Chapitre 7 - Aveux

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Nous avons été réveillés en sursaut par le claquement d’une porte. Nous nous regardons, ma belle et moi, inquietés par ce bruit, pas excessivement bruyant mais assez audible pour qu’il ne soit pas le fruit de notre imagination. Nous entendons des bruits de pas résonner contre le carrelage de la pièce de vie.

? : Mais qu’est-ce que…

Je reconnais de suite la voix qui résonne dans le couloir. De toutes les personnes habitant cette planète, il y en a une qui ne doit surtout pas me surprendre dans cette situation, c’est bien ma mère. Ultra-protectrice, inquiète du moindre de mes faits et gestes, voyant toujours le verre à trois-quarts vide quand il s’agit de moi. Je regarde mon portable mais il n’est que 11h21. Elle est arrivée bien plus tôt que ce qu’elle m’avait dit !

Je mime le fait de ne surtout pas faire de bruit à ma tendre. Je me lève doucement du lit, m’habille avec ce qui me tombe sous la main, et me dirige à pas de velours vers le couloir. Me déplaçant dans le noir presque complet, je sens soudain une sorte de papier se froisser sous ma voûte plantaire. Je lève le pied et le décroche. Mon mouchoir de l'avant-veille, quelle horreur... Je prie tous les dieux qui existent pour qu'elle ne l'ait pas remarqué hier...

Je le jette discrètement à la poubelle, j'ouvre la porte de la chambre et descends les escaliers lentement, réfléchissant à quoi lui raconter. Reste naturel, tu viens de te réveiller parce que tu as trop tardé devant la télé. Au pire, promets-lui de faire toutes les tâches ménagères aujourd’hui pour qu'elle te laisse tranquille.

N : Bonjour Maman, t’es déjà ren…

Mère de Niels : Tu m’expliques ?

Je la vois tenir à bout de bras la fourrure blanche de Laurène. Mon alibi vient d’exploser en huit mille morceaux. Je pourrais réfléchir, trouver une excuse, la plus saugrenue possible tant que ça paraisse crédible. Mais voyez-vous, je suis un piètre menteur, si bien que même une fillette de trois ans ne me croirait pas si je lui racontais un bobard. Je bafouille sans savoir de quelle manière je peux lui annoncer la nouvelle.

N : Euh…

Mère de Niels : C’est quoi ça ?

N : C’est un manteau…

Mère de Niels : Très bien tu as l'oeil. Et à qui appartient-il ? Je ne me rappelle pas en avoir un comme ça !

N : Il est… à une fille.

Mère de Niels : Et où est-elle ?

N : Maman, sérieusement, pourquoi tu t'énerves... Tu dis toujours qu’on doit régler les problèmes calmement.

Ma mère se tient la tête et tente de reprendre ses esprits. Elle s’assoit sur une des chaises hautes de la cuisine. Comprenant qu’elle est sûrement écoutée par l’inconnue présente dans son foyer, elle décide de reprendre la conversation en danois.

Mère de Niels (en danois) : Oui, excuse-moi, tu as raison. Mais je ne peux m’empêcher de prendre peur quand je découvre que quelqu’un que je ne connais pas est sous mon toit, sans que je ne sois au courant. Tu aurais pu te mettre en danger !

N (en danois) : Comment ?

Mère de Niels (en danois) : Je ne sais pas, elle pourrait être la complice d’un groupe de cambrioleurs, ou de tueurs, ou même pire elle pourrait en être une elle-même ! Il n’y a pas que des gens bien attentionnés dans la vie Niels !

N (en danois) : Au secours, arrête la parano… on est dans le quartier résidentiel d’une banlieue riche de Paris. Le plus grand criminel ici, c'est le chat de la voisine qui a bouffé un oiseau la semaine dernière.

Mère de Niels (en danois) : Mais on n’est pas exempt de tout danger pour autant ! C’est quand tu penses que rien ne peut t’arriver que ça te tombe dessus !

