13c. les malaformes : Lana
— Quelle est la différence entre les vampires et les dhampires ?
— Nous sommes mi humains, mi vampires. Si nous ne buvons pas de sang, nous n’atteignons pas l’âge adulte. En consommer nous rend plus fort. Cependant, contrairement à notre père, chez qui nous sommes, nous n’avons pas besoin de notre terre natale pour nous ressourcer. L’ail, l’eau bénite, le crucifix… ne nous font rien. Nous ne supportons aucune faiblesse du vampire, si ce n’est la photo dermatose et la soif de sang. J’oubliais l’eau : nous ne pouvons traverser aucune mer, aucune rivière et il nous est difficile d'avancer sur un chemin de gravier. Nous nous sentons alors obligés de compter chaque galet, chaque caillou. Par contre, nous bénéficions des avantages de notre père ; nous pouvons hypnotiser un humain, même si un vampire n’a aucune emprise sur notre mental. Nous sommes forts, rapides, agiles, intelligents. Nous pouvons nous changer en animal, invoquer le brouillard, agir sur le climat à force de consommation d’hémoglobine. Mais attention, si nous laissons la haine nous envahir, la transformation sera inévitable. Ce serait très facile. Pourtant, nous avons choisi de conserver notre côté humain et de nous adapter car la solitude nous est insupportable.
— Où sont vos parents ?
— Notre mère était humaine, elle est morte il y a bien longtemps. Il l’a tuée en la vidant de toute son énergie et de tout son sang. Quand nous avons atteint l’âge adulte tous les trois, nous avons vengé notre mère. Nous l’avons immobilisé grâce à ses faiblesses et nous l’avons à son tour vidé de son sang dont nous nous sommes délectés. Nous nous sommes ensuite débarrassés de sa dépuille en la jetant aux requins.
Nous sentons les vampires autour de nous mais nous ne pouvons pas les mordre, ils sont trop puissants pour nous. Ceci-dit, la particularité de notre sang les en empêche aussi. De plus, notre humanité et la solitude qui normalement nous entoure nous rendent mortels. Jonathan, Carole et moi avons eu la chance de pouvoir nous lier et consommer le sang de notre père nous a permis de devenir immortels à notre tour. Nous avons traversé une période sombre, où nous avons frôlé la transformation. Mais mon frère s’est amouraché d’une humaine qu’il a mise enceinte. Elle s’est enfuie et depuis ce jour, il est à sa recherche. Avec notre aide.
— Suis-je hypnotisée en ce moment ?
— Non. Pourquoi perdrais-je mon temps à te raconter tout cela ? De plus, je t’ai déjà dit que j’ai confiance en toi.
— Comment vous élimine-t-on ?
— Ça, je ne te le dirais pas, répond-il d'un ton ferme, accompagné d'un regard d'avertissement.
— Tu crois vraiment que je vais m’attaquer à vous ? J’ai besoin de toi, vous nous offrez hospitalité et sécurité. Et puis, je crois que… je t’aime bien.
— Waouh ! Je suis épaté ! Un compliment de ta part ! Merci, vraiment, je suis touché, et tu sais quoi, je crois que je t’aime aussi, dit-il, le regard vers le plafond et un sourire éclatant sur les lèvres.
Qu’est-ce qu’il vient de dire ?
Il tourne la tête vers moi et son air rêveur a disparu quand il poursuit :
— Humm… Bref, aujourd’hui tu ne feras rien contre nous, mais quand tout sera revenu à la normale…
— Ta sœur me tuera, elle, je murmure.
— Elle n’osera pas, affirme-t-il en se rasseyant subitement pour me faire face. Si elle touche à un seul de tes cheveux, Jonathan se ralliera à moi, car il connait la souffrance. Et crois-moi, elle regrettera d’être restée avec nous.
De quelle souffrance parle-t-il ? Je ne comprends pas bien ce qu’il essaie de me dire.
Je me souviens alors que je dois l'avertir de ma conversation avec Clyselle :
— Clyselle vous a entendus dans la cave.
— Ouais, oublie ça, répond-t-il nonchalamment, en balayant l'air de sa main.
Je préfère changer de sujet :
— Pourquoi ne m’hypnotises-tu pas ? Tu m’as ouvert les portes d’un monde inacceptable pour des humains. Carole pense que je peux vous détruire, et toi, tu le crois ?
— Je ne sais pas. C’est très étrange, tu es… différente. Ton âme est pure, compréhensive, et suffisamment ouverte. Pourtant, tu vas devoir apprendre à cacher tes émotions, avec ma sœur par exemple. Elle te provoque, car elle craint que tu ne dévoiles notre secret. Elle sait que je te parle et elle a peur de toi.
— Je vais essayer. Comment peut-elle se méfier de moi alors que c’est elle qui peut m’anéantir ?
— Comme je viens de te l’expliquer, je te protège. Elle n’osera jamais te toucher. Elle pense juste que tu utilisera un jour contre nous tout ce que je te raconte.
— Je ne vois pas quel intérêt j’aurai à faire cela. Autre chose, tu m’as parlé de la photo… machin. D’après ce que je sais, les vampires se consument au soleil et leurs enfants aussi. Comment faîtes-vous tous les trois pour supporter ?
— Petits, notre mère nous faisait boire tous les jours de la pulpe d’aloe vera. Cette plante est une bénédiction pour la peau. Cependant, l’exposition au soleil reste douloureuse et ça nous affaiblit. C’est pour cette raison que je préfère mener nos recherches à l’ombre de la forêt.
— Les sorciers ne peuvent pas vous aider ? j'enchaine au cas il se lasse de mes questions.
— Je t’ai dit que nous ne faisons pas bon ménage, eux et nous, répète-t-il en plissant le nez.
— Je sais, mais Jo et toi êtes très proches de l’humain. Ils ne peuvent rien faire ?
— Je te rappelle que nous suçons votre sang. J’ai bien failli te tuer, tu t’en souviens ? grogne-t-il encore en soutenant mon regard.
— Oui, mais tu ne l’as pas fait.
— Tu voulais aller t’entraîner, non ? Si tu acceptes de m’attendre, je me change et je t’accompagne. On va s’amuser un peu.
Torse nu, braguette ouverte, sourire aguicheur, et clin d’œil, c’est vraiment tentant. Mais ma conscience est encore présente et me rappelle à quel point je souffre de ma trahison envers Clément.
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