16/ RÉUNION : LANA

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Je parviens à dormir, mais mon sommeil est agité.

Nous sommes tous sur un voilier, pris au piège entre les algues qui nous empêchent de nous déplacer, et des malaformes bien plus rapides dans l’eau que sur la terre ferme. Matt, pris de malaise, vacille et tombe par dessus bord. Il se débat, tente de remonter à l'aide de la corde que je lui jette, mais les créatures qui ne le dévorent pas se servent de son corps pour grimper nous rejoindre. J’assiste à sa mort, impuissante. Il s’enfonce dans les profondeurs, ne laissant à la surface que son sang qui colore la mer. La sorcière rit aux éclats avant de reprendre son sérieux et de pointer ses doigts crochus vers moi. << Il est temps de payer pour tes trahisons, Lana ! Par la barbe de tous les morts, que justice soit faite ! >> Deux monstres m'immobilisent en tenant mes bras avec fermeté tandis que mes enfants se font griffer, déchiqueter, devant mes yeux. Derrière eux, Clément lutte malgré une large morsure à la gorge. Il se bat, en vain, jusqu’à son dernier souffle. Sandrine récite une incantation dans mon dos. Elle fait taire d'un geste les malaformes qui ricanent et me dit :

<< Tu vivras désormais seule, envahie par ces images et le remord. >>

Je me réveille en sursaut, trempée de sueur, le cœur battant la chamade. C’était atroce, je ne parviens pas à calmer mes tremblements. Par chance, des éclats de rire détournent mon attention. J’ai peur d’aller voir si les autres ont besoin d’aide, mon cauchemar encore trop présent . Je me cache sous la couette pour faire le point. Nous ne sommes pas sur un bateau, mais chez Valérie. Nous ne sommes pas tous réunis. Nous ne le serons jamais, de toute manière, puisque Matt est parti.

Je saute de mon lit quand je reconnais la voix de mon mari. J’ouvre la porte à la volée et les observe. Clément, Robert et Richard sont là, avec leurs femmes. Nous avons réussis ! Notre petit dernier sourit dans les bras de son père tandis que ses deux frères les entourent.

J'approche lentement, il ne m’a pas encore vue. Ses yeux survolent le groupe, me cherchent, puis s’arrêtent sur moi. Il repose notre fils au sol sans que son regard ne se détourne. Impatiente, je cours me serrer contre lui . Il me couvre le visage de baisers, répète mon prénom des dizaines de fois, tandis que nos larmes roulent sur nos joues. Nos enfants viennent se joindre à notre étreinte. Mes larmes de soulagement coulent en flot continu, telles une cascade alors que la puissance de mes émotions me fait suffoquer.

Val et les siens sont dans le même état que nous. À ceci près qu'ils ne semblent pas secoués par le bonheur. Ça ressemble plutôt à une intense douleur. J'interroge Clément du regard et il me raconte à voix basse l’épouvantable mort de Shana et de Patrice. Ma gorge se contracte, mes mains se collent à ma bouche pour retenir un cri et je me remets à pleurer. Comment une telle injustice est-elle possible ? Elle n’était qu’une enfant ! Elle n’a même pas eu assez de temps pour s’expliquer avec sa mère. Pauvre Valérie ! Comment va-t-elle pouvoir surmonter cette terrible épreuve, faire son deuil alors qu’elles n’ont pas pu se réconcilier ? Et Patrice, même si je ne l’appréciais pas, son décès me fait mal. Il avait une famille lui aussi, une femme et une fille. Il nous a quittés sans savoir si elles sont toujours vivantes.

Sandrine nous invite avec discrétion à nous déplacer à l’arrière de la maison. Tous, sauf nos hôtes. Ils doivent accepter la lourde perte qu’ils subissent, se soutenir mutuellement. Ils n’ont pas besoin que des intrus les observent et les gênent.

— Nous devons partir d’ici, explique-t-elle. Avez-vous un refuge à proposer ? Vos jardins ne sont entourés que de grillages qui ne tiendront pas longtemps, il nous faut du solide.

— Ta maison n'a pas de cloture ? je lui demande, curieuse.

— Elle n’est ni assez grande, ni clôturée, et perdue au milieu de la fôret tropicale. Je te laisse imaginer...

— Je ne vois qu’un endroit où nous serons en sécurité : chez les neveux, affirme Clément. Qu’en penses-tu Lana ?

— Sandrine refusera de nous y suivre, je conteste. Et puis, il y a des chances pour que nous n’y soyons plus les bienvenus.

— C’est possible, intervient la sorcière, hésitante. Néanmoins, il existe peut-être une solution pour nous débarrasser de ce fléau. Si je ne me trompe pas, nous aurons besoin les uns des autres. Je suis prête à prendre le risque de me rendre là-bas si cela permet de rétablir l’équilibre. Il y a quand même des conditions, nous interpelle-t-elle alors que nous sommes déjà prêts à partir. Les neveux devront tout d’abord accepter notre cohabitation. Ensuite, il me faudra le matériel nécessaire à l’exercice de la magie et il se trouve chez moi. Nous devrons donc faire l'aller-retour.

— Jonathan m’a paru plutôt ouvert, se réjouit mon mari. Allons leur parler. Nous savons où les trouver. J’y vais avec Lana, qui d’autre ?

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