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Il était neuf heures du soir lorsque je sortis du presbytère sous prétexte d’une petite ballade revigorante. Avec le coucher du soleil, les températures fraichissaient d’un coup jusqu’à tomber aux environs des cinq degrés à l’aube. La sacristie se trouvant du côté sud, j’avais décidé de ne pas passer par la petite porte nord comme je le faisais d’habitude mais plutôt de contourner le bâtiment par l’extérieur : vu l’état de ruine du bâtiment, il valait mieux raccourcir le trajet une fois à l’intérieur.

Je contournai donc l’édifice par l’arrière et arrivai en vu de l’entrée. Les environs étaient déserts et sans plus réfléchir je poussai la porte. L’odeur de fumée froide m’envahit aussitôt et, jetant un regard circulaire, je fus atteint au cœur par le spectacle de désolation que je découvris. La travée centrale était envahie par un amas de poutres calcinées parmi lesquelles on trouvait aussi de nombreux blocs de pierre ; tout était noirci de suie et de poussière et les dorures du grand autel si brillantes habituellement étaient aussi ternes qu’un vieux morceau de cuivre. La lumière du jour déclinant tombait dans l’église par l’énorme brèche dans la toiture dont seul le pan ouest était resté à peu près en place. Par endroits, des poutres pendaient en équilibre, retenues juste par un petit bout coincé entre d’autres poutres et il suffirait que cela cède pour que tout une partie s’effondre à nouveau. Parmi tous ces décombres, j’aperçus une frêle bougie restée bien en place, bien droite dans l’adversité, comme un symbole de la lumière du Christ face aux forces du Mal. Cela me donna le courage d’avancer et, posant précautionneusement le pied devant moi afin de ne pas tomber, j’enjambai les gravats.

Je parvins rapidement devant l’entrée de la sacristie : une poutre en bois en barrait le passage et le chambranle était à moitié effondré, la porte dégondée gisait à terre. Pour pénétrer à l’intérieur, j’allai devoir passer entre ces obstacles. Je ramassai donc le bas de ma soutane dans ma main gauche afin qu’elle ne s’accroche nulle part puis, prenant appui de ma main droite sur le mur, je me courbai tout en levant la jambe pour passer.

Curieusement, la sacristie n’avait pas souffert ; tout y était comme par le passé et le contraste avec le centre ravagé de l’église était choquant. La nature du silence qui y régnait semblait tellement paisible, alors que de l’autre côté il sentait la destruction, que l’envie me vint de m’attarder dans ce lieu où je me sentais habituellement comme chez moi. Cependant, me rappelant ce que je venais faire, je me secouai pour résister à ce désir et me dirigeai vers le placard. Avisant la chaise posée à côté, je la pris pour la placer devant et y monter dessus afin d’atteindre la petite porte : avant de prendre les grands moyens, je voulais m’assurer qu’elle était toujours fermée à clé. Sage précaution car, en réalité, j’eus la surprise de constater qu’elle s’ouvrait sans difficulté aucune ; et bien évidemment, l’intérieur était vide.

Cette découverte me laissa un sentiment mitigé : à la fois déçu car j’avais espéré y trouver ce que je cherchais, mais en même temps satisfait car cela voulait dire que la clé n’était pas perdue contrairement aux propos du Recteur et que, s’il avait menti, cela signifiait qu’il y cachait bien quelque chose ; quelque chose d’inavouable. Tout d’un coup, l’énormité du sacrilège m’apparut : abriter des documents portant sur le satanisme en plein cœur d’une église ! Comment imaginer cela ? Je commençais à penser que le Père Hubert était devenu fou…

Alors que j’en étais là dans mes réflexions, je crus entendre du bruit provenant de l’église. Affolé, je tendis l’oreille mais, à part les battements précipités de mon cœur qui faisaient un bruit assourdissant, je ne perçus que le silence. Je décidai de ne pas m’attarder et je repris le chemin inverse. Néanmoins, avant de sortir, je jetai un dernier regard désolé sur les ruines qui jonchaient le sol, puis sur cette pauvre petite bougie rescapée du sinistre. Elle dégageait une aura très forte de résistance face à l’adversité et je fus tenté d’aller la chercher mais, finalement, je me dis qu’elle devait rester en place, comme une sentinelle qui veillait sur le sanctuaire, et comme une preuve de courage quand tout s’effondrait autour de nous. Symbole de Lumière, elle était aussi le symbole du Christ qui avait lutté contre le Mal pour apporter la paix de Dieu chez les Hommes. Dans la situation où j’étais face au Père Hubert, je me sentais très proche d’elle : moi aussi j’étais confronté à l’adversité et je me sentais bien seul dans mon combat.

