Au beau milieu d’un désastre sanguinolent, Isabella Flirtyprud tenait debout, protégeant de son corps lacéré, les quelques étudiants encore en état d’assister à la scène. L’enseignante avait au creux de ses yeux, cette flamme qu’aucun humain, sain d’esprit ne devait posséder. Elle le voulait mort. Mort et enterré. Le démon, debout, un pied dans une mare sanglante la dévisageait de ses petits yeux myope.

  - Si seulement Austin était là… Lui aurait pu tous les protéger… se lamentait la professeure sans pleurer. Le visage marqué par les coups et la suie, elle avait retiré ses talons aiguilles lorsqu’un des pics censé la maintenir perchée avait cassé dans l’action.

  - Allons… laisse moi m’emparer de toi. Je suis persuadé que ta chair est tendre et délicate ! Râla une voix rauque à en faire trembler un mur.

La silhouette vibrante à chaque pas approchait d’Isabella qui maintenait sa position.

  - Si tu me veux… tue moi ! Lui hurla-t-elle en embrasant sa magessence, une multitude de queue faite de magessence jaillirent de son coccyx, ses cheveux rouges, gluants de sang, brillèrent également.

    Les vitres s'étaient brisées. Ni une ni deux tous les regards se tournèrent vers la scène. Une horde de démons, pour la plupart inconnus, saccagèrent la salle de réception. Des cris de douleurs se mêlèrent rapidement aux cris d’effrois. Le plus rapidement possible, Silentwatch recouvrit ses membres supérieurs d’énergie magique et colla une brève raclée aux démons qui osaient approcher de trop près les étudiants. Sa vitesse et sa précision étaient ni plus ni moins parfaites. Il enchaînait de petites acrobaties mais sans jamais gaspiller inutilement son énergie. Personne ne connaissait son passé de combattant de rue. Isabella qui, elle aussi était sur ses gardes depuis l’anomalie dans l’air ambiant, modélisa des rubans de magessence depuis ses mains. Ces derniers vinrent étrangler, immobiliser ou encore démembrer les créatures, volantes comme terrestres. Beaucoup moins réactif et efficace, le peu d’élève encore capable de se concentrer sur l’action se comptait sur les doigts d’une main. Beaucoup avaient bu et n'étaient plus en état de discerner un démon ou une création de leur imagination. Allen et Kai rejoignèrent leurs enseignants qui avaient exterminé la quasi totalité des intrus.

  - Ce n’est pas un entraînement ! Vous êtes invité à user de vos pouvoirs ! Déclara Silentwatch en replaçant sa monture où du liquide corporelle de démon avait atterri.

  - Je comptais pas me retenir ! Jacta Kaï qui tapa ses paumes de main l’une contre l’autre pour allumer sa magessence.

    La salle de réception plus calme, tous purent observer le carnage de la scène. Des étudiants de première année n'avaient peut-être pas encore les épaules pour supporter une telle vision. Des corps, découpés, déchiquetés et sanguinolents jonchaient le sol. Leurs corps allaient se décomposer et se transformer en matière dans les secondes qui suivent mais la réalité du champ de bataille faisait mal à voir. Les étudiants tous rassemblés dans le fond de la pièce, les deux enseignants prirent les devants.

  - Il y a un problème avec les artefacts de bénédiction… quelqu’un à dû les désactiver. Nous devons rétablir le signal si nous voulons éviter que d’autres démons n’interviennent. Déclara l’homme aux cheveux courts et gominés en arrière.

  - Austin n’est toujours pas revenu, il n’est peut-être même pas au courant de ce qui se passe ici… Les Hartstones ont dû planifier ce “rendez-vous” avec un démon… Continua l’enseignante, qui déchirait sa robe de soirée d’un mouvement sec et rapide.

  - Je me charge de retrouver notre ami. Toi reste ici avec les enfants. Ordonna Nathaniel. Je trouverais le moyen de te prévenir quand je l’aurai trouvé.

  - Si ça se trouve monsieur Sunnyday à été attaqué aussi ! S’écria une des étudiantes encore sobre.

