Epilogue

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Satori · Daigo Hanada

https://www.youtube.com/watch?v=lsJjfxEXhuw

*

Dimanche 15 août 1982.

Me voilà sur le sable, à contempler la mer, dans une bulle de silence que je me suis créée. Je n’entends ni le couple de vacanciers qui s’échange un ballon devant moi, ni le bébé qui braille sur la serviette d’à côté, malgré les douces paroles de sa mère, et encore moins le bruit des vagues.

Je suis entouré de tous ces gens, heureux d’être en vacances, qui s’amusent, se détendent. Je devrais en faire autant, c’est pour ça que je suis ici. Marie m’a obligé à prendre quelques jours, loin du Petit Marcel. Histoire de respirer un peu. Pour une fois, je l’ai écoutée, même si l'idée de sortir de mon quotidien me terrifie. Aller travailler jour après jour me donne une raison pour tenir debout, pour ne pas flancher, pour ne pas penser à quoi que ce soit d’autre. Je donne aux clients toute l'énergie et la bonne humeur dont je suis capable. Vu l’accueil chaleureux qu’ils m’ont fait cet hiver, c’est la moindre des choses. J’ai trouvé dans ce café une seconde famille. Les liens d’amitié sont ceux du cœur que j’ai tissés avec certains d’entre eux, bien plus fort que les liens du sang. Alors, oui, mon père m’a aidé à m’installer dans ma chambre de bonne, et m’a même envoyé de l’argent, du moins les premières semaines. Mais depuis, je n’ai pratiquement plus de ses nouvelles. Ça me va très bien comme ça. Le soir, je suis tellement fatigué, que je vais au lit presque aussitôt après avoir dîné. Une seule chose a changé depuis quelques semaines, j’ai enfin arrêté de pleurer avant de m’endormir.

Aujourd’hui, ça fait un an qu’Alex est parti. Un an que je n’ai pas senti ses lèvres se poser sur les miennes. Un an que je n’ai pas senti son odeur, son parfum, son corps serré contre le mien.

Il me manque terriblement.

Je sors de ma poche son appeau, ce petit instrument qui me relie définitivement à lui. Je me revois l’été dernier, lorsque sa mère a souhaité me le remettre en main propre ainsi qu’un recueil de partitions de Frédéric Chopin, dans lequel son fils avait écrit, au-dessus de chaque portée, des poèmes nous concernant. Je les connais par cœur, je pourrais les réciter à haute voix sans problème. À chaque fois que je les lis, je suis bouleversé. Ça me fait autant de mal que de bien.

Ça doit être la fin de l’après-midi, la plage est à présent quasi-déserte. Il ne reste que quelques vacanciers au loin. J’apprécie enfin le plus grand silence qui regagne la plage, avec seulement le bruit des vagues que j’écoute enfin. Je décide de me lever pour aller me tremper les pieds. L’eau est froide mais rafraîchissante. J’ai presque envie de me baigner. Mais je me retiens, car je ne sais pas encore si je préférerais rester sous l’eau et disparaître pour toujours.

Je marche le long de la baie. L'odeur d'iode plane dans l'air et emplit mes poumons. C’est comme si je retrouvais ma vraie respiration, les sensations oubliées que j’éprouvais lorsque je me laissais flotter à la surface de l’eau dans le bassin des cascades. J'esquisse un sourire.

Au loin, j’aperçois un homme, de dos, qui marche, comme moi, le long du rivage. Les rouleaux viennent se briser à ses pieds. Il s’arrête pour contempler l'océan. Il est blond, il a de larges épaules. Il porte un bermuda et un polo. J’écarquille les yeux. Mon cœur se met à cogner lourdement dans ma poitrine. J'accélère mes pas, et me mets à courir vers lui. Je ne peux pas m’empêcher de crier le prénom Alexandre.

L’homme m’a entendu, il se retourne vers moi. Il me sourit.

Je stoppe ma course, haletant, et lui offre à mon tour, mon plus grand sourire.

Fin

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