Chapitre 1

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Mes entrailles allaient sortir de mon être, d’une manière ou d’une autre, par l’avant, par l’arrière, naturellement ou en les arrachant. J’allais mourir. Que je reste enfermée dans cette cellule aussi sombre que mon esprit ou que je m’échappe : j’allais mourir. Sous la torture, les sévices qui me tordaient l’estomac, me brûlaient vive, m’arrachaient la peau, sous cette haine envers ma personne tandis que j’ignorais ce que j’avais fait pour mériter cela : j’allais mourir. J’avais alors décidé de me battre.

Ma voisine droite de cellule était tout aussi déterminée que moi à s’échapper de cet enfer. Nous avions organisé un plan — quand nous pouvions, quand les gardes et les scientifiques n’étaient pas là pour nous surveiller ou nous martyriser — pour nous sauver. Malgré les avertissements de ma voisine de gauche qui nous certifiait que nous allions périr dans cette tentative de survie, qu’ils nous retrouveraient et nous tueraient de la pire des façons. Qu’est-ce que cela changeait ? Nous étions déjà mortes, vouées à disparaître sans laisser de traces, sans que personne ne s’inquiète pour nous, nous recherche ou nous pleure. Ainsi, nous avions décidé qu’à la deuxième pleine lune du troisième trimestre, nous unirions nos forces pour les vaincre.

Ma complice avait parlé de notre plan à sa voisine, et ainsi de suite. Nous étions une dizaine à s’être mises d’accord pour se révolter, parce qu’on avait trop vu de voisines mourir sous nos yeux, trop faibles, trop rebelles, trop.

Le plan était simple : dès que les scientifiques en auraient fini avec nous, qu’ils nous relâcheraient dans notre antre sale, moisi et humide, que les gardes s’assoupiraient parce que nous étions tant soumises à la peur que nous n’osions plus bouger le moindre doigt — nous en étions là, les gardes dormaient face à nous et nous, nous n’en faisions rien, du moins, jusqu’à ce jour — je feindrais un malaise pour attirer l’un de ces fumiers vers les barreaux. Et là, à cet instant précis, je lui éclaterais le crâne contre le métal.

L’angoisse de l’échec et de l’exécution me serraient les tripes. Et si je n’étais pas crédible ? Si je n’étais pas assez forte ? Si je me surestimais ? Si je nous menais toutes à notre perte ? Tant de questions me hantaient, tournant en boucle dans ma tête : et si, et si, et si… J’étais pâle, non parce que je n’avais jamais vu la lumière du jour, mais parce que le malaise m’envahissait sérieusement : et merde. J’allais crever. La nervosité était telle que ma vision était floue, mes mains moites, et mon cœur s’emballait comme si un canon de revolver était pointé sur mon crâne. Quoi que, avec le temps, l’habitude et le désespoir, lorsque cette situation arrivait — parce qu’elle se produisait plus souvent qu’on pouvait le croire — j’avais appris à me calmer avant de faire une crise cardiaque et m’effrondrer au sol sans qu’aucune balle ne traverse ma cervelle.

Hum, je ne me sens pas bien. Pour de vrai. À l’aide. Mes jambes fléchissent, une goutte de sueur s’échappa de mes mèches horriblement grasses pour couler le long de mon front, mais j’allais le faire.

— J’ai besoin d’aide, implorai-je d’une voix frêle.

Le garde le plus baraqué, aux épaules larges et à la taille démesurée, sursaute de son probable doux rêve et s’avance vers ma cellule. Putain. Il fallait que je me tape le garde le plus terrifiant. Pas de panique. Ça va aller. Du coin de l’œil, je l’observai froncer les sourcils et poser une main sur le manche de son arme, accrochée à sa hanche droite. Je rampai vers lui, les genoux traînant sur le sol, mes mains tremblantes, jusqu’à m’agripper aux barreaux, agenouillée face à lui. Il ne daigna pas baisser la tête et me regarda d’en haut, comme si j’étais sa merde. Je n’en avais plus rien à foutre. Mes yeux croisèrent les siens, noirs et profonds, ses iris se confondent avec ses pupilles, et là… Tout était allé vite. Je me relevai brusquement et… Et je n’eus plus aucune idée de ce que je faisais. Mes gestes étaient rapides, clairs et précis, sans que je ne réfléchisse à quoi faire. L’homme était à terre, inconscient.