  - Surement. Mais ne t’inquiète pas. C’est vraiment le dernier de mes soucis. Personne ne peut vaincre le Guérisseur à la défense parfaite. Rétorqua alors l’enseignante et amie d’Austin avec une voix assurée. Allen, Kai et Bianca vous vous chargerez avec moi de repousser les vagues de démons si d’autres surgissent. Nath’ je te laisse t’occuper de lui.

   Le reste d’une fenêtre déjà brisé, vola en lambeau pile à la fin du petit monologue. Un pas petit mais lourd s’écrasa dans une mare de sang et éclaboussa le haut du pantalon ample qu’il portait. Son corps gras et bedonnant semblait être un handicap certain à son déplacement. De longues lames de métal irrégulières en guise de main traînaient sur le carrelage marbré. Elles laissaient sur leurs passages des rayures irrécupérables. A la vue du démon anthropomorphe, les yeux d’Isabella se rétrécirent et vacillèrent, elle pensait sincèrement qu’ils allaient sortir de leurs orbites tellement elle pensait rêver. Elle entrouvrit ses lèvres maquillées et laissa sortir un souffle long et irrégulier, elle faisait un pas en arrière lorsque lui en faisait un en avant.

  - Imp… Impossible ! Silentwatch attrapa la main de sa collègue et la serra fort. Ils croisèrent leurs regards. Celui de son collègue semblait tenir le choc. Il le fallait. Eux ne pouvaient pas se permettre de perdre la face devant leurs élèves, bien qu’une gouttelette de sueur perla sur son front. En garde deux mètres derrière, Allen Kai et Bianca aussi avaient remarqué que ce démon dégageait un il ne savait quoi qui les terrifiait.

  - Hey le prodige c’est quel genre de démon celui-là? Demanda Kaï qui s’agaçait rien qu’en regardant la désolation dont souffrait la pièce.

  - Je ne suis pas certain car les livres ne parlent d’aucun démon de ce genre...

  - On n'est pas aidé…

  - Cependant… Allen coupa Kaï avec une voix ferme et tremblante. J’ai une fois traîné dans la réserve à la bibliothèque… et je suis tombé sur une description d’un démon à forme humaine qui est capable de contrôler l’esprit des plus affamés… Ce livre… décrivait ce fléau comme l’un... des douze démons de Pandore ! Dit-il en baissant le regard. Il était terrorisé. Il savait que son niveau n’allait pas suffire pour vaincre un des ennemis les plus puissants qui existent au monde.

  - Comment avez-vous osé… Si les démons inférieurs ne suffisent pas… c’est moi qui vous démembreraient pour mieux vous savourez ! Parla le démon en continuant d’avancer à son rythme. La magessence ambiante s’intensifiait comme si l'arrivée de la créature dans le hall suffisait à dérégler l’équilibre du périmètre. Les lumières faiblissaient et s’intensifiaient chaotiquement.

  - Recule démon. Ou nous serons obligés de riposter. Annonça Nathaniel qui voyait que sa collègue n’arrivait pas à reprendre son calme. C’était une véritable balle de sommation et il espérait secrètement que cela suffirait pour le dissuader. Silentwatch n’était pas idiot, loin de là. Les probabilités de leurs victoires étaient proches de zéro. Même si la magessence de la professeure en dentelle était intéressante, elle n’avait pas le pouvoir d’abattre un des douze démons de Pandore mais ça, les deux adultes le gardaient pour eux.

  - Nathaniel. Va et trouve Austin. Je t’en supplie. Moi je vais le ralentir. Hey vous autres. Fit-elle en s’adressant à la classe ensuite, Partez d’ici. Fuyez. Ne vous retournez pas. Ce démon… est un des maux du monde… La Famine… ou plus communément appelé…

  - Deephole ! Se présenta alors le démon en faisant tomber sa tête sur le côté, comme s' il cherchait à capter l’attention des étudiants qui s’accumulaient derrière leurs professeurs. Evidemment, Nathaniel serra les dents en replaçant sa monture sur son nez.