N (en danois) : Oui je sais… écoute ça pourrait durer encore des plombes comme ça. Je m’excuse de ne pas t’avoir prévenu, mais j’étais sûr que tu refuserais parce que tu as peur de tout en ce qui me concerne. En fait, tu ne me fais pas confiance.

Elle soupire, comprenant que sa réaction m’a blessé. Elle décide alors de ne plus me sermonner et de reprendre la conversation, en français cette fois.

Mère de Niels : Bon alors, pourquoi l’as-tu invité cette fille ?

N : Eh bien… pour les devoirs ! On est en groupe pour les TP de chimie.

Mère de Niels : Ah oui tu m’en avais déjà parlé. Ce sont ses parents qui l’ont déposé ?

N : Non elle est venue en bus.

Ma mère me regarde en fronçant les sourcils. J’ai l’impression d’avoir dit une grosse connerie, mais je ne sais pas du tout laquelle !

Mère de Niels : Il n’y a pas de bus le dimanche matin Niels !

N : Ah… en effet…

Mère de Niels : Ne me dis pas que…

Ma mère vire au rouge. Elle me regarde les yeux grands ouverts. Je me recroqueville instinctivement, sentant venir la déferlante.

Mère de Niels (en danois) : Les TP de chimie hein ? Tu te fous royalement de ma gueule Niels !

N (en danois) : Attends mais…

Mère de Niels (en danois) : Il n’y a pas de mais qui tienne ! Et j’espère vraiment pour toi qu'elle est installée dans la chambre d'ami, tu as intérêt à me dire oui Niels ! Niels ?

Voyant qu’aucun mot ne sort de ma bouche, ma mère se lève furieuse et se dirige vers ma chambre. Je la retiens par le bras, sentant que la situation est en train de degénerer bien au-delà de ce à quoi je m'attendais.

N (en danois) : Maman, je t’en prie, écoute-moi !

Mère de Niels (en danois) : Écouter quoi ? Quelles excuses tu vas me sortir cette fois ?

N (en danois) : Aucune, je suis en âge de le faire quoi ! Tu ne vas quand même pas me garder loin de toute relation jusqu'à mes 40 ans révolus ! Papa et toi vous m'avez bien élevé, alors il serait peut-être temps de faire confiance à l'éducation que vous m'avez apporté jusqu'ici non ?

Mes révélations ont l'air d'avoir apaisé sa fureur. Elle comprend alors que crier sur moi ou sur ma copine ne ferait qu’aggraver les choses. Elle plonge son visage dans ses mains, cherchant ses paroles.

Mère de Niels (en danois) : D’accord, très bien, ce qui est fait est fait. Mais j’ai besoin de lui parler pour me rassurer.

N (en danois) : Maman, sérieusement, laisse-la tranquille, je ne veux surtout pas la mêler à ça. C'est déjà bien assez gênant comme ça...

Mère de Niels (en danois) : Mais elle est déjà mêlée à ça Niels ! C’est non-négociable, je veux qu’on ait une discussion tous les trois. Un échange, calme et en terrain neutre.

Je soupire bruyamment, extenué d'avoir hérité d'une mère aussi excessive.

N (en danois) : D’accord, comme tu veux… mais laisse-moi au moins aller lui parler et je reviens avec elle.

Mère de Niels (en danois) : Ok, je vous attends dans le salon.

Je me dirige vers ma chambre, embêté pour Laurène. Je vais devoir lui annoncer la nouvelle, et j’ai très peur que ça l’effraie. J’ouvre la porte de la chambre mais je ne la vois plus. Affolé, j’appelle son nom en chuchotant.

L : Je suis là !

Je la vois sortir de mon dressing, toujours en maillot de bain. D’habitude, j’aurais ri de la situation mais là... pas vraiment non. Elle a sûrement dû apercevoir mon visage atterré parce que son sourire a disparu du sien.

