1c. Le réveil : Lana

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Nos maris et nos enfants sont sains et saufs, à l'abri dans nos maisons et ils se sentent encore plus démunis que nous. Il ne peut en être autrement. Ils étaient dehors, comment pourraient-ils savoir de quelle manière nous nous sommes échapp... C'est vrai, ça, de quelle manière ?

J'interroge Val sur un ton apaisant :

— Nos voitures étaient-elles toujours là quand vous êtes partis ?

— Je n’ai pas eu le temps de voir, répond-elle, calmée, le visage ravagé. C’était horrible, tu sais…

Que faire ?

L’autre me surveille avec une expression glaciale qui ne m’intimide pas.

Trop de questions m'assaillent. Trop de sourdes visions s'emparent de ma mémoire. La panique, les cris, ça ne peut pas être réel. Je ne parviens pas à m'enfuir de ce cauchemar. Je ferme les yeux et me somme de revenir dans la réalité, sans succès. Mon regard se pose toujours dans cette même pièce où rien ni personne ne se secoue. Ma nouvelle tentative demeure vaine, elle aussi.

L'autre se décale de sa bibliothèque d'un pas en avant et rabâche :

— Commence par manger un peu. Après, on pourra parler. Quand tu auras repris des forces.

Manger ? Si la situation n'était pas si tragique, c'en serait presque risible ! Nous avons plus urgent à faire que bouffer des canapés. Nous assurer que nos familles vont bien !

— Je me casse ! Les filles, vous m’accompagnez ?

Dernier essai. Ma détermination ne flanchera pas, quelle que soit leur décision et malgré l'angoisse qui m’oppresse. Je me dirige vers ce qu’il me semble être une porte d’entrée.

Hélas l’autre, il court rudement vite lui, me bloque le passage encore une fois. Une profonde inspiration retient mon calme apparent qui menace de s'envoler, tout comme mes illusions.

— Tu as l'intention de m'étouffer à nouveau ? lui demandé-je, un fusil dans chaque œil.

— Tu n’es pas prête à sortir, m'informe-t-il, une main sur le panneau de bois.

— Tu vas devoir m’enfermer pour m’empêcher de passer. Décale-toi, je grince, les poings serrés.

Il conserve sa position, amusé, puisqu'un sourire se dessine sur ses lèvres. Peut-être qu'avec une once de politesse, il m'écoutera :

— S’il te plaît.

— Non.

Il se fout de moi ! Ma patience a atteint ses limites :

— Dégage !

Je le pousse. Il reste de marbre en secouant la tête et ricane.

Mes doigts agrippent violemment la poignée, tandis que les siens reposent toujours sur l'ouverture. Son regard glacial ne m'apaise pas, pourtant plus que sa voix dure, ce sont ses mots qui me stoppent :

— Tu comptes y aller comment ? Avec tes deux petites jambes ? Je ne te donne pas deux minutes à vivre si tu pars. Par contre, je peux t’emmener.

En voilà une idée judicieuse ! Quitter cette maison est devenue une idée fixe, si bien que je n’ai pas vu mes deux amies et leurs enfants nous rejoindre. Elles sont enfin sorties de leur torpeur.

— On vient avec vous, annonce Clyselle. Lana a raison, ils ont sans doute réussi à rentrer et doivent s’inquiéter.

Bien, je me sens moins seule d’un coup. Néanmoins, il me reste encore tout un tas d'interrogations.

— Maintenant que nous sommes un peu plus nombreux à être lucides, il devrait être possible que j’aie quelques explications, non ?

— Tu les auras en route. Les deux gamines restent ici. Ne perdons pas de temps.

— Hors de question ! intervient Val, dans un sursaut de retour à la vie.

Quelle mère confierait sa fille à des inconnus dans une situation aussi inquiétante ?

—Tu as quel âge ? demande le neveu alors qu'il se tourne avec impatience vers Shana.

— Seize ans.

— Ok, tu nous accompagnes. Par contre, l’autre reste, il n’y a pas assez de place dans la voiture. C’est à prendre ou à laisser, conclut-il d'un ton ferme en traversant la pièce à grandes enjambées.

Clyselle hésite. Qu'a dit le sale type tout à l'heure ? Que je ne survivrais pas plus de deux minutes si je m'aventure dehors ? Les images de tous ces gens terrorisés dans la salle, les hurlements et les paroles de Val me reviennent en mémoire. Elles résonnent encore à mes oreilles et me terrifient. J'essaie de les chasser, en vain. Les battements de mon cœur s'accélèrent, et le doute reprend possession de mon cœur. Nous devons coûte que coûte savoir à quoi nous avons affaire, et plus encore où se trouvent les gens que nous aimons. Je prie en silence pour que mon amie se plie finalement aux exigences de l'autre.

Il nous conduit au fond du couloir où se situe le garage. Malgré notre anxiété et notre impatience, nous sommes surprises d'y trouver quatre très belles voitures dont une magnifique Porsche noire de collection qu’il déverrouille pour nous permettre de monter.

— On ne serait pas plus à l’aise dans le 4X4 ? demande Val, incrédule.

— Il est moins rapide et c’est à ma sœur, réplique-t-il, pressé, alors qu'il s'installe sur le siège du conducteur.

Clyselle est perplexe :

— On ne tiendra pas tous dans un tel véhicule ! De plus, on ignore ce qui nous attend, alors ce n'est pas le moment de sortir ton joujou.

— Cette voiture appartient à mon frère, la mienne c’est la Mustang anthracite. Le problème de places sera résolu si la gamine reste là. Sinon, vous vous tasserez. À vous de voir.

En temps normal, une virée dans un carrosse nous réjouirait, mais là, le ridicule de la situation nous laisse stupéfaites.

L'autre montre des signes d'agacement derrière son volant :

— La petite bombe gagne ma confiance. On y va ou vous souhaitez encore disserter ?

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