  - Ca ne sert à rien de parlementer. Ne l’épargne pas, Isabella. Conclut l’homme dans son costume en velours avant de partir à la recherche d’Austin Sunnyday. Le démon de Pandore, Deephole, n’avait même pas pris la peine de le suivre du regard. Ce qui l’intéressait se trouvait là, juste sous ses yeux. C’était ce garçon aux cheveux en bataille et aux regards tremblants. Il le sentait depuis maintenant plusieurs semaines. Un élu à la magessence si prodigieuse… il n’en avait jamais vus de comme lui et comptait bien s’en emparer.

    Une tension palpable pétrifiaient les élèves dont l’unique survit, reposait sans conteste sur les épaules d’Isabella. L'énergie débordante de cette dernière crépitait à quelques centimètres de sa peau.

  - Cela fait bien longtemps que je n’ai pas ressenti ça… cette sensation effroyable… m’avait manqué ! S’écria-t-elle comme pour s’en convaincre, son visage portait un authentique faux sourire.

Les manches du démon se levèrent, les griffes d’aciers pointaient la Guérisseuse, prête à réagir. D’un battement de cils, les lames de métal s’allongèrent sans explication en suivant une trajectoire impossible à anticiper.

  - Thousand knot ! La magessence déjà active, se broda et créa un énorme filet incandescent qui ralentit puis stoppa net la progression des projections. Agacée de s’avoir ses étudiants encore dans son dos, elle hurla une nouvelle fois, tout en maintenant son sort actif: “Dégagez ! Vous devez penser à votre survie !” Sa voix perçante, les intimida et les obligea à obéir, tous s’échappèrent par les fenêtres brisées il y a peu par les sbires du Démon. Allen eut , au moment de sauter, un dernier regard pour son enseignante. Il ne savait pas de quoi elle était capable et cela l’inquiétait. Bien qu’elle soit de toute évidence plus forte que lui. Le cri de rage de la femme aux cheveux écarlate remonta jusqu’au oreilles de Silentwatch qui courait dans un des couloirs un peu plus loin.

  - Ils sont dehors… Murmura le démon de Pandore en se tournant lentement vers le mur affaissé. Ses petits yeux rouges au milieu d’un écran noir, dérangèrent la guérisseuse qui lança une offensive pour l’empêcher de les suivre.

  - Star chain ! Instantanément, cinq chaînes d’énergie jaillirent du sol et vinrent s’attacher au Démon immobiliser au cou, aux deux poignets et aux deux chevilles.

  - J’ai faim… Grommela le démon, dont le corps commença à se tendre.

  - Tu ne peux pas m’échapper ! Tu es un des douze démons de Pandore… Je ne dois pas te sous-estimer ! Parla-t-elle, en avançant et en modelant un fouet plein de magessence au creux de sa main droite. Il claqua.

    Le pouvoir d’Isabella était sur le papier basique. Sa magessence de type offensive, lui permettait de modeler des fils, chaînes, fouet et autres objets de la même géométrie. Depuis son enfance, elle s’efforçait de varier son panel de technique pour pouvoir être la plus versatile possible.

Immobilisée, elle força sur les chaînes pour tordre le démon et le placer dans la position la plus inconfortable possible. Il grommela de douleur, une bave épaisse et bleu sortait de sa gueule dessinés de crocs tranchants.

  - Tu penses… me tuer n’est-ce pas? Je n’ai pourtant pas commencé mon dîner ! Tu n’oserais pas priver un condamné… de son dernier repas tout de même? Son timbre de voix changea. Une énergie rouge émana de son corps volumineux. Les chaînes jusque là efficaces se désagrégèrent sous les yeux d’Isabella qui bondit en arrière afin de reprendre une distance de sécurité.

  - Gastric breath ! L’énorme gueule dessiné sur son estomac s’ouvrit et dévoila plusieurs rangés de crocs irréguliers. Une impressionnante quantité d’énergie s’en échappa et tournoya en direction de Flirtyprud qui encaissa le météore tout droit sortie des entrailles du démon. Un deuxième mur céda sous le choc, emmenant la femme sur son passage. Elle fut soufflée et entraînée dans une partie du jardin, entre deux sapins à moitié déracinés par la force du souffle. La terre avait été soulevée, la pelouse arrachée.

