Chapitre 3 - Espoir
Je reste bouche bée. Le coupable… ils l’ont trouvé ? Ils l’ont vraiment trouvé ?
A : YEEES ! On l’a eu cet enfoiré, Niels ! Et c’est qui ?
Insp. Doyon : Thibaut Josseaume, un élève en terminale littéraire dans votre lycée. Il est en garde-à-vue depuis hier, et nous continuons de l’interroger. Mais, nous serons bientôt en mesure de l’arrêter.
Hein ? Mais… c’est qui, lui ? Je n’en ai jamais entendu parler, pourquoi il s’en serait pris à moi ?
A : Je vois pas qui c’est, mais on s’en fout. Le plus important, c’est que justice soit faite !
Aleksy me prend dans ses bras et me tapote dans le dos énergiquement. J’aperçois également mon père et ma mère s’enlacer. Ils ont tous l’air vraiment rassurés, et surtout heureux que celui qui a tenté de me tuer se soit fait attraper. Mais je n’arrive pas à avoir le même entrain qu’eux, je ne suis pas encore totalement convaincu.
N : Co..mment vous s… savez que c’est… lui ?
Insp. Doyon : Nous avons retrouvé ses empreintes sur un flacon de sels de cyanure, présent à son domicile, lors d’une perquisition.
N : Mais co..mment v… vous avez su… qu’il en a..vait chez l… lui ?
Insp. Doyon : Grâce à l’activité que pratique son père. Il était noté chômeur sur les documents administratifs du lycée, alors nous n’y avions pas prêté attention. Mais, en contactant la police des frontières pour un simple contrôle de routine, nous avons appris qu’il avait quitté le territoire métropolitain, en direction de la Guyane française, quelques semaines avant votre accident. Ça nous a interpellé, alors nous avons contacté son opérateur téléphonique pour récupérer les enregistrements de ses appels passés avant son départ. Et bingo, nous avons appris qu’il était chercheur d’or et qu’il était parti récupérer de nouvelles pépites.
N : Et al..ors ?
Insp. Doyon : Eh bien, pour extraire l’or du minerai, les chercheurs ont besoin de sels de cyanure. Alors, nous étions confiants d’en trouver à son domicile, et c’était le cas.
N : Mais pour..quoi il s… s’en est p… pris à moi ?
Insp. Doyon : Probablement par vengeance.
Quelle vengeance ? Je ne lui ai jamais rien fait moi, je ne vois même pas à quoi il ressemble !
Insp. Doyon : Sa mère était employée comme femme de ménage à l’ambassade du Danemark, où ton père travaille. Mais elle a été licenciée pour faute grave, il y a quelques mois de cela.
Je fixe mon père, avec un regard interrogateur.
J : Elle volait dans les réserves !
Insp. Doyon : Alors nous l’avons interrogé, et elle a craqué en très peu de temps. Depuis son licenciement, elle souffre d’une dépression nerveuse et elle n’arrive plus à trouver un nouveau travail. Son mari, qui avait un petit salaire en tant qu’employé, a dû se rabattre sur l’orpaillage clandestin pour pouvoir subvenir à leurs besoins et payer les études de leur fils, mais il est de moins en moins présent car ça ne rapporte pas assez. Elle désigne ton père comme responsable de leur malheur.
N : Et Thi..baut ?
Insp. Doyon : J’allais y venir. Nous avons interrogé ses professeurs, et ils nous ont confirmé que son comportement avait énormément changé depuis le début de l’année. Caractère violent et facilement irritable, désobéissance, chute des notes. Nous en avons conclu que sa situation familiale devenait difficile à supporter avec l’absence de son père, la santé fragile de sa mère et leurs problèmes financiers. Il a sûrement disjoncté en apprenant ton existence. Alors, il a décidé de se venger à travers toi, en t’éliminant pour faire souffrir celui qui les a fait souffrir. Bien sûr, quand nous l’interrogeons, il nie toute responsabilité et refuse de nous répondre. Mais, quand nous recevrons le résultat de l’analyse des sels de cyanure présents à son domicile, pour les comparer à ceux retrouvés dans ta bouteille d’eau, nous aurons toutes les preuves nécessaires pour l’arrêter. Nous sommes assez optimistes au sujet des résultats, tous les éléments sont contre lui.
Alors… c’est vraiment lui ? Je veux dire… ça parait crédible ! Oui, c’est lui, c’est sûr même ! Tout est cohérent, ça ne peut pas être une coïncidence ! Cette fois-ci, je suis convaincu, je pousse un long soupir de soulagement. Il faut encore attendre les analyses pour crier victoire, mais j’ai envie d’y croire. C’est la première fois depuis de nombreuses semaines que je reprends espoir de connaître l’identité de cet empoisonneur.
