Rudolf
Mon très cher Rudof,
La gendarmerie t'as appelé il y a quelques heures à peine et les pompes funèbres viennent de partir avec le corps. Je suis encore sous le choc de ce qu'il vient d'arriver et ne réalise pas bien. Pardonne moi si mes propos sont quelque peu incohérents. Ce n'est pas mon habitude mais je suis certain que tu comprendras ma faiblesse passagère. Tu dois toi aussi être un peu à coté de la plaque.
Tu dois te demander pourquoi je t'écris, après tout ce temps et surtout à ce moment où tu as des milliards d'autres choses à penser et à faire. Il est important pour moi qu' en ce jour funeste et malgré nos différents actuels, tu sache que tu restes mon meilleur ami. Celui que j'ai toujours considéré comme mon frère, mon égal. J'aimerais trouver les mots pour soulager ta peine de perdre ton père bien aimé. Je t'entends déjà protesté. Mais je te connnais mieux que quiconque et je sais combien tu l'aimes énormément.
Peut -être que j'écris cette lettre en me disant que si la situation était inverse, j'apprécierais de lire les mots d'une personne qui me comprend et me respecte. Une personne comme moi, un frère. Je me sentirais moins seul au monde et j'aurais l'impression de retrouver une famille dans un certain sens. Je crois que je ne sais pas moi même pourquoi je t'écris en fait.
Je me met à ta place et j'imagine tous les tourments , les doutes et les sentiments qui t'assaillent ou qui arriveront. Peut-être que je me trompe et que tu n'es pas en état de réagir. C'est vrai que nous nous sommes éloignés depuis quelque temps et peut être a tu changé. Je t'imagines toujours en adolescent aussi fort et féroce que moi. Est tu devenu encore pire ou bien plus vulnérable? Je l'ignore. Mais je divague du sujet, je m'en escuses.
J'ai du mal à accepter la mort de René. Je m'attends encore à le voir débarquer à tout instant. Je suppose que tu auras toi aussi besoin de temps pour intégrer la nouvelle. Comme tout le monde qui le connaissait. Ton père avait tellement d'amis et de personnes qui l'appréciaient. Même ceux qui le redoutaient ont toujours eu une part d'affection pour lui. Il sera toujours présent en chacun de nous. Revoilà que je divague. J'ai du mal à canaliser mes pensées.
Bientôt, je pense que cette nouvelle te mettra dans une fureur incontrôlable. Tu chercheras surement des coupables. Pour ce moment là, je tiens à te dire d'avance que lorsque j'ai entendu le cri de Maeve, j'ai couru aussi vite que possible. J'ai fait tout ce que je pouvais pour réanimer ton père. J'ai pratiqué le massage cardiaque bien longtemps après que les secours l'aient déclaré mort. Je ne pouvais pas me résoudre à cela. Je te jure que j'ai tout fait pour sauver René. Au nom de tout ce que j'ai de plus cher au monde, crois moi que j'ai tout tenté en vain.
Les secouristes sont arrivés extrêmement vite. De toute manière, il semblerait que René soit mort en quelques secondes. Sans douleur et avant même que je n'arrive ou que Christy puisse appeler les urgences. Il avait encore son téléphone à la main. Lui même n'a pas réalisé je pense. Tout cela pour dire que ce n'est de la faute de personne. Il n'y a pas de coupable à chercher mis à part le cours de la vie.
Bref. Si tu as besoin de quoi que ce soit, y compris aller se bourrer la gueule au pub des quatres trèfles comme quand nous étions deux ados crétins, je suis là. Je serais toujours là pour toi. Notre amitié me manque tellement. Bien sur nous sommes adultes et père aujourd'hui. Nous avons grandi. Nous pouvons redevenir amis comme l'étaient René et Marcel. Un duo de requins à qui personne ne peut resister et qui peuvent avoir confiance lui dans l'autre.
Je m'en veux tellement de m'être enervé quand tu as eu la promotion que je voulais. J'ai cru que tu ne la méritais pas mais je me suis trompé. J'étais aveuglé par la colère car je voulais impressionner mon père. J'avais travaillé pour cela mais toi aussi. C'était ta place. Nous étions si jeunes et nous nous emportions si facilement à cause de nos bouleversements d'hormones et notre esprit de compétition. Maintenant, je sais et je voudrais reprendre notre amitié.
Donc je renouvelle ma proposition. Si tu as besoin de quoi que ce soit, demande moi. Je suis là et je serais toujours là pour toi. Comme je l'ai été pendant de si niombreuses années. De nos couches culottes à nos premières armes d'hommes d'affaires. Complices et coupables des mêmes choses. Se connaissant par coeur.
