Chapitre 27

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Depuis sa perte de conscience, tellement de choses c’était passé qu’Allen n’avait pas su par quoi commencer. Il avait voulu tout raconter dans les moindres détails à Skye. S' il avait pu détailler la couleur des chaussettes de Silentwtach lors de la réception, il l’aurait fait avec le sourire. Curieuse et sentant bien l’importance que cela avait pour Allen la jeune femme écouta les récits pendant une journée entière. Parfois, alors que Skye avait retrouvé le lit confortable de sa chambre, Allen surgissait avec un nouveau détail à raconter.

Il était en train de terminer un monologue quand Kai toqua à la porte de la chambre bien qu’elle soit ouverte.

  - Content de voir que tu es de nouveau sur pied. Allen on peut parler. Fit-il du nez.

Il était assez rare de voir Kai s’aventurer dans ce couloir de chambre et encore plus de l’entendre demander un tête à tête avec celui qui il partageait le haut du classement à l’Académie. Allen n’avait aucune raison de refuser. Kai ne lui faisait plus peur désormais.

Une fois la porte fermé, Kai s’adossa au mur du couloir.

  - T’es au courant que la “Masterclass” est reportée au mois de Janvier?

  - Tu parles du tournois de fin d’année? Oui, tout le monde n’est pas encore en état de livrer des duels.

  - C’est bien ce que je pensais. Grogna l’énervé. Pour toi, ce n’est rien de plus qu’un duel entre potes.

  - C’est un tournoi qui va nous permettre de nous présenter au public! Si nous nous faisons remarquer, on pourra être recruté pour des missions importantes, j’en ai conscience Kai.

  - Tout à toujours l’air si simple avec toi. Tu ne t’entraînes jamais en dehors des cours, comment penses-tu pouvoir montrer quoique ce soit.

  - J’ai passé du temps à travailler ma magessence avec monsieur Grimwish pendant plusieurs soirs. Ce n’est pas parce que je ne soulève pas d’haltères à ta manière que je ne m’entraîne pas Kai. Le pic envoyé par Kai venait d’allumer la faible lueur de rivalité qui sommeillait en Allen.

  - Être le numéro un… c’est pas juste ce que je souhaite devenir. Je veux être le numéro un et exploser ta petite tête de numéro deux ! Je veux pouvoir voir la peur et l’abandon dans ton regard quand je te vaincrai.

  - On t’a jamais dit que tu parlais trop Kai? Lors de la Masterclass, ne t’avise pas de perdre avant de m’affronter en finale. On règlera les choses une bonne fois pour toute.

  - T’as pas froid aux yeux. Ça me va. Kai eu un petit sourire en coin de bouche. Au fait, j’ai entendu dire que l’Académie va fermer exceptionnellement dans deux jours, ne te repose pas sur tes lauriers le génie.

Satisfait, il quitta la conversation et d’un mouvement de main salua Allen qui venait de voir sa motivation se décupler. Elle ne fut que de courte durée car l'annonce de la fermeture temporaire de l’Académie le chamboula. Skye avait tout entendu étant donné l’épaisseur des murs du dortoir.

Effondrée sur son lit, les cheveux serrés dans un chignon fait à la va vite, elle sanglotait. Rentrer chez elle, c’était invivable pour la jeune femme qui ne cachait plus sa haine envers sa famille.

  - Tu n’as pas besoin d’y remettre les pieds Skye, je te le promets.

  - Ou vais-je aller?! Je refuse de continuer à vivre sous le toit des Hartstones ! Pleurait-elle.

Après une longue hésitation qui s'était traduit par un silence entre les deux amis, Allen creva l'abcès.

  - Viens chez moi. Je n’habite pas un manoir, c’est une petite maison dans un quartier calme de la ville… et ma famille est modeste on roule pas sur l’or mais je suis certain qu’en leur expliquant ta situation… ils accepteront !

Elle releva la tête, ces yeux bleus encore noyés dans une mer de larmes se stabilisèrent.

  - Je suis prête à payer ma part si besoin, je t’en prie. Indiqua-t-elle en remontant ses genoux jusqu’à son visage pour s’y cacher, comme le ferait une enfant.

Appeler ses parents fin Décembre comme si de rien était alors qu’il ne leur avait pas attribué un mot depuis la rentrée scolaire… Allen angoissait rien qu’à l’idée d’imaginer les réprimandes qu’allait lui faire sa mère. Elle allait lui ressortir le même monologue, celui qui prône le dédain et l’inquiétude d’une mère au sujet de son fils unique et pour couronner le tout, Allen allait demander à héberger Skye pendant quelques jours. Il espérait sincèrement qu’au fond se soit son père qui décroche mais la vie de cuisinier ne lui octroyait que très peu de temps. Son père lui au moins n’allait pas exiger de tout connaître de Skye pour qu’elle puisse fouler le seuil de la porte bien au contraire. Avoir “une amie” avec laquelle il était suffisamment proche pour l'inviter à la maison était une première pour son fils.

En décrochant le téléphone fixé dans le hall du dortoir, il prit une grande inspiration avant de composer le numéro d’un doigt.

L’attente était anormalement longue. En pleine vacances de Noël, sa mère maîtresse d’école passait ses journées à la maison. Peut-être que le numéro s’affichait en masqué de l’autre côté, cela expliquerait pourquoi personne ne décroche. Il recommença. Il décida de lancer un troisième et dernier appel en laissant cette fois-ci un message maladroit, l’essentiel y était. Ils arriveraient demain matin, pour l’heure du déjeuner.