De retour dans ma chambre, j’ouvris en grand la fenêtre car l’odeur désagréable de cendres froides avait pénétré dans mes vêtements. J’espérais qu’une nuit entière d’aération permettrait d’évacuer les preuves de mon entrée dans l’église.

Le lendemain matin, tandis que le Père Ménard officiait à ma place à la Chapelle de la Croix Boüessée pour célébrer une union, je décidai d’aller voir Georges Prodault pour lui apporter les réponses qu’il attendait.

A mon arrivée, son fils était déjà parti aider aux champs et il était seul, installé sur ce banc où je l’avais aperçu quand j’étais sorti de chez son gendre, après avoir constaté la présence du Père Hubert auprès des jumeaux. Il me salua sans un mot d’un petit signe de tête mais je crus deviner dans son regard la satisfaction de me voir.

Je m’installai à son côté puis lui fit part des propos de Jeanne que le Père Ménard m’avaient rapportés. Il ne fit aucun commentaire mais je sentis qu’il se détendait en m’entendant confirmer que ses interrogations n’étaient pas sans fondement.

- Georges, continuai-je, j’aimerais que vous ne proclamiez pas partout que je n’aime pas le Père Hubert

- C’est pourtant vrai

- Qu’est-ce que vous en savez ?

- Allons, mon Père, ça se voit comme le nez au milieu de la figure ! Houillé, le cordonnier, vous a parlé hein ? Alors, vous en pensez quoi ?

- Je ne sais pas…

Il ricana :

- Bah ça, voir un curé mentir, c’est y pas beau ! C’est Dieu qui va pas être content !

Honteux et vexé d’être pris en faute, je me levai prêt à partir mais il me retint :

- Allons, Père Julien, je vous critique pas. Mais j’vais vous dire moi ce que vous en pensez : vous vous dites que le Recteur, il est pas droit dans ses bottes ! Alors sûr que ça doit pas être simple pour vous… Allez, rasseyez-vous

Il tapota le banc à côté de lui pour m’y inviter. Prenant une grande inspiration pour me décider, j’obtempérai. Un long silence s’ensuivit : Georges se délectait du soleil du matin fermant les yeux et je me détendis moi aussi et l’imitai en fermant les yeux à mon tour.

Cet instant me rappela mon enfance : souvent et surtout après une bonne journée de travail, mon père sortait prendre l’air et s’asseyait tout comme Georges sur le banc qui restait en permanence contre le mur d’entrée. Dès qu’il faisait beau, je le rejoignais ainsi que mes trois frères et nous restions là, tous les cinq serrés à ne pas pouvoir bouger à moins de tomber, mon père au centre, qui savourait ces instants de proximité corporelle et spirituelle d’avec ses fils. Nous restions ainsi souvent jusqu’à ce que le soleil se couche, à moins que ma mère ne décidât qu’il était temps pour nous de rentrer pour se mettre au lit.

- Vous savez, Père Julien, je le raconte pas partout que vous aimez pas le Recteur, je l’ai juste dit à Robert parce qu’il était pas bien. Mais vous avez pas à vous inquiétez si ça se savait parce qu’y a plein de gens qui commencent à parler sur lui.

- Comment ça ?

- Le soir de l’incendie à l’église, tous ceux qu’étaient là ont bien vu qu’il a pas bougé pour aider et qu’après il avait disparu : il a rien fait alors que tout ceux qu’étaient présents, y se sont donnés du mal pour tout sauver ou pour éteindre le feu… Et pis, on le voit pas beaucoup visiter les fermes pour savoir si ça va, même pendant l’épidémie et le grand froid, on l’a pas beaucoup vu

- Comment ça ? répétai-je. Tous les matins, il partait comme le Père Louis ou moi-même pour aller dans les villages ; il n’y a que le Père Ménard et le Père Coujeon en raison de leur âge qui faisaient le bourg…

Pendant que j’argumentais ainsi, Georges niait de la tête et je finis pas m’arrêter :

- Comment ça, non ? redemandai-je

- Je vous dis qu’on l’a pas vu dans la campagne

- Mais il partait en même temps que nous !

- Et alors, vous étiez avec lui pour savoir où il allait ?

- Georges, murmurai-je, que me racontez-vous là encore ?