L : Oh merde… ça s'est si mal passé ?

N : Non, ça va… mais ma mère veut nous parler.

L : Ah… je veux bien mais il y a un petit problème…

Elle me montre son maillot de bain du doigt. C’est pas vrai… ses habits sont toujours à côté de la piscine. Elle ne peut pas aller dans le salon comme ça. Je ne peux pas non plus lui prêter d’affaires, ma mère les reconnaîtrait tout de suite et ça n’arrangerait pas du tout les choses. Je vais devoir prendre mon courage à deux mains.

N : Je reviens, je vais les chercher.

Je marche vite pour éviter les questions, mais je ne peux pas y échapper.

Mère de Niels : Elle n’est pas avec toi ?

N : Elle… je vais chercher ses affaires. Elles sont à côté de la piscine.

Mère de Niels : Oh, Niels…

Ma mère se tient le front et secoue la tête de désespoir. Je ne traîne pas, je ramasse rapidement ses affaires et je retourne dans ma chambre sans regarder en direction de ma mère.

N : Tiens.

L : Ta mère a compris, pas vrai ?

N : Oui… et c’est pour ça qu’elle veut nous parler…

L : Je vais essayer d’arranger la situation, désolé Niels…

N : Nan, ne t’excuse pas ! Je ne veux pas que ça devienne un mauvais souvenir… C'est juste elle qui prend la mouche sans aucune raison...

Nous sortons de la chambre, embarassés. On dirait deux mômes pris la main dans le sac en train de voler des bonbons. Laurène décroche un très timide « bonjour » mais ma mère ne lui répond que par un léger hochement de tête. Je la vois dévisager Laurène. Elle a le regard sévère, mais pas agressif. Elle nous fait signe de nous installer sur le canapé. Nous attendons qu’elle lance la discussion, je la vois chercher ses mots.

Mère de Niels : Écoutez… avant tout je dois m’assurer de quelque chose. J'espère que… vous vous êtes protégés ?

N : Oh mon Dieu, par pitié exécutez-moi sur le champ...

L : Oui madame.

Mère de Niels : Bon, je m’en tiens à ce que vous me dites. J’ai envie de vous croire et je n’ai surtout pas envie d’aller vérifier.

Rien que m’imaginer la situation me glace le sang. J’en ai des frissons dans tout le corps. Laurène semble de plus en plus mal à l’aise. Je décide de serrer sa main pour la rassurer, puis surtout pour penser à autre chose de mon côté. Elle me sourit en retour.

Mère de Niels : J’aurais une question pour vous… euh…

L : Laurène, madame.

Mère de Niels : Merci Laurène. Je vois dans ses yeux que mon fils est vraiment amoureux de vous et…

N : Maman !

Mère de Niels : C’est pas grave mon ange, ça arrive à tout le monde de tomber amoureux.

Je ne sais plus où me mettre. Mon visage vire au rouge et je n’ose même plus relever les yeux. Ma mère s’amuse à me torturer et j’entends Laurène souffler du nez.

Mère de Niels : J’aimerais savoir Laurène, avec toute honnêteté, si c'est réellement réciproque ?

L : Oui, je l’aime plus que tout.

Elle a répondu du tac au tac, et inconsciemment ça me rassure de mon côté. Ma mère sourit également, elle a l’air satisfaite de sa réponse.

Mère de Niels : Je suis ravie de l’entendre. Je souhaite de tout cœur que votre relation dure longtemps, mais si ce n’est pas le cas j’espère que vous ne rendrez pas mon fils malheureux.

Ma mâchoire se serre brutalement. Je scrute ma mère avec un regard sombre. Elle abuse de sortir ça comme ça ! Ma tendre baisse les yeux, surprise par ses paroles. Pourtant, je discerne une sorte de profonde tristesse dans son regard ainsi que de la… nostalgie ? Je n’arrive pas à traduire ce que j’aperçois dans ses yeux.