    Lent, Deephole mit du temps à parvenir jusqu’à elle. Tant mieux aurait-elle pensé si elle était encore en état de réfléchir. Jamais l’enseignante n’avait encaissé une telle attaque. Elle s’avouait facilement que même lorsqu’elle était envoyée ici et là pour éradiquer des démons, jamais elle n’avait été envoyée sur une mission classée secrète. Elle n’avait jamais pensé qu’une fois enseignante, à quarante ans, elle tomberai nez-à-nez avec l’un des douze Démons de Pandore. Qu’était-il venu faire ici? Qu’est-ce qui était aussi important que ça ce soir pour passer un pacte avec la famille Hartstones? Tant de questions qu’elle aurait voulu se poser malheureusement, son esprit s’embrumait. Elle se redressa, les jambes tremblantes et pleine d’éraflures. Sa si jolie peau était de l’histoire ancienne. Un molard de sang plus tard, elle passa sa main sur son crâne, sa main ressortit rouge. Au beau milieu du jardin elle prit la direction de Deephole. Elle voyait sa sombre silhouette émerger au loin, là où la lumière du manoir contrastait avec le ciel sombre. “Je dois… protéger…”. Elle utilisa des fils de magessence pour s’accrocher aux branches des arbres et ainsi économiser ses forces physiques. Un démon secondaire, Vespertilio os, dont l’envergure atteignait le mètre cinquante et la gueule un mètre trente, piqua en direction de l’enseignante. D’un mouvement de main et grâce à ses chaînes, elle arracha les deux ailes du démon qui partit en fumée avant même de se rendre compte de son sort. Plus elle avançait, plus un mal de crâne s’élançait. En contre sens du vent, un bruit métallique lui vint. Elle recréa un mur de magessence à l’aide de sa technique, les lames cette fois bien élancées, et Isabella blessée, s’emmélèrent entre les noeuds, quelques une passèrent malgré l’effort d’Isabella, son crâne lui provoquait des vertiges. Elle savait que réaliser l’impossible dans son état était inconcevable.

    Elle roula sur le sol tout en faisant disparaître sa magessence afin d’éviter les lames de rasoirs que Deephole projetait. Plaquée dans l’herbe derrière un tronc d’arbre, à seulement quelques mètres du Démon dont elle pouvait discerner les pupilles rouges, elle recracha un peu de sang et essuya ses lèvres laissant un peu de rouge au coin de sa bouche. Elle ne savait pas quoi faire. Son niveau de magessence n’était pas le soucis, elle en avait encore suffisamment pour tenir le combat. Ce qui l’inquiétait, c’était sa vision soudainement flou et tous les symptômes alarmants qu’y s’accompagnait. Son crâne avait salement été touché dans le souffle du Démon qui aurait été capable de raser un quartier entier d’habitation.

  - Ton parfum… est alléchant ! Grogna d’une voix basse la Famine. Il trancha le tronc à la base, arrachant sur son passage les arbustes qui avaient eu le malheur de pousser ici. S’aidant de sa magessence, Elle décolla dans les airs et tenta de localiser son ennemi malgré sa vision trouble. Les guérisseurs expérimentés avaient la faculté de ressentir avec précision les émanations de magessence. Elle percevait, comme en plein jour, les irradiations de l’énergie dans l’air et pu esquiver adroitement les doigts d’aciers du Démon qui rêvaient de découper un si beau morceau de viande. Elle atterrit derrière la silhouette d’environ un mètre soixante-dix et balança avec la force du désespoir un coup de pied droit armé d’énergie magique. Le ventre du démon, mou, encaissa l’impact, l’armure de graisse qui le recouvrait minimisa l’impact. Inefficace, elle prit Deephole de vitesse en bondissant, elle enroula une chaîne de magessence au niveau de son cou et serra de toutes ses forces. En retombant, elle avait espoir de le faire basculer. La chaîne se resserra et se brisa sur la nuque du démon pourtant bien exposé. Depuis le début, Isabella usait de stratagème pour entraver Deephole et le faire céder. Lui, subissait gentiment. La moitié des offensives de la Guérisseuse finissait par échouer. Le corps du Démon ne portait aucune trace suggérant un affrontement.