C’était le moment.

Je fouillai dans ses poches jusqu’à trouver les clés et je me libérai de ce fardeau. Quel soulagement, quelle joie, quelle liberté. J’ouvris la cellule de ma voisine de droite, et lui passait les clés pour qu’elle fasse de même avec la sienne, et ainsi de suite.

Mes pieds nus suivirent le couloir principal, je croisai d’autres gardes, des scientifiques et toutes les pourritures qui m’avaient utilisé, mais je n’en avais plus rien à foutre. Un par un, je les tuais comme de vulgaires mouches. Et cela me faisait un bien fou. Déjà, j’étais plus forte, ma musculature largement développée par toutes les expériences que j’avais subies, ma force mentale indéniablement supérieure à la moyenne, parce que j’avais survécu à tout cet acharnement, et surtout : mes pouvoirs. Si je ne connaissais pas grand-chose de la vie, il y avait au moins une chose dont j’étais sûre, car mes bourreaux me le rabâchaient sans cesse : j’avais un don. Je pouvais manipuler les éléments naturels, ce qu’ils appelaient l’élémentalisme. Je n’avais aucune idée du pourquoi j’étais si incroyable à leurs yeux, mais je savais que j’étais unique. Ainsi, les buter n’avait rien de difficile.

L’un des gardes n’hésita pas une seconde à me tirer dessus avec son arme à feu, mais quand il constata que je n’avais qu’à lever la main pour faire arrêter les balles et les manipuler à ma guise, il s’enfuit. Trop tard. D’un simple geste de la main, je lui renvoyai les projectiles qui percèrent son buste. Et de un.

Le second sortit un couteau de sa poche, situé à sa cuisse, cela me fit bien rire. Pensait-il réellement me tuer avec une tel objet ? J’avais été entraînée pour être une arme de guerre, les cicatrices sur mon corps témoignaient de tous les combats que j’avais menés. Je pouvais le battre les yeux fermés et sans les mains. Quelques tours de passe-passe suffirent pour le faire perdre connaissance.

À partir de là, les scientifiques avaient alerté je ne savais qui, et s’étaient enfuis la queue entre les jambes. Les salauds. L’alarme retentit et me perça les tympans, noyant mes propres pensées. Sans mon ouïe, j’étais désorientée. Je n’avais plus aucune idée d’où se trouvaient mes compagnes de fuite. Les lumières artificielles sautèrent pour laisser place à un déluge de feu. Les murs devinrent écarlates, les silhouettes se fondirent dans l’ombre, et tous mes repères s’évanouirent. Grand bien me fasse. Je courus là où je pouvais, à la recherche de n’importe quelle foutue sortie. Cela me semblait durer une éternité, ou peut-être avais-je perdu toute notion du temps, je n’en savais rien. Mais quand j’aperçus une lumière blanche et aveuglante percer la teinte vermeille sous une porte, je compris que j’avais réussi. Putain. C’était la sortie. J’en chialerais presque. Mes mains, réchauffées par mon rythme cardiaque effréné, touchèrent le métal glacé de la poignée et alors… Alors, je l’abaissai et je me retrouvai nez à nez face à la chaleur des rayons de cette boule de feu dans le ciel qui frappait contre ma peau. Mes yeux me brûlaient, éblouie par cette lumière. Mes pieds sentaient la chaleur du sol bouillant, et je ne m’étais jamais sentie aussi vivante qu’à cet instant-là. Parce que j’étais vivante, parce que j’étais libre, parce que ma vie allait enfin commencer. Du moins, pas avant que je ne me sois vengée.

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