Rose
de Proses & Maux
Je suis leur rose, leur fleur, celle dont ils prennent soin, dont ils s'occupent.
Ils ont peur que je m'égare, que je me blesse, ils veulent me protéger, peut-être même m'aimer. Je suis la rose qu'ils veulent près d'eux, le matin, le midi et le soir.
Je ne dois pas m'éloigner, je ne dois pas parler, ni même pleurer...
Ils m'appellent, me demandent d'être là, d'être présente, d'être moi ou parfois une autre. Je dois savoir jouer, seule ou avec eux, je dois m'exercer pour cela, sinon ça ne leur convient pas.
Les restaurants étoilés ont un goût amer. Les flûtes de champagne ne me tournent plus la tête et les soirées mondaines ne m'impressionnent plus.
Ils m'ont habitué, ils m'ont éduqué, ils m'ont conseillé, présenté, habillé, déshabillé...
Rose. C'est le prénom que je dois porter.
Rouge. C'est la couleur de mes robes de soirée.
Noir. C'est la couleur de mon corps bleutée.
Ils rient fort, sourient en coin et observent le moindre de mes gestes, écoutent chaque mot que je prononce.
Je dois être à leur bras, sourire sincèrement et converser avec leur semblable.
Les hôtels 5 étoiles et les palaces, leur quotidien devient le mien. Je suis avec eux à chaque sortie.
Chaque petit-déjeuner, chaque déjeuner, chaque dîner.
Chaque sortie au golf, aux courses hippiques et automobiles.
Ils n'y connaissent rien, ils veulent seulement être vus. Et ils m'ont choisi pour être à leur bras.
Les gens me voient, me regardent, me parlent, me posent beaucoup de questions.
Rose, qui êtes-vous, d'où venez-vous, que faites vous ici...
Je ne peux pas répondre, je n'y suis pas autorisé.
Je ne peux que sourire, cligner des yeux doucement et passer mon chemin.
Mes journées passent, elles ne se ressemblent pas, elles ont seulement un point commun...
Elles passent trop rapidement à mon goût...
Je sais ce qu'il se passera ensuite. Lorsqu'un d'entre eux me déposera sa clef de chambre sur mes cuisses...
Ma gorge se serre, mais je dois continuer à sourire. Je ne dois plus tarder à présent.
Je monte dans l'ascenseur.
Appuie, tremblante, sur le numéro de l'étage, sent l'ascenseur monter, voit les portes s'ouvrir...
Je me regarde un instant dans le miroir de cet ascenseur.
Des talons noirs d'une quinzaine de centimètres, un collant opaque qui remonte sur une robe rouge sang, ouvert sur un côté où l'on aperçoit le long de ma cuisse.
Mon cou est orné d'une rivière de diamants, allant de pair avec les boucles d'oreilles.
Mes cheveux sont lâchés, bouclés, mes yeux sont parfaitement maquillés, avec un dégradé maîtrisé et effectué par une professionnelle chaque matin.
Et mes yeux... Mon regard. Il est vide.
Je sors de l'ascenseur.
Marche jusqu'à la porte de chambre et insère la clef dans le boîtier.
La porte s'ouvre.
L'atmosphère est étouffante, pesante, malsaine...
J'avance, j'entends rire, parler, je sens l'odeur de la cigarette en entrant à peine.
Ils sont trois.
Je suis seule.
Rose est là, présente, disponible.
Mais moi, je suis parti.
Je ne suis plus là.
***
L'odeur du café et des viennoiseries me réveille.
J'ai un plateau rempli de gourmandises, posé sur un coin du lit, uniquement là pour moi.
Je mange sans plaisir, je me hâte pour être prête à l'heure imposée.
Je vais dans la salle de bain, me retrouve devant un miroir. Mon regard est toujours aussi vide.
Aucune émotion ne transperce mes yeux.
La maquilleuse et la coiffeuse m'attendent dans la chambre d'à côté.
Une autre femme me montre mes tenues pour ce jour et m'explique le programme et le nom des personnes que je vais accompagner.
Sur la table, elle dépose en partant, une enveloppe.
Je sais déjà ce qu'il y a dedans, d'ailleurs, on voit le montant du chèque se dessiner à travers cette enveloppe.
Sur celle-ci, en gros, est inscrit ...
"Pour toi ma Rose, ma fleur"
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