  - Tu ne peux me vaincre. Guérisseuse. Je sais pertinemment que tu n’es “pas éveillée” ! Je suis donc, ce soir, immortel ! Bequeta le démon la gueule aux milles dents de son abdomen grande ouverte.

  - Elle le savait… tous les Guérisseurs confirmés le savaient. C’était impossible pour quatre vingt dix-huit pourcents des guerriers.

  - Je ne peux pas te le cacher. Je ne suis pas en mesure de le faire. Mais te combattre, et te ralentir pour sauver des vies, ça, j’en suis capable ! S’exclama la femme haut et fort, les larmes aux yeux. Elle savait qu’elle ne remplissait pas les critères pour ramener la paix. Toute sa vie, elle n’avait que fait suivre les conseils des plus expérimentés. Depuis son plus jeune âge, lorsqu’elle rêvait encore de devenir fleuriste, elle avait malencontreusement brûlé une petite parcelle d’un bois paisible en cueillant une fleur attirée par sa couleur. D’où elle venait, la magessence n’était pas bien vue par les adultes totalement dressés contre le Conseil. Ses rêves de composition florale s’étaient envolés lorsqu’elle avait reçu la lettre d’admission à l’Académie à l’âge de dix-sept ans. Sa scolarité, en dent de scie, elle l’avait passée seule. A se promettre de revenir un jour dans son village pour ouvrir son petit commerce et ainsi vivre une vie paisible à la lisière d’une forêt.

    A l’époque, il y avait ce jeune homme dont le sourire était une véritable arme. La couleur dorée de ses cheveux et son enthousiasme lui faisait oublier tous ses problèmes enfin tous, sauf un. Destinée à devenir une guérisseuse malgré elle, rien ne la motivait. Son ami et camarade, Austin lui, répétait sans cesse qu’il voulait pouvoir protéger les plus faibles, que même lorsque tout semblait perdu, un sourire pouvait penser une plaie béante et créer un miracle. Comment un homme pouvait rêver de vivre la vie d’un Guérisseur? Encore aujourd’hui elle ne sait pas d'où lui provenaient sa fougue et sa joie de vivre. C’est peut-être pour cette raison que depuis les bancs de l’Académie, elle ne pouvait vivre sans lui. Plus d’une fois humiliée, sa magessence avait très vite montré ses limites à l’Académie lorsque Roy le célèbre Guérisseur n’était encore qu’enseignant. Jamais elle n’aurait souri si elle ne l’avait pas rencontrée. Au bout de trois longues années d’études, alors qu’elle pensait revoir sa famille, retrouver une vie paisible et pourquoi pas ouvrir la boutique dont elle avait rêvé jour et nuit. Isabella perdit tout, son village, sa terre natale, avait brûlé. Les médias avaient suggéré l’action d’un démon. Il n’y eut aucun survivant. Deux semaines plus tard, dans sa chambre à l’Académie. C’est Austin qui l'avait retrouvée inconsciente, les poignets ouverts. Un ciseaux encore présent dans l’évier des toilettes de l’étage.

     Elle n’avait que vingt et un ans à cette époque et déjà, elle avait cherché à fuir ce monde qu’elle détestait.

“Une fille comme toi, à l’avenir devant elle. Quand ça ne va plus, appelle moi, je te sourirai toujours.”. Lui avait-il confié sur son lit d’hôpital alors que son état de santé se stabilisait. Depuis lors, elle avait l’impression d’avoir quelqu’un sur qui compter. Une épaule pour pleurer, et une oreille à qui se confier et ce soir, les paroles de son ami d’enfance raisonnèrent. Comme si le sourire d’Austin Sunnyday lui avait fait perdre tout sens de la douleur, elle se releva courageusement. Si la scène était tirée d’un film, un duo de piano et violon l’aurait accompagné.

    Un groupe d’élève perdu dans le jardin apparu par mégarde dans son dos. Le corps lacéré et sanglant d’Isabella les terrorisaient plus que de raison.