L’inspecteur nous annonce qu’il doit retourner travailler, mais qu’il nous recontacte dès qu’il a le résultat des analyses. Nous le remercions chaleureusement, lui et ses collègues, pour le travail qu’ils ont fourni. Sans leur acharnement et leurs nombreuses recherches, nous n’aurions sûrement jamais réussi à trouver le coupable.
Je peux dire que je suis heureux, un grand sourire illumine mon visage. Je prends Aleksy dans mes bras et lui rend la pareille, puis j'en fais de même avec ma mère. Je m’apprête à enlacer mon père également, mais j’ai un mouvement d’hésitation. Sûrement que je ne suis plus habitué, ça doit faire des années que l’on ne s’est plus pris dans les bras comme ça. Lui aussi a l’air de vouloir franchir le pas, mais il semble perdu dans ses pensées.
J : Fiston… je suis vraiment désolé que ça te soit retombé dessus. Jamais je n’aurais pensé que l’on puisse toucher à mon fils à cause de l’une de mes décisions. Tout est de ma faute, et je m’en veux énormément.
Je le regarde, ému. Lui, qui est d’habitude si inflexible, se met à douter. Cette culpabilité a l’air de lui peser sur la conscience. Mais jamais je n’ai pensé un seul instant lui rejeter la faute dessus. Il n’y est pour rien, jamais il n’aurait pu anticiper un tel acte de folie.
N : Ja..mais je ne t… t’en vou..drais.
Je m’avance vers lui et l’enserre de toutes mes forces. Il est surpris par mon initiative, et peut-être un peu gêné aussi, mais il place tout de même ses bras derrière mon dos et répond favorablement à l’étreinte.
J : Merci fiston, mais j’ai déjà démissionné de mon poste d’ambassadeur ce matin.
N : Mais pour..quoi…
J : Ce n’est pas sur un coup de tête, j’y ai réfléchi avec ta mère depuis de nombreux jours, déjà. J’aime mon travail, mais je me suis senti bien plus heureux en étant auprès de vous ces derniers temps. Avoir failli te perdre m’a fait prendre conscience que je n’étais pas assez là pour vous. Tu es mon seul et unique fils Niels, et je veux être là quand tu auras besoin de moi, et non pas en mission loin de vous.
Je suis à la fois triste qu’il sacrifie ce poste qu’il a obtenu à la sueur de son front, mais aussi ravi d’imaginer la perspective de le retrouver tous les soirs, à la maison, en rentrant des cours. C’est vrai que j’étais souvent peiné de le voir partir, en sachant que je ne le reverrais pas pendant un long moment. Et ces absences prolongées ne faisaient qu’agrandir la distance qui se créait entre lui et ma mère. Mais maintenant, je le vois bien, leur relation va beaucoup mieux puisqu’il est plus souvent à la maison.
Je relâche mon étreinte et nous nous installons tous les quatre dans le salon. Nous discutons de tout et de rien. Nous nous racontons des anecdotes, nous débattons sur des sujets variés, dans l’ensemble nous rigolons beaucoup. Je retrouve une complicité avec mon père, que j’avais perdue depuis longtemps. Mais je remarque qu’Aleksy est de moins en moins bavard au fil de la discussion. Il semble contrarié, et je pense savoir pourquoi.
J : Et si on allait au restaurant, pour fêter tout ça ?
N : Ouais ca..rré..ment !
K : Très bonne idée mon chéri, je n’avais pas la moindre envie de cuisiner ce midi.
A : Euh… excusez-moi Jakob, mais je n’ai pas pris d’argent sur moi, alors…
J : Tu rigoles Aleksy, nous t’invitons !
A : Ça me gène beaucoup…
J : Mais il n’y a aucune raison, c’est normal ! Allez, disons que c’est pour te remercier pour les devoirs que tu apportes à Niels tous les soirs. Alors ?
A : Eh bien… je ne peux pas refuser alors.
J : Exactement !
N : Je peux p… pren..dre une dou..che a… avant ?
J : Oui, bien sûr fiston, nous allons nous préparer aussi.
Je fais signe à Aleksy de me suivre et nous montons tous les deux dans ma chambre. Je referme la porte derrière nous et je pose mes deux mains sur ses épaules. Je le regarde droit dans ses yeux bruns. Il est déstabilisé et détourne le regard. J’avais vu juste, ça le tracasse.
N : Je sais qu… que tu pen..ses à l… lui, alo..rs si tu… as en..vie d’en p… par..ler ne te re..tiens pas.
Aleksy me regarde avec des yeux ronds, sûrement surpris que je puisse deviner la raison de son mal-être passager si facilement. Mais finalement, il sourit. Après tout, on commence à trop bien se connaître.
A : Merci Niels… mais ça va. C’est vrai que je pensais à lui quand je t’ai vu rigoler avec ton père, et ça m’a rendu un peu nostalgique. Mais j’ai fait le deuil, alors tu n’as pas à t’en faire.
N : Sûr ?
A : Je te le jure !