Il haussa les épaules puis répondit :

- Ce qui est sûr, c’est que c’est pas un bon curé ; je sais pas comment il a été nommé Recteur, mais c’est sûrement pas parce qu’il se souciait bien des fidèles ! Ou alors, il a bien changé…

Très perturbé d’apprendre encore de nouveaux faits désagréables concernant le Père Hubert, je quittai Georges peu après. Mes pas me portèrent malgré moi jusque chez Nicolas mais il n’y avait personne ; bien sûr, tout le monde était déjà parti à la moisson. Désemparé, j’errai un moment dans la cour, ne sachant que faire, quasi assommé par les nouvelles révélations de Georges : cela commençait à faire beaucoup de charges contre le Recteur sans pour autant avoir de preuves réelles, juste des propos récoltés ici ou là…

Je me mis à faire les cents pas. Contrairement à beaucoup de fermes, la cour de Nicolas était propre. Ailleurs, bien souvent un tas de fumier trônait au beau milieu, quand ce n’était pas juste à côté de la porte d’entrée. J’avais cru comprendre que cette situation inquiétait de plus en plus les Etats de Bretagne car l’on commençait à prétendre que la mauvaise hygiène était source de maladie. Or, de plus en plus, l’administration, tant royale que celle de la province, se préoccupait de la santé du peuple. C’est dans ce cadre là que, tous les ans depuis quelques années, nous percevions au printemps, ainsi que je l’ai déjà dit, tout un lot de remèdes en prévision des maladies qui se propageaient l’été.

- Père Julien ? Que faites-vous ici ?

Perdu dans mes pensées, je sursautai en entendant la voix de Renée, l’épouse de Nicolas. C’était une belle femme (ma condition de Prêtre ne m’empêchait pas d’apprécier de façon objective et détachée la jolie tournure de certaines femmes) et son visage avenant renforçait cette impression. Elle avait des fossettes sur les deux joues qui lui donnaient un air joyeux plaisant à regarder, renforcé par un beau regard azur, franc et chaleureux.

- Vous cherchez Nicolas, je suppose

- Pour tout vous dire, mes pas m’ont amenés chez vous sans but précis

Surprise par ma réponse, elle dut sentir mon désarroi car son regard se fit compréhensif et elle me proposa :

- Je suis revenue surveiller le repas quelques instants mais je repars aussitôt. Si vous voulez je vous emmène avec moi ensuite

- Bien volontiers. Puis-je vous aider ?

Elle me fit tourner le ragoût de lapin qui cuisait dans la marmite tandis qu’elle rassemblait le nécessaire pour nourrir tout le personnel : au temps de la moisson, ils embauchaient des journaliers afin de récolter au plus vite et éviter toute mauvaise surprise climatique. En effet, on avait vu parfois s’abattre de violents orages accompagnés de grêles qui anéantissaient toutes les récoltes.

- Vous restez avec nous pour le repas, n’est-ce pas ? me demanda demoiselle Renée

- Aurez-vous assez pour une personne de plus ?

- Oh la la, oui ! s’amusa t’elle

- Alors j’accepte bien volontiers, merci. La récolte s’annonce t’elle bonne ?

- A priori oui, nous sommes plutôt contents, surtout que le temps n’a pas toujours été au beau et qu’on a craint pour le mûrissement des blés. Mais vous savez, tant que tout n’est pas précieusement rentré dans les greniers, il faut rester prudent

- La plupart des fermiers se plaignent pourtant de ce que la récolte s’annonce mauvaise… Comment faites-vous pour être satisfaite ?

- Nicolas a commencé à mettre en pratique les dernières recommandations en matière agricole

- Et en quoi cela consiste t’il ?

- Il récupère le fumier pour l’étaler dans les champs : il parait que ça sert d’engrais et que les graines poussent mieux. Apparemment, ça marche…

- Vous n’avez pas peur que je divulgue votre secret ?

Elle se mit à rire malicieusement :

- Pour ça, vous pourrez bien le dire à tout Piré, y’en a pas un qui essaiera : juste parce que c’est nouveau et qu’ils se méfient de toutes les nouveautés !

- Combien avez-vous embauché de personnes pour vous aider ?

- En plus de nos trois valets et de nos deux servantes habituelles, nous avons pris trois hommes et deux femmes : il fallait cela au moins pour que le travail avance vite. Allez, on va y retourner : le champ où nous sommes n’est pas très loin

Nous marchâmes en silence quelques instants, puis elle me demanda, hésitante, ayant peur de se montrer indiscrète :

- Père Julien, je vous sens préoccupé : êtes-vous sûr que tout va bien ?