    Elle observait les étoiles un thé à la main comme elle en avait toujours eu l’habitude. Soulagée à l’idée de ne pas revoir sa famille, elle imaginait avec humour à quoi pouvait ressembler le quotidien d’Allen, ce garçon qui avait su, peu à peu, infiltrer son cœur. Maladroite avec ses sentiments, elle ne savait pas si son teint rosie était dû aux vapeurs chaudes de sa boisson ou bien l’idée de rencontrer la famille d’Allen. Elle refusait encore inconsciemment d’admettre que sa famille avait été de mèche avec un des douze démons de Pandore. Qui pouvait commettre une telle folie? Elle préféra effacer ce souvenir. Il était tard, les deux aiguilles avaient déjà embrassé douze heures du soir. Elle fouilla dans son sac et sortit son pilulier. Elle resta un moment à l’observer sans vraiment savoir pourquoi. Personne ne lui avait posé plus de question concernant son malaise, il faut dire qu’avec tous ces derniers événements, sa perte de connaissance avait été relégué au second plan et cela lui allait très bien. En avalant son cachet grâce à une gorgée de thé, elle croisa son regard dans son miroir de plain pied.

  “-Tu es trop instable ma pauvre… jamais il ne s’intéressera réellement à toi et si par miracle cela doit arriver… il fuira en apprenant la vérité.”

Skye lâcha sa tasse instinctivement, le bruit de la porcelaine brisé s’étouffa sur un tapis au pied qui épongeait le reste de thé.

 - Que fais-tu là… Serenity. J’aurais dû m'en douter, c’est parce que tu t’es réveillée que je me suis effondrée.

Vue de l’extérieur, n’importe qui penserait que Skye était en train de se fixer en se parlant devant le miroir pourtant la voix, qu’elle était la seule à pouvoir entendre, s’adressait bien à elle.

  - Je ne comprends pas… Jusqu'à présent nous ne pouvions pas être éveillés simultanément… pourquoi… ?

  - Il y a quelques jours… j’ai rencontré celui que vous appelez Sunnyday. Tu l’admires beaucoup n’est-ce pas? Je sais même que son petit côté enjoué ne te laisse pas indifférente, tu regrettes que ce garçon, Allen ne le soit pas plus.

  - Ça suffit. Arrête de lire dans mes pensées. Qu’est-ce qui t’amène? Skye fronça les sourcils, un léger mal de crâne la gagna.

  - Ce professeur… m’a assuré que je ferais une bonne guérisseuse… je vais donc me servir de toi et de ton corps pour intégrer l’Académie ! Tu finiras par disparaître Skye mais ça, tu le savais déjà !

La jeune femme posa ses mains contre son crâne de douleur, allait-elle devoir partager son corps avec l’esprit de sa supposé soeur? Elle commençait à y croire, à toutes ces histoires de clonage et de test qu'avaient réalisé les scientifiques sur son corps il y a de ça quinze ans.

    Il y a de ça quinze années, un jour comme un autre, la magessence dimensionnelle de Skye s'était exprimée sous les yeux de ses parents. Ils avaient senti que le pouvoir dont allait disposer leur fille unique était exceptionnelle et qu’il n’y avait pas de raison de ne pas l’exploiter. Ils firent construire un véritable réseau de laboratoire à leurs noms. Durant les dix premières années de sa vie, Skye a eu la chance, de tous les visiter au moins une fois. L’objectif était de récupérer l’essence de magessence à l’origine de ce pouvoir dimensionnel et pour ce faire, la jeune fille à l’époque avait enchaîné les rendez-vous médicaux, prise de sang, injection, analyse toutes les méthodes les plus extrêmes que l’on puisse imaginer. Plus les mois passaient et plus la fillette puis l’adolescente s’éteignait. Elle ne comprenait pas pourquoi sa propre famille la forçait à se faire piquer tous les jours, pourquoi des hommes en blouse blanche venaient lui prélever des tubes de sang à longueur de journée. Un jour, certainement celui de trop, Skye perdit connaissance. Avec l’aide de la magessence et des meilleurs chercheurs, ils réussirent à manipuler l’essence de son pouvoir. Sans vraiment trop savoir comment faire, ils créèrent une enveloppe charnelle ressemblant à Skye et injectèrent de différentes manières et sous différentes formes l’essence de magessence dimensionnel. Après plusieurs jours dans des cuves pleines de liquides étrangers, la nouvelle Skye ouvrit les yeux. Elle fut prénommée Serenity. Étrangement, les deux jeunes femmes étaient dans l’incapacité de vivre dans la même dimension et de là, commença une guerre de nerfs sans merci entre les deux jeunes femmes. Serenity prit le dessus sur Skye en devenant la fille prodige, la digne héritière d’un père qui n’était pas le sien, pire encore, sans les respirateurs et tout l’équipement médical, la copie ne tenait debout qu’une heure grand maximum. L’objectif final le plus récent des scientifiques manipulant la magessence étant d’enfermer définitivement Skye dans cet autre dimension afin de laisser Serenity prendre possession de son corps de façon permanente.

Ce projet fou, caché du conseil dira-t-on, était néanmoins connu de certains sous le nom de “Projet SERENITY”.

  - Je ne te laisserai… jamais m’effacer ! Grimaça-t-elle en s’asseyant sur son lit, pleine de sueur froide, son cœur s'était emballé.

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