Je sais. Je suis une catastraphe quand il s'agit de remonter le moral de quelqu'un. Tu n'es guère mieux que moi. Je voulais écrire quelque chose de joyeux et d'optimiste, me voilà à ressaser et regretter le passé. Tout le contraire de ma personnalité. Le verre de bourbon que j'ai pris pour me remettre s'est fini en bouteille et je n'ai plus les idées claires. Je deviens mélancolique. J'espère que tu ne m'en tiendras pas rigueur.
Tu vas devoir reprendre l'intégralité de l'empire et je suis bien placé pour savoir combien cela est prenant et stressant. Avoir un allié bien placé est un avantage de taille. Nous pourrions nous entraider. Nous avons la même éducation et les mêmes principes d'affaires. En joignant nos compétences et notre fougue, nous serions les leaders, écrasant tous les autres. Il y aurait nous puis nos sous fifres, si loin derriere que toute résistance sera inutile.
Je sais que cela te fait rêver. Nous avons un but commun. Devenir indétronable. Rappele toi nos discussions nocturnes. Les rêves qui nous animaient gamins. Détroner nos paternels. Faire tout ce que l'on veut et tout régenter. Réinstaurer la royauté dont nous sommes les seuls à avoir encore le sang.
Nos ancêtres ont eu une excellente idée d'obliger les royaux à n'avoir qu'un seul enfant pendant plusieurs générations. Grâce à cela, nos deux familles n'ayant que des garçons, nous avons réussi à noyer et faire disparaitre les nom des trois autres familles de royaux. Les Bord ont marié la fille Chen et les Teyssier ont marié successivement les filles Rodiana puis deux générations plus tard Allahym.
Il ne reste plus qu'à fusionner pour devenir les seuls légitimes. Nous en sommes capables. Nos empires ont quelque peu été modifiés avec le temps. Mais réunis, ils couvrent la quasi totalité de la terre et des biens importants. Ensemble, nous pourrions releguer aux oubliettes tous ces jeunes loups montants comme les Toen ou les Bjork. Même si je n'ai pas compris ce qui te fait les détester autant, sache que je suis prêt à t'aider à les détruire.
Mais tout cela demande du temps. Et avec un enfant si jeune à éduquer, cela sera compliqué. Tu n'as jamais eu la fibre paternelle et les enfants t'agace. Je le sais bien. Nous le savons tout les deux. Tout comme nous savons tous les deux que Sania n'est qu'une belle coquille vide qui ne sait même plus pondre. Elle se saura jamais s'occuper décemment de ton héritière. Elle est si incapable qu'elle pourrait détruire tout ton travail. Ce n'est pas pour rien que tu as confié Maeve à ton père.
Aujourd'hui, il n'est plus là et tu vas devoir parcourir le monde pour gérer l'empire. Tu ne peux pas perdre de temps avec un mioche. Aussi, je te propose un solution si tu es d'accord. Mon épouse Christy fait un excellent travail auprès de mon héritier. Elle est cultivée et maitrise le monde des affaires bien qu'elle s'en soit retiré à ma demande. Je corrigerais les lacunes si besoin. Auprès d'elle, Maeve apprendra le nécessaire pour devenir une digne héritière. Enfin, si une fille en est capable...
Pour l'instant, ta fille est en sécurité chez moi et elle dort avec mon fils sous la surveillance de ma douce épouse. Je ne voulais pas qu'un vautour profite de l'occasion pour faire du mal à Maeve. Alors, j'ai ordonné à Christy de conduire la petite au manoir et mon service de sécurité ne laissera personne d'autre que ma famille et toi approcher de Maeve.
J'ai vraiment tiré le ticket gagnant avec Christy. Une fille pas trop bête ni trop chiante, pas frivole, qui sait faire des mâles et qui n'évite de me ruiner en nounous imbéciles et ingrates ou en domestiques pour l'entretien du domicile. En plus, elle est un très belle accesoire lors des dîners d'affaires. Suffisament belle pour distraire mon adversaire et suffisament maligne pour savoir quand se taire. Elle m'as amené un petit pactole et une belle dot d'entreprises en mariage. Je n'échangerais pour rien au monde mon gros lot.
J'espere pour toi que ton héritière tient plus de toi et de ton père que de l'oie qui partage ta vie. De ce que j'ai pu voir, elle est prometteuse. René l'a bien elevé et elle semble intelligente. Christy sera un bon exemple. Je prendrais Maeve en charge et m'assurerais personnellement qu'elle soit conforme à tes attentes. Elle grandira avec Maxime. Ainsi, lorsqu'ils seront adultes, nous les marierons et formerons notre empire commun. Celui dont nous avons toujours revé.
Nous pouvons préparer l'avenir ensemble. Maintenant. Faisons de ce drame une opportunité pour nous. Nous ne sommes pas des personnes qui s'effondrent lorsqu'une pierre bloque la route. Nous utilisons cette pierre pour aller plus haut et pour barrer le chemin aux autres. Je sais que ce discours fera sens chez toi. Il horrifierait un grand nombre de froussards et de larmoyeurs. Toi, mon ami, tu comprendras.
