Chapitre 3
Lorsque la lumière s'éteignit, un lourd silence envahit la pièce. Les ombres, qui s'étaient tendues comme des chaînes, se dissipèrent lentement, semblant se fondre dans les murs du manoir, comme si elles avaient toujours été là, et qu’Éloïse avait été la clé pour les relâcher.
Mais la lumière qu'elle avait invoquée n'était pas celle de la liberté. Elle était le dernier acte d'un sacrifice. Le manoir tremblait sous l’effet de la rupture du pacte. La structure elle-même semblait se plier, comme un animal blessé cherchant à se libérer.
Léo et Jules, les yeux fixés sur l'endroit où leur sœur avait disparu, restaient immobiles, incapables de croire ce qui venait de se produire. Éloïse avait disparu. Elle s’était sacrifiée pour briser la malédiction, mais à quel prix ? Son corps n’était plus là, mais son esprit, sa lumière, semblait avoir laissé une empreinte, un souffle d’espoir dans l’air lourd du manoir.
"Éloïse..." murmura Léo, la voix tremblante. Il se tourna vers son frère, les yeux remplis de douleur. "Elle est partie, Jules. Elle nous a sauvés... mais à quel prix ?"
Jules, les yeux remplis de larmes, hocha la tête, son petit cœur brisé. "Elle ne voulait pas qu’on meurt... mais elle nous a laissés..."
Léo serra son frère dans ses bras, le réconfortant du mieux qu’il pouvait. "On doit partir. On doit partir d’ici avant qu'il soit trop tard."
Mais quelque chose d’inattendu se produisit. Alors qu'ils s'apprêtaient à quitter la pièce, une voix douce, familière, s’éleva du fond de la salle. "Léo... Jules..."
Ils se figèrent tous deux. La voix était faible, mais remplie d’une tendresse indescriptible. C’était Éloïse. Mais... c’était impossible. Elle n’était plus là.
"Éloïse ?!" Léo cria, sa voix pleine d'espoir.
La lumière s’intensifia soudainement, et une silhouette douce, presque éthérée, apparut au centre de la salle. C’était bien Éloïse, mais elle n’était plus tout à fait humaine. Son corps semblait scintiller, comme une brume légère, et ses yeux brillaient d’une lueur surnaturelle.
"Vous devez partir, vite. Le manoir est en train de se fermer autour de vous," dit-elle, d’une voix calme mais urgente.
Léo et Jules se précipitèrent vers elle. "Mais… tu es là… tu es vivante !" cria Jules, les larmes roulant sur ses joues.
"Non, mon petit frère," répondit-elle, en s’approchant lentement. "Je ne suis plus vivante. Mais mon esprit est libre. Grâce à mon sacrifice, j’ai libéré les âmes prisonnières du manoir… y compris moi. Mais il y a encore du travail à faire. Vous devez fuir, avant qu’il ne soit trop tard."
Léo se sentit déchiré. Sa sœur était là, mais elle n’était plus celle qu’il avait connue. Il la regarda, les yeux remplis de questions. "Pourquoi ? Pourquoi nous avoir laissés ?"
"Parce que c'était la seule façon de briser la malédiction," expliqua Éloïse, une lueur de sérénité dans ses yeux. "Je savais que vous survivriez si je le faisais. Vous êtes plus forts que vous ne le croyez. Mais la maison… elle a encore soif. Elle voudra reprendre ce qu’elle a perdu."
"Que devons-nous faire ?" demanda Léo, la voix étranglée par la douleur.
"Quittez cet endroit. Vous devez partir avant que le manoir ne vous fasse une nouvelle offrande." Un sourire triste se dessina sur ses lèvres translucides. "Vivez pour moi. Faites en sorte que mon sacrifice ait un sens."
Les ombres autour d’eux se mirent à bouger, comme si elles voulaient reprendre possession de l’espace. La terreur monta dans leur poitrine alors qu’une nouvelle vibration résonnait à travers le sol du manoir. Le temps pressait.
"Allez ! Vite ! Ne vous retournez pas !"
Le sol trembla à nouveau, plus violemment cette fois. Une fissure apparut dans le plafond, et des morceaux de pierres se détachèrent, tombant autour d’eux. Le manoir, plus que jamais, semblait être en train de se consumer dans une colère sans fin.
Éloïse se tourna une dernière fois vers ses frères, son visage désormais marqué par la sagesse de ceux qui ont sacrifié leur âme pour une cause plus grande. "Venez… partez maintenant !" Elle leva la main, une lueur d’énergie brillante l’entoura. "Souvenez-vous de ce que j’ai fait… et vivez."
Sans un mot de plus, Léo et Jules se précipitèrent dans le couloir étroit, fuyant la pièce, fuyant la maison qui se refermait sur eux comme une bête furieuse. Les murs vibraient, les portes se fermaient, les fenêtres se brisaient dans des éclats de verre.
Ils couraient, sans se retourner, les battements de leurs cœurs résonnant dans leurs oreilles. Les ombres les suivaient, se tordant autour de leurs jambes, mais ils n’osèrent pas ralentir. Ils atteignirent finalement la porte principale du manoir, juste au moment où une explosion de lumière éclata derrière eux.
La porte s’ouvrit sur la nuit noire, l’air froid leur frappant le visage comme un baume sur leur peau enflammée. Ils n’avaient pas le temps de réfléchir, pas le temps de comprendre. Ils s’élancèrent dehors, trébuchant sur les pierres du chemin menant au manoir.
Derrière eux, un hurlement déchirant s’éleva, mais ils n’osèrent pas se retourner. Ils couraient encore, encore, jusqu’à ce que le manoir disparaisse dans l’obscurité. Leurs jambes étaient lourdes, mais ils ne s’arrêtaient pas. Ils n’avaient pas encore le temