Chapitre 4

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La douleur physique que je ressentais n’était rien comparée à la souffrance d’avoir vu Ange disparaître avec ces femmes. Dans l’élan de l’adrénaline, j’avais traversé les flammes qui dévoraient encore la pièce, mais malgré tous mes efforts, je ne parvenais pas à retrouver Ange.

La panique s'empara de moi, mêlant tristesse, colère et désespoir, j'éprouvai un flot d’émotions qui tourbillonnaient en moi. Pourtant, j’étais impuissant. La cour du château était un véritable chaos, l’odeur métallique du sang m’envahissait les narines et je sus que la mort n’était pas loin. Mon regard balaya le jardin jusqu’à tomber sur des corps inanimés, gisant au sol, baignés de sang. Je m’approchai de l’un d’eux, les cheveux rouges m’indiquèrent immédiatement son identité : Illusion. Il s’agissait de ma camarade de guerre, toujours souriante, toujours enjouée, géniale et attachante. Une perle qui méritait tout sauf une telle fin. Allongée sur le dos, ses paupières étaient closes, son visage maculé de sang. Je priai pour qu’elle respire encore. Le cœur battant à tout rompre, je m’élançai vers elle, mon cœur prêt à exploser dans ma cage thoracique, si bien que je peinais à respirer. Pitié. Qu’elle soit encore vivante. Illusion ne bougeait pas, totalement immobile. Je plaçai mes doigts sur son cou, cherchant désespérément un pouls. Rien. Rien, bon sang ! Elle était morte sans que je ne puisse l’aider. Une rage sourde s’empara de moi, mes poings se crispèrent, j’hésitais entre pleurer et crier. Peut-être les deux.

Qui avait pu tuer Illusion ? Elle était l’une des plus puissantes parmi nous, la meilleure soldate de notre France. Grâce à son pouvoir psychique, elle pouvait rendre aveugle n’importe qui. Mais voilà que quelqu’un l’avait tuée. Ces femmes.

Côme.

Mon esprit se tourna vers Côme. Comment allait-il ? Où était-il ? Si j’avais perdu Ange, je me devais de protéger Côme. Je me précipitai vers le château, le cœur en proie à l’angoisse. Et s’il lui était arrivé quelque chose ? Jamais je ne me le pardonnerais. J’avais déjà laissé filer Ange, hors de question de perdre Côme aussi. Sur le chemin, j’entendis des gémissements, de camarades blessés qui hurlaient leur souffrance. Une odeur de fumée me créa une migraine. Le château était en flammes. Je devais faire vite.

Cela me déchirait le cœur d’ignorer la détresse de mes collègues, mais j’avais d’autres priorités. J’eus beau appeler Côme de toutes mes forces, il ne me répondit pas. Et alors que j’allais abandonner, essoufflé et abattu, une main se posa sur mon épaule. Par réflexe, et malgré mon sursaut, j’enclenchai mon pouvoir, terrifié que ces femmes reviennent à la charge pour en finir avec nous.

Ardeur.

Alors que je me retournai vers la source de ma peur, je constatai une tête blonde aux yeux bleus remplis de larmes. Côme. Soulagé, je l’enfermai dans mes bras, le serrant aussi fort que possible.

— Comment vas-tu ? Es-tu blessé ?

— Ça va. Mais… Tous les autres. Du sang partout.

Je le serrai davantage, comme si mon geste pouvait l’aider à effacer cette vision d’horreur. Je me sentais terriblement coupable, navré de ne pas avoir pu le protéger comme il se le devait. Navré qu’il ait été témoin de tant de violence. Et surtout, navré pour Ange. Je me détestai, et si je le pouvais, je me frapperais pour l’avoir laissé filer.

Des bruits de pas se rapprochèrent vers nous, de plus en plus forts, plus rapides. Je vis le Président Beauvilliers s’emparer de Côme et l’envelopper dans ses bras à son tour. Ses cheveux grisâtres cachèrent le visage dépité de Côme.

Une délivrance m’envahit. J’avais compris une chose : ces femmes cherchaient le Président. Maintenant, il était en sécurité, tout comme Côme. Devais-je lui révéler ce que je savais ? Non. Je préférais garder cette information pour moi, pour le protéger.

— Ardeur, où est Ange ? me demanda le Président d’une voix tendue.

Que répondre ? Je n’en avais aucune idée. Je m’en voulais d’avoir été aussi faible, d’avoir brisé la confiance du Président Beauvilliers, d’avoir mis Ange en danger. J’aurais dû être plus ferme, insister pour qu’il reste avec Côme, j’aurais dû… faire autrement. À cause de mon échec, Ange se trouvait maintenant avec des ennemies, et qui pouvait savoir ce qu’elles allaient lui faire ?

Je m’interrogeai aussi quant à cette volonté de toucher le Président, de kidnapper son fils pour l’atteindre. Pourquoi ? Était-ce par vengeance ? Par haine gratuite ? Un attentat ? Un coup d’État ? La terreur s’empara de moi, incapable de savoir si j’étais assez fort pour empêcher cette situation de dégénérer. Qui étais-je, après tout, à part un simple soldat qui entraînait les fils Beauvilliers au combat ? Je n’avais jamais connu la guerre. Personne ne l’avait jamais connu. Parce que cela faisait trois siècles qu’il n’y en avait pas eu en France. La paix régnait en cette année 2215. Enfin, j’étais un iréniste. Existait-elle vraiment ? Je n’en avais aucune idée.

— Ardeur ! Où est mon fils, putain ?

— Je… Il a été capturé par ces femmes.

L’expression du Président changea instantanément. Ses yeux s’écarquillèrent, totalement chamboulé, ses lèvres entrouvertes tentèrent de laisser passer quelques mots, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Le choc se lisait sur son visage, et celui de Côme reflétait la même stupeur.

La culpabilité m’écrasa encore plus fort. Je m’en voulais d’une telle force que des idées noires trottaient dans mon esprit. Quel idiot j’étais. Un lâche, un…

— Je suis navré, Monsieur. J’ai tenté de…

— Comment c’est possible ? Où étais-tu pendant ce temps !

— Je lui ai ordonné de se cacher, mais il ne m’a pas écouté.

— Ça va être de sa faute s’il a été capturé ?

— Ce n’est pas ce que je dis… Ça ne peut être que de ma faute. Je n’ai pas su le protéger.

— Corrige tes actes et retrouve-le ! Maintenant !

J’aurais aimé lui parler des pouvoirs de ces femmes, du fait que l’une d’entre elles avait utilisé plusieurs magies… C’était impossible. Quelque chose m’échappait. Nous ne naissions qu’avec un seul pouvoir, d’un seul type de magie, quand encore nous en avions. Seuls deux pour cent de la population possédaient de la magie, et voilà qu’il existait une minorité de nous qui en avait au moins deux. Mais j’avais d’autres chats à fouetter. Je devais retrouver Ange, c’était ma nouvelle mission.

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