Je pinçai les lèvres, soupirai et lui dit :

- J’ai quelques soucis en effet… Et en vérité, je ne sais pas comment les résoudre… Mais cela finira bien par s’arranger, je suppose, terminai-je dans un sourire auquel sa nature enjoué répondit aussitôt

- Tenez, nous y sommes !

Sur notre gauche, nous entrâmes dans un grand champ de froment dont un bon quart avait déjà été fauché. On entendait le bruit des faucilles qui s’abattaient régulièrement ; les hommes progressaient vite et les femmes suivaient en ramassant le blé pour en faire des gerbes qu’elles liaient avec une tige, puis quand elles avaient trois gerbes elles les faisaient tenir debout les unes contre les autres en formant un triangle. De temps en temps, une plaisanterie était échangée et cela distrayait tout le groupe et faisait oublier la fatigue qui commençait à se ressentir.

- Avez-vous déjà travaillé aux champs ? me demanda demoiselle Renée

- Un peu lorsque j’étais enfant mais hélas j’étais fort mauvais ouvrier ; je crains de ne vous être d’aucune utilité, plutôt un fardeau. Je vais m’installer à l’ombre du grand chêne là-bas et prier pour que rien ne vienne gâcher la moisson

Lorsque l’heure du midi arriva, tous vinrent me saluer avec bonhommie ce qui me rassura car j’avais crains de gêner : il n’est pas aisé d’être le seul à ne rien faire quand tout le monde travaille dur autour de soi.

Sur le chemin du retour, Nicolas resta un peu en arrière pour nous laisser la possibilité de discuter.

- Renée m’a fait comprendre que vous aviez quelques soucis…

- En vérité, Nicolas, je ne sais pas par quoi commencer ni comment vous dire… Hum… Disons que… je suis en opposition déclarée avec le Recteur et je viens encore d’apprendre quelque chose qui me perturbe… Dites-moi, durant l’épidémie et le grand froid de l’hiver dernier, est-il venu vous visiter ?

- Ma foi, non…

- Avez-vous connaissance qu’il ait rendu visite à quelqu’un ?

- A vrai dire, je ne peux pas vraiment vous répondre, je n’ai rien entendu à ce sujet et puis, vous savez, nous n’avons pas été les plus malheureux donc je suppose que les efforts se sont concentrés sur les villages ou les familles les plus touchés… Puis-je vous demander ce que vous lui reprocher ?

- Comment vous expliquer, soupirai-je… Tout en vérité a commencé par une remarque qui m’a déplu car j’ai cru y voir un manque de ferveur de sa part. J’ai voulu me rassurer au départ en me disant que j’avais mal interprété ses propos cependant, depuis, il y en a eu d’autres… Et puis, il a des comportements étranges qui ne vont pas de pair avec son état de Recteur me semble t’il… Je… Je me suis efforcé de fermer les yeux mais cela n’est plus possible et je ne sais pas quoi faire… Comme il a compris que je m’opposais à lui, il me prive de travail et redistribue à d’autres les messes et sacrements qui m’étaient destinés. Je crains qu’il ne me fasse transférer ailleurs, pour tout vous dire…

Il garda le silence un moment suite à mes révélations puis il dit :

- Je ne savais pas que vos relations n’étaient pas bonnes sinon, je vous aurais dis plutôt : voilà, lors d’un conseil du général de la paroisse, il y a eu une grave altercation entre plusieurs d’entre nous et lui. Cela se passait en plein hiver ; il nous a annoncé qu’il augmentait le casuel pour tous les sacrements. Nous lui avons fait remarquer que le moment était bien mal choisi alors que la population était si éprouvée par la maladie et le froid et que le nombre de sacrements pour décès se multipliait, mais il n’a rien voulu savoir

- C’était mal venu en effet mais heureusement il a tenu compte de vos observations

Nicolas me regarda sans comprendre et me répondit :

- Mais non pas du tout, il a bien augmenté le tarif de tous les sacrements

- Allons, ce n’est pas possible : j’ai réalisé quelques baptêmes et mariages au printemps et j’ai reçu exactement la même chose que d’habitude de la part des familles

- C’est à n’y rien comprendre : j’ai encore entendu quelqu’un s’en plaindre la semaine dernière !

- Bon, le Père Ménard m’a remplacé ce matin pour le mariage de Louis Butault, je vais lui demander à mon retour.

Nous fîmes quelques pas à nouveau en silence, puis Nicolas reprit :

- Quand vous dîtes qu’il manque de ferveur, qu’entendez-vous par là ?