Tout cela pour te dire que si je prends mon stylo en ce jour funeste, c'est pour te proposer de nouveau d'être mon partenaire d'affaires. Reprend ta place de parrain et de second père pour Maxime. Nous ferons grandir nos enfants uniques ensemble pour ne former qu'une seule et même famille lors de leur mariage. Puisque tu as cassé la tradition des prénoms en R, je suis prêt à perdre mon nom de famille. Nous deviendrons la seule et unique famille de puissants et reprendrons le contrôle.
Peut-être me prendra tu pour un fou de croire encore à nos rêves de gosses. Je suis probablement encore sous le choc de la mort de René et mon esprit se raccroche à de vieux et heureux souvenirs. Je me rappele encore comment j'ai ramené le sourire sur ton visage le jour où tu as su que tu allais avoir une fille. Ton fou rire quand j'ai évoqué le fait de les marier, en souvenir de nos délires adolescents.
Je suis certain que tu n'as pas oublié tout cela. Que comme moi, tu as gardé l'idée dans un coin de tête. Je mettrais ma main au feu tant je suis sur de moi. Nombreux sont ceux qui en lisant cette lettre croiront que je veux profiter de la mort de René et de ta détresse. La réalité est très différente. Même si tu auras sans doute un coup de tristesse, tu ne sera jamais en détresse. Je ne profite pas de la mort d'un rival, je renoue avec un ami. Toi tu le comprendras. Nous sommes fait du même moule.
je n'ai aucune crainte sur la façon dont tu prendras cette lettre. Nous nous connaissons suffisament pour être incapable de se mentir et jamais surpris du comportement de l'autre. En écrivant, je vois les expressions sur ton visage. Ton froncement de sourcils sur les passages qui te déplaisent, ta levre qui remonte vers le nez quand tu souris à mes conneries, tes yeux qui se plissent quand mon écriture vacille et est difficile à lire... J'ai vraiment bu trop d'alcool ce soir.
Tiens là, je t'imagine rire de mon ivresse rarissime. J'espere que de bons souvenirs te reviendront en mémoire et te rendront enclin à considérer mon offre de te débarrasser de la charge de Maeve afin que nous puissions tous deux travailler ensemble à consolider et agrandir nos empires respectifs pour n'en faire plus qu'un lorsque les enfants seront en âge de procréer à leur tour l'enfant unique commun.
Au delà de cela, que dirais tu de jouer un mauvais tour à Fabrice Toen? Il est certain que ce charognard tentera une crasse dès qu'il sera informé de la mort de René. Nous pourrions lui tendre un piège avec l'aide de la famille Tiago je pense. Dès que tu seras prêt, appele moi pour bavarder. Ou pour me casser la gueule. J'accepte les deux pourvu qu'on s'explique une bonne fois pour toute et qu'on se rabiboche.
Le combat risque d'être terrible. J'ai la taille et la force pour moi. Tu as la rapidité et la férocité pour toi. Et comme on est deux crétins, on ne cédéra jamais tant que l'autre ne s'est pas écroulé. Ca risque de durer des heures et on finira à l'hopital couvert de sang tous les deux. Me voilà à rire tout seul dans mon bureau plongé dans le noir. Je fais un bel ivrogne.
Ca me rappele ces jumeaux de tertiaire. Tu te souviens en seizième? Ils se vantaient partout d'être les meilleurs, qu'aucune fille ne leur résistait. Christy les avait giflé et nous pour en rajouter une couche, on s'est battus contre eux. La branlée qu'on leur a mis. La moitié de leurs dents étaient par terre et nous deux, on n'avait pas la moindre égratignure. C'est ton garde du corps qui a fait arreté le combat en nous aspergeant d'eau froide avec la lance à incendie. J'en ris encore. On était deux petits cons quand même.
Que de conneries me reviennent soudain. On en as fait baver à nos paternels. Il y en avait toujours un des deux pour trouver de nouveaux crimes à commettre. On s'en fichait. On est intouchables. Nos noms sont bien trop puissants et respectés. On le sait trop bien et adolescents, on en profitait. J'espere que nos descendants seront moins fous sinon on finira tous les deux chauves avant nos quarante ans.
Bon faudrait mieux que j'arrête d'écrire sous la supervision de la bouteille de bourbon. Ce serait plus raisonnable. N'oublie pas que ma porte, mon oreille et mes épaules seront toujours à tes cotés si tu en ressens le besoin. Puissions nous faire de ce drame quelque chose de positif en redevenant amis comme au bon vieux temps.
Attendant avec impatience ta réponse, et espèrant ne pas me perdre dans le trajet entre ta maison et la mienne pour déposer cette missive,
Je te souhaite que mon ivresse te fasse sourire et revenir vers notre amitié.
Ton sincère et dévoué (et aussi totalement saoul) ami,
Marc BORD
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