Un chapitre / Une musique

Mille milliards de dollars (From "Mille milliards de dollars") - Philippe Sarde

https://www.youtube.com/watch?v=daQfSwvLnQE

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Vendredi 7 août 1981.

Je suis réveillé par des claquements de portes et les cris de ma mère. Qu’est-ce qui se passe ? Je descends pour savoir de quoi il retourne. J’arrive dans la cuisine, ma mère est en pleurs, assise sur une chaise, sa tasse de café renversée.
— Ce n’est rien mon chéri, dit-elle en reniflant. Elle se mouche bruyamment.
— Mais enfin maman, je suis réveillé par tes cris et je te vois pleurer, alors arrête de me dire que ce n’est rien !
— Alex, s’il te plaît, dit Gaspard qui vient d’arriver dans mon dos.
— Ah non, me dis pas, toi aussi, que tout va bien.
— Calme-toi et viens prendre ton petit-déjeuner.
— Non, pas tant que vous ne m’aurez pas dit ce qui se passe. Et d’abord, il est où papa ?
— Parti travailler, dit ma mère
— Déjà ? Mais, il est à peine 8h !
— Il devait aller faire une visite à domicile tôt ce matin, dit Gaspard.
Son explication, même plausible, ne me convainc pas. Je vois à leurs têtes qu’ils ne lâcheront rien. Et si j’arrêtais de m’en faire une bonne fois pour toute ? Je vais chercher la cafetière et me sers une tasse ainsi qu’une autre à ma mère. Gaspard prend l’éponge pour essuyer le café renversé, avant de s'asseoir et de se beurrer une tartine, comme si de rien n’était.
— Alex, ne fais pas cette tête, promis, ce soir je t'expliquerai tout, annonce Gaspard.
Je vois ma mère, le visage résigné. Je ne dis rien.
— Tu restes déjeuner avec nous, mon chéri ?
— Non, j’ai prévu de retourner aux cascades toute la journée avec Lucas.
— Depuis le temps que tu nous en parles, j’ai bien envie d’y aller ! dit ma mère.
— Je ne suis pas sûr que ton fils ait envie de t’avoir dans ses pattes, lui répond mon cousin.
Je lui souris. Merci Gaspard !
— Je ne parlais pas d’y aller aujourd’hui ! se défend ma mère.
Gaspard se met à rire devant sa mauvaise foi. Je les abandonne pour remonter dans ma chambre. Il me reste deux bonnes heures avant de rejoindre Lucas. J’ai largement le temps de faire ma toilette, de préparer un pique-nique. Je vais aussi en profiter pour jouer du piano.

Comme me l’a demandé Lucas, je dois apporter avec moi l'appeau qu’il m’a offert. Je ne sais pas encore pourquoi il veut que je l’emmène. Aujourd’hui, nous avons prévu de passer la journée dans la grotte. Je le soupçonne de vouloir y aller pour que l’on puisse s’allonger tous les deux sur son lit de branchages et de feuilles. Ce serait un très joli programme. Hier soir, avant de dormir, je n’ai pas pu m’empêcher de me masturber en pensant à lui. Il me plaît tellement ! Et je ne parle pas que de son physique. Nos blessures vis-à-vis de nos parents, même si elles sont différentes, nous rapprochent. Il apaise mes peurs et ma colère. Je crois que c’est réciproque. J'ai passé des heures à panser moi-même mes blessures intérieures, mais je découvre que la main de mon ami est ma planche de salut. À partir d’aujourd’hui, nos points de suture nous les confectionnerons ensemble, et j’espère qu'ils permettront une cicatrisation complète.