  - Je ne peux pas reculer… je t’ai promis… de ne plus jamais pleurer !! La voix tremblante, le cri fit fuir une nuée d’oiseaux noirs qui coupèrent le chemin de la lune pourpre. Au beau milieu d’un désastre sanguinolent, Isabella Flirtyprud tenait debout, protégeant de son corps lacéré, les quelques étudiants encore en état d’assister à la scène. L’enseignante avait au creux de ses yeux, cette flamme qu’aucun humain, sain d’esprit ne devait posséder. Elle le voulait mort. Mort et enterré. Même si cela, elle en était impossible.

Le démon, debout, un pied dans une mare sanglante la dévisageait de ses petits yeux myope.

  - Si seulement Austin était là… Lui, aurait pu tous les protéger… se lamentait la professeure en pleurant silencieusement toutes les larmes de son corps. Elle n’avait plus pleuré depuis le jour où son ami d’enfance l’avait retrouvé dans sa chambre les veines tranchées.

Le visage marqué par les coups et la terre, elle avait retiré ses talons aiguilles lorsqu’un des pics censé la maintenir perchée avait cassé dans l’action.

  - Allons… laisse moi m’emparer de toi. Je suis persuadé que ta chair est tendre et délicate ! Râla une voix rauque à en faire trembler un mur.

La silhouette vibrante à chaque pas approchait d’Isabella qui maintenait héroïquement sa position.

  - Moi aussi je veux protéger les plus faibles !! Hurla-t-elle en embrasant sa magessence, une multitude de fils fait de magessence jaillirent de son coccyx, ses cheveux rouges, gluants de sang, brillaient également. Un réel cri de désespoir avant une dernière attaque pleine d’un espoir impossible.

L’immense gueule aux crocs acérés se rouvrit.

  - Gastric…

   - Throttling chain Maxima !

    - ... breath !

Au moment de relancer l’énorme onde capable de raser les plus grands monuments, des chaînes par milliers se créèrent autour de Deephole, son corps fut ciselé, lacéré, étranglé dans la pénombre. Son corps se déformait et le souffle gastrique s’estompait. Physiquement au bout du rouleau. l’enseignante forçait sur ses cuisses pour tenir la position et resserrer les chaînes plus encore.

Un craquement retentit. C’était les os du démon qui cédaient sous la pression.

    Avec ses dernières forces, elle taillada et sépara férocement le corps du démon en trois morceaux .

Elle n’en revenait pas, l’impossible s'était-il produit sous ses yeux ? Le déluge de sang ne l’arrêta pas, elle tomba, à genou dans l’herbe rouge sombre, ses yeux flous laissèrent couler des larmes, elle-même ne savait plus ce qu’elle ressentait. Son visage recouvert de sang, le corps égratigné, elle tomba d’épuisement, incapable de donner plus. Dans sa chute lente et douloureuse, elle renvoya un épais mélange de sang et de tripe.

    Effondrés, les élèves s’enfuirent en courant, laissant pour morte leur enseignante. La survie, jusque-là, utopique, devenait réalité. Un sourire niait et instable illuminait leurs visages. “Si elle devait mourir pour nous permettre de survivre, cela ne tienne! ”, “Après tout c’était son travail de nous protéger”. Voilà le genre de pensée qu’ils avaient actuellement, guidés par ce sentiment de survie.

Soulevant des feuilles mortes sur son passage et se faufilant dans le vent, trois lames d’aciers toujours aussi irrégulièrement taillés les transpercèrent par le dos. Trois corps gisaient au bout, déjà presque éteints. Elles se rétractèrent jusqu’au manches d’un Deephole à nouveau debout en un seul morceau. Embroché mais vivant, ils soufflèrent difficilement un “au secours” les larmes aux yeux.

  - Bon appétit !

    La gueule de l’abdomen s’ouvrit. Les rangées de dents, toutes les unes derrière les autres, dévorèrent les trois corps sans en laisser une miette. Le sang coulait à flots, devant une Flirtyprud totalement inconsciente. Qui venait certainement de mener le combat le plus difficile de toute sa carrière.