L : Madame, je tenais à vous dire que… votre fils est vraiment quelqu’un d’exceptionnel et je comprends que vous teniez beaucoup à lui. Il s’est conduit en gentleman avec moi et je tiens à m’excuser si… enfin que nous… voilà quoi…

Mon visage rougit de plus belle. Je ne m’attendais pas du tout à ce qu’elle renchérisse de la sorte. Si je pouvais creuser un terrier pour me cacher, j’atteindrais sûrement la Nouvelle-Zélande ou l'Australie, un truc du genre. Mais en tout cas ça a l'air d'avoir ému ma mère. C’est fou comme en quelques minutes, elle est passée par toutes les émotions possibles.

Mère de Niels : J’accepte vos excuses Laurène, et je suis vraiment contente que mon fils ait trouvé quelqu’un comme toi… comme vous pardon.

L : Vous pouvez me tutoyer… ça ne me dérange pas.

Mère de Niels : Très bien alors, mais toi aussi tu vas devoir me tutoyer. Et ne m’appelle plus Madame, tu peux m’appeler Karen.

L : D’accord… Karen.

Nous continuons de discuter un peu plus décomplexés sur notre relation, comment on s’est rencontré, mais aussi les cours, les amis, son travail, ect… Le courant entre ma mère et Laurène passe finalement très bien. Un peu trop même, puisque ma mère commence à lui raconter des souvenirs de moi étant plus jeune, des bêtises que je pouvais faire, à quel point j’étais mignon en uniforme... Bref, tout ce qui a le don de me contrarier.

La voyant prête à aller chercher l’album photo, je ne peux plus retenir mon agacement.

N : Non maman, tout mais pas ça, je t’en supplie.

K : Oh allez Niels, décoince-toi un peu. Je suis sûre que Laurène a envie de les voir ces photos, n’est-ce pas ?

Je supplie ma chérie du regard de ne pas rentrer dans son jeu. Elle me tend un sourire malicieux, qui ne présage rien de bon.

L : J’en rêverais Karen… mais je vais devoir y aller, mes parents doivent s’inquiéter.

K : Oh c’est dommage, tu ne veux pas que je les appelle pour que tu restes manger avec nous ?

L : Je suis désolée Karen, mais je leur ai promis que j’irai manger avec eux chez mes grands-parents.

K : Dans ce cas-là, je comprends, mais une autre fois hein ?

L : Promis.

K : Tu veux que je te ramène chez toi ?

L : Non, c’est bon je vais prendre le premier bus, celui de 13h00.

Elles me regardent toutes les deux en rigolant. C’est bon j’ai compris ma connerie pas besoin d’en rajouter une couche ! En tout cas, je sais que c’était un mensonge pour son histoire de repas. Elle a fait ça pour me libérer de ce piège et je l’en remercie du fond du cœur. Et puis je me doute que ses parents ne doivent pas non plus être au courant que c’est chez un garçon qu’elle a passé son week-end.

Je suis quand même triste de la voir partir. Elle ramasse toutes ses affaires, nous salue et passe le palier de la porte. Je la retiens un dernier instant.

N : Attends, Laurène !

L : Qu’est-ce qu’il y a ?

N : Embrasse-moi encore une fois.

L : T’es jamais rassasié toi !

N : Tu l’es toi ?

L : Non, tu le sais bien.

Nous nous embrassons à pleine bouche, à l’abri des regards indiscrets de ma mère. La séparation est dure, enfin je la retrouverai demain pour la dernière semaine de cours avant les vacances de Noël. Là, ça sera vraiment difficile, mais je préfère ne pas y penser.

Je la vois s’éloigner de plus en plus. Elle se retourne souvent pour m’envoyer des baisers à distance. Jusqu’à ce que je ne l’aperçoive plus. Je referme la porte et pousse un grand soupir de soulagement.

Je suis rassuré que tout se soit finalement bien passé.

Fin de la partie 1…

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