Chapitre 4 : Les Silences d'Esmeralda

3 minutes de lecture

Depuis la veille, quelque chose semblait s’être déplacé dans l’air entre Émeric et Juliette. Ce n’était pas une dispute, ni un malentendu évident. Plutôt un changement de ton, une gêne nouvelle, comme si un rideau invisible s’était abaissé entre eux.

Le lendemain matin, Émeric arriva au campus plus tôt que d’habitude. Il avait à peine dormi, hanté par les mots d’Esmeralda, par sa déclaration directe, brute, inattendue. Et pourtant, depuis, il n’avait pas encore trouvé le courage de lui reparler. Elle aussi semblait l’éviter.

Il s’assit sous le grand acacia au centre de la cour. Des étudiants passaient, riaient, échangeaient des notes. Tout semblait normal autour de lui, mais en lui, tout tanguait. Juliette arriva, radieuse, entourée de deux amies. Elle portait une robe bleue claire qui semblait capter chaque rayon de soleil.

Elle remarqua Émeric au loin. Un léger sourire s’esquissa sur ses lèvres, mais elle détourna vite le regard. Une de ses amies, Clara, lui glissa à l’oreille :

— Dis donc, t’as vu comment il te regarde, ce gars-là ? On dirait qu’il attend que tu viennes lui parler.

— Tu sais, Clara… c’est un peu compliqué. Je sens qu’il est gentil, mais je ne suis pas sûre qu’il me plaise comme ça.

— Pourtant, ça se voit qu’il est à fond sur toi, insista Clara.

— Justement. J’ai pas envie de lui faire espérer pour rien. Et puis, j’ai l’impression qu’il est proche d’Esmeralda aussi. J’ai pas envie de me mêler de trucs qui me dépassent.

Clara haussa les épaules. — Tu fais comme tu veux, mais parfois, faut oser laisser une chance à quelqu’un.

De son côté, Esmeralda marchait d’un pas rapide dans le couloir du bâtiment C quand elle croisa Émeric. Leurs regards se croisèrent, se fuirent, puis revinrent l’un vers l’autre.

— Salut, souffla-t-elle en tentant de garder une contenance.

— Salut, répondit-il, mal à l’aise.

Un silence s’installa.

— Tu m’évites ? demanda-t-elle, le regard droit, presque blessé.

— Non, c’est pas ça. C’est juste que… je ne sais pas quoi dire.

— Tu pourrais commencer par ne pas faire comme si ce que j’ai dit n’avait jamais existé.

Émeric soupira.

— Je ne veux pas te faire de mal, Esmeralda. J’ai été bête… Je suis encore coincé dans mes sentiments pour Juliette, et j’ai peur de faire du mal à tout le monde.

Elle hocha la tête doucement.

— Alors choisis. Mais ne reste pas là, entre deux silences. Parce que pendant que tu doutes, moi, je ressens.

Il voulut dire quelque chose, mais elle était déjà partie.


---

Ce soir-là, Esmeralda rentra plus tôt. Elle n’avait envie de parler à personne. Le monde lui semblait trop bruyant. Dans sa chambre, elle alluma sa petite lampe de chevet et sortit son vieux journal intime. Le carnet avait des coins cornés, une couverture en tissu bleu délavé. Elle tourna les pages jusqu’à la plus récente, attrapa son stylo et commença à écrire.

« Aujourd’hui, il m’a regardée comme s’il ne me connaissait pas. J’aurais voulu lui hurler que moi, je suis là, que je suis toujours là. Mais il ne voit qu’elle. Juliette. Toujours Juliette. J’ai mal, mais je souris. Je parle, mais je me tais. Je t’aime, mais je m’efface. Parfois je me demande si aimer, ce n’est pas accepter de disparaître doucement. »

Elle referma le journal d’un geste doux, les larmes silencieuses perlant au coin de ses yeux.


---

Plus tard dans la soirée, Juliette retrouva Émeric à la bibliothèque. Il était seul, la tête baissée sur un livre qu’il ne lisait pas vraiment. Elle s’approcha.

— Tu sembles ailleurs ces derniers temps…

— Il y a trop de choses dans ma tête.

— Tu veux en parler ?

Il leva les yeux vers elle.

— J’aimerais juste savoir si… si un jour, j’aurais une chance.

Juliette hésita, prise entre la tendresse et la prudence.

— Tu es quelqu’un de bien, Émeric. Mais parfois, ce n’est pas suffisant.

Il sourit tristement.

— Je crois que je comprends.

La soirée tomba doucement sur l’université. Et dans l’ombre grandissante, les silences des cœurs criaient des vérités que les mots n’osaient plus porter.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire SEGUEDEME Mahutin Corneille Chancel ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0