Chapitre 5
La petite Claudine avait été déposé au sol. William m’avait félicité tout du long qu’il m’avait ôté le harnachement, me récompensant même de quelques morceaux de viande séchée. Claudine était partie voir les autres animaux et j’avais été libéré. Pour la famille de mon maitre, cela avait parut étrange que de me laisser en liberté, sachant que je pouvais m’enfuir à tout moment en sautant le muret.
-Rex, s’enfuir ? avait rit William. Croyez-bien que cette idée n’a pas dû lui traverser l’esprit.
- Pourtant…
- Alan, désolé de te contredire mais ce n’est pas un vulgaire animal. Rex est d’une grande intelligence. Et au cas où tu ne le savais pas, j’ai été la première personne à l’avoir rencontré. Le lien qui s’est tissé entre nous est tel un oisillon et sa mère.
- Mouais. Un vrai toutou ta bête.
Je les avait écouté d’une oreille distraite, marchant aux côtés de Napoléon qui m'expliquais les liens entre ces humains aux vêtements chics et nos maitres.
-Dis, cousin, pourquoi Rex et l’âne ils sont ensembles ? Avait demandé Claudine en approchant.
- Parce qu’ils sont amis, voilà tout. Maman, j’ai eu une idée.
- Laquelle ?
- Et si on plaçait Rex et Napoléon en attelage pour aller au village ? Ainsi, Rex ne sera pas tout seul pour les première fois.
- Et le bourriquet, alors ?
- Il pourra se reposer sur Rex. Ainsi, il ne travaillera plus vraiment. Tu sais bien qu’ils sont quasiment inséparables, maintenant.
Cette idée ne m’avait pas paru bien mauvaise. Il avait donc été décidé que le lendemain, nous nous rendrions pour la première fois au village. Cela permettrait ainsi à Napoléon de faire les trajets sans efforts. Bien entendu, c’était à William de tout prendre en charge. Mais semblait-il qu’Alan souhaitait nous accompagner.
Le lendemain, j’avait été attelé à la cariole aux côtés de Napoléon. Mon attitude imposante contrastait avec sa silhouette au poil ras et amaigrie. William avait pris place sur le petit banc, imité par son cousin.
-Soyez prudent, avait dit Madeline.
- Promis. Rex, Napoléon, allez les garçons !
Nous nous étions mis en marche. Le départ avait été un peu brusque à cause de moi.
-La vache !
- Il est costaud, hein ?
- A croire qu’il est plus puissant que notre auto…
Tranquillement, nous avions quittés le domaine. Alan avait alors remarqué qu’il n’y avait pas de reines. De simples cordelettes reliées à mon licol les remplaçaient. William avait assuré qu’avec moi, un mors n’avait pas d’utilité, que cela m’aurait gêné davantage qu’autre chose.
-A ce rythme, on arrivera jamais ! s'était plaint Alain.
- Rex ne peut pas aller plus vite que Napoléon. Il tire peut-être la quasi-totalité de l’attelage, mais c’est son compagnon qui donne le rythme.
Voilà pourquoi nous étions partis très tôt.
-Et sinon, tu lui réserve quoi, à ton animal cornu ?
- Dès que possible, nous irons labourer le champs.
Alan s’était esclaffé, hilare.
-Toi, labourer ce terrain ? Mais voyons, cousin ! Vous avez le pire sol de tout le compté, et tu veux le travailler ?! Ce Rex t’aurais-t-il fait perdre la tête ?
- Je sais que nous y arriverons. Il faudra juste le faire pendant l’orage.
- Pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt ?
- Parce que Napoléon n’en aurait jamais été capable. Seul un cheval de trait ou de demi-trait peut tirer une charrue suffisamment longtemps pour tout labourer en une fois. A la main, cela aurait été trop long et pas assez efficace.
- Et tu vas me faire croire que ton bébé dinosaure va y arriver ? Il est à peine plus grand qu’un mouton !
- Oh, tu serais étonné de voire quelles ressources il peut déployer, le mouton, comme tu dis.
Il avait fallu plusieurs heures pour atteindre la bourgade. Sur notre passage, les villageois nous avaient regardés avec de grands yeux. On m'avait pointé du doigt tout en murmurant. Quelle brillante idée que de me faire accompagner par Napoléon. La présence du vieil âne à mes côtés était rassurante. Nous nous étions arrêtés sur la place du marché. Les deux jeunes hommes étaient descendus. William était venu me voir.
-Rex, peux-tu veiller sur ce vieux Napoléon ? Nous allons acheter ce qu’il nous manque à la ferme.
J’avais secoué la tête pour lui communiquer mon accord et ils étaient partis. Autour de nous, les regards étaient à la fois fascinés et interrogateurs. Nulle peur ne s'était faite sentir, sûrement grâce à Napoléon. A mes côtés, le vieil âne semblait s’être endormi. J'avais regardé les alentours. Les étalages proposaient nombre de produits locaux. Il y avait beaucoup de maisons.
-Maman ! Tu as vu le drôle d’animal ?
- Evite de t’en approcher, mon trésor. Il ne m’a pas l’air bien commode…
Je ne pouvais blâmer ces villageois de me craindre, au vu de mon apparence. Un fruit ressemblant à une pomme avait alors roulé jusque sous mon nez. Quelle drôle d’odeur. C’était un petit garçon qui me l’avait envoyé discrètement. Je n’avais pas de raisons de me méfier et j’avais ainsi donné un petit coup de dents. Cela n’avait rien à voir avec les pommes du domaines. Ce fruit était juteux et plus doux encore avec un léger arrière-gout acidulé.
-C’est une poire, avait-il dit avec un sourire.
Je voulais faire goutter cette merveille à mon compagnon gris. Dans un soupir, il avait croqué la poire. Cela lui avait tant plu qu’il n’en avait laissé guère plus que la tige à son sommet. Le temps s’était ainsi écoulé jusqu’au retour des deux jeunes hommes.
-Rex ! Attrape !
William m’avait lancé un aliment rouge avec une tige verte. C’était croquant et sec mais le gout me plaisait beaucoup.
-C’est du poivron, mon vieux. J’espère que ça te plais.
Ce n’étais pas dans mes habitudes que de quémander, mais après une telle dégustation, je ne pouvais résister. William m’a donc fait gouter deux autres variétés de poivrons, aussi bonne l’une que l’autre. Je m’en étais régalé.
-Non mais je rêve, avait dit Alan avec un sourire. T’as fini tes gamineries ?
Après avoir sorti le vieil âne de sa somnolence, nous étions repartis du village. Cette journée avait été la première passée en dehors du domaine, et à présent, je savais que partout où William me demanderait d’aller, je le ferai sans aucune hésitation.
Annotations
Versions