Je pris du temps avant de lui répondre car je ne savais pas comment formuler mes griefs tellement ils étaient graves

- Ecoutez Nicolas, ce que je vais vous dire doit rester strictement entre nous car je n’ai pas de preuves absolues de ce que j’avance, me le promettez-vous ?

- Oui

- A plusieurs reprises, il a tenu devant moi des propos équivoques au sujet du Diable, et je sais qu’il en a fait autant devant d’autres paroissiens. Peu à peu, j’ai commencé à penser qu’il avait des sympathies pour Satan et maintenant je me demande même si cela ne va pas plus loin encore…

Nicolas me regardait avec des yeux agrandis par la gravité de mes paroles et il demanda tout bas :

- « Plus loin », c’est-à-dire ?

- Je crois qu’il lui rend un culte, murmurai-je à mon tour

- Mais qu’est-ce qui vous fait dire tout ça ?

Au point où j’en étais, je finis par tout lui raconter, jusqu’aux paroles de Georges Prodault quelques heures plus tôt.

- Vous voilà devant un bien gros problème en effet… Et c’en est un pour Piré aussi. Mais que faire ?

- C’est bien là tout mon problème, il me faudrait pouvoir le surprendre avec des témoins. Je ne sais pas comment m’y prendre… Je ne peux quand même pas le suivre à chacun de ses déplacements…

- A part au mois de juin où vous supposez qu’il a fait une messe noire, savez-vous s’il y en a eu d’autres ?

- Là encore, je n’ai aucune certitude : j’ai pensé que l’inconnu assassiné qu’on a retrouvé en avril avait peut-être vu le Recteur en faire une et c’est pourquoi on lui aurait tranché la gorge ; auquel cas, cela en situerait une courant mars mais à quelle date exactement ? Aucune idée ? Est-ce qu’entre les 2, il y a eu une autre cérémonie ? Aucune idée non plus !

- Y a-t-il quelque chose dans le comportement du Père Hubert qui pourrait vous alerter sur l’imminence d’une messe ?

- Non, non, je ne vois pas…

- Il pourrait par exemple être plus fébrile, plus énervé ou encore plus taciturne…

- Non, non, je n’ai rien remarqué jusqu’à présent… quoique, enfin ce n’est peut-être rien mais lors de l’incendie de l’église, il avait comme un regard fiévreux et je lui avais déjà vu ce regard en pleine épidémie : j’avais pensé alors un moment qu’il était malade mais le lendemain il m’était apparu tout à fait en forme… Et si je me souviens bien, il était sorti tard le soir ; je l’avais suivi jusqu’à l’église où je m’étais arrêté pendant qu’il empruntait la route de Boistrudan…

- Cette même direction où Robert Houillé l’a aperçu rentré en pleine nuit en juin…

- Oui

- Vous rappelez-vous quand était-ce ?

- Cela devait être vers la fin novembre, je crois. Mais je pourrai retrouver facilement car je me souviens qu’il avait enregistré par erreur un acte de naissance dans le livre des décès : il me suffit de consulter le registre pour retrouver la date si besoin est…

Pendant que je répondais ainsi à Nicolas, mon cerveau travaillait à vive allure et des détails oubliés refaisaient surface : l’écriture du Père Hubert sur cet acte par exemple m’avait surpris tellement elle était nerveuse, fébrile. Je me rappelais aussi qu’il s’agissait de la naissance de jumeaux. Avec les doutes mis au jour concernant les bébés de Georgette, la relation entre cette écriture méconnaissable, limite excitée, et ces jumeaux m’interpellait : il serait intéressant sans doute de savoir s’ils étaient toujours en vie…

- Si ces suppositions sont bonnes, il pourrait y avoir eu une messe fin novembre, courant mars et mi-juin, donc environ tous les 3 à 4 mois : ce qui veut dire qu’à partir de septembre, il faudra avoir l’œil

- Espérons que je sois encore là à ce moment-là, fis-je morose

Nicolas me donna une tape amicale dans le dos et s’exclama :

- Je suis sûr que oui ! Même s’il demande votre mutation, il faut qu’il la justifie et que ses griefs soient jugés plausibles ; ensuite, il faut trouver un remplaçant et pour vous une paroisse qui vous accueille : cela prend forcément un peu de temps.

Comme sur ces paroles rassurantes, nous arrivions chez eux, nous arrêtâmes d’en parler.

Après le repas, je les remerciai et les quittai, bien décidé à consulter le registre des décès pour retrouver l’acte de naissances des jumeaux et déterminer ainsi avec précision la date à laquelle avait pu avoir lieu une messe en fin d’année dernière.

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