Il a l’air sincère. Après tout, tout le monde a le droit d’avoir un petit coup de blues de temps à autre. Et puis, si c’est plus que ça, je le remarquerai de toute façon. Je me dirige vers mon dressing et je choisis deux chemises : une bleu-foncé avec un motif de petites fleurs blanches, et l’autre noire avec de fines rayures dorées en diagonales croisées.
N : Tu v… veux la..quelle ?
A : Tu m’en prêtes une ?
N : Ça dé..pend… Si t’es mi..gnon, je te… la do..nne !
A : Arrête, t’es con ! Bon, si j’ai pas le choix… j’aime bien celle-là !
Il montre du doigt la chemise noire. Très bon choix ! Il enlève son T-shirt devant moi, enfile la chemise et la boutonne. Je ne perds pas une miette du spectacle. Et le résultat ne me déçoit pas. Il est parfait comme ça, encore plus que d’habitude. Je lui donne un chino noir assorti à la chemise puis je me dirige précipitamment dans la salle de bains, avant qu’il ne remarque mon émoi.
J’enlève mes affaires à une vitesse folle et je me jette sous la douche. Dès que le filet d’eau commence à couler sur mon corps dénudé, je porte ma main à mon organe reproducteur. Je n’ai pas pu finir ce que j’avais commencé hier, alors à un moment, il faut que ça sorte. Vu le rythme que j’impose, je ne prends que quelques minutes avant de tout expulser. Mes jambes tremblotent un court instant, c’est bien plus intense quand on se retient de le faire depuis la veille !
Je finis ma douche tranquillement et je m’essuie avec ma serviette. En baissant les yeux, j’aperçois le caleçon d’Aleksy, posé à même le sol, et mon cerveau se met instantanément à produire des images, ô combien aguicheuses, qui ne tardent pas à créer un léger mouvement en-dessous de la ceinture. Je secoue la tête énergiquement, je n’ai plus le temps pour un deuxième service.
Je me vêts de ma chemise bleu-foncé et de mon jean slim, je me brosse les dents, je me peigne, je me mets du déo et du parfum, je suis fin prêt ! Je sors de la salle de bains et pars rejoindre Aleksy qui attend sagement sur mon lit, avec son téléphone à la main.
N : Tu peux al..ler f… faire ta t… toi..lette si tu v… veux !
Il relève les yeux et me regarde fixement, pendant quelques secondes, sans réagir. Puis il cligne des yeux et les baisse, en se mettant à rougir. C’était quoi, ça ?
A : Je… euh… j’ai pas pris mes affaires, tu sais bien.
N : Y a une b… brosse à d… dents neu..ve dans l’ar..moire, et tu p… peux em..prun..ter tout le r… reste !
A : T’es sûr ? Ça me gène vrai…
N : T’in..quiète pas !
Aleksy soupire, mais se résigne. Au fond, il veut être correct pour aller au restaurant. Et puis, c’est bien la moindre des choses, après tout ce qu’il a fait pour moi. Après nous être tous préparés, nous partons chercher un restaurant. Nous faisons le tour des avenues, en voiture, et nous décidons de nous arrêter dans un restaurant assez branché où mon père a déjà mangé, il y a des années de cela. Heureusement, il ne restait plus qu'une seule table qui n'était pas réservée.
Le repas se déroule dans une très bonne ambiance, malgré la gêne récurrente d’Aleksy en apercevant le prix des menus. Les plats sont délicieux et le cadre est franchement très chouette. Tout le long du repas, je n’ai cessé de jeter de furtifs coups d’œil vers Aleksy. Avec cet ensemble habillé, ses cheveux châtains relevés tels des flammes, sa posture élégante et son sourire, il dégage un charisme fou. Je me rends compte qu’il me sera difficile de cacher mon attirance pour lui bien longtemps. J’essaye de ne pas y penser, je verrai le moment venu.
Mon père paie l’addition et nous rentrons après plusieurs heures passées à une vitesse ahurissante. Le trajet du retour se fait dans le calme, et je commence même à somnoler, sûrement à cause de ma courte nuit et de la digestion. A peine rentrés, sans même avoir eu le temps de poser nos manteaux et de nous déchausser, le portable de mon père se met à vibrer.
Nous le regardons tous, avec la même idée en tête. Mon père prend son portable et nous valide d’un geste de la tête qu’il s’agit bien de ce que l’on pense.
J : Allô ?
…
J : Oui.
…
J : Alors ?
…
J : Très bien.
…
J : D’accord, je vous remercie.
…
J : Bonne fin de journée à vous aussi.
Mon père raccroche. Nous sommes suspendus à ses lèvres, attendant l’annonce qu’il s’apprête à nous faire. Mon cœur se met à battre la chamade. Même si je suis optimiste quant au résultat, je ne peux m’empêcher de penser que finalement, ce n’est peut-être pas lui, que l’on s’est réjouie trop vite.
K : Alors Jakob !?
J : Ils ont eu le résultat des tests, et la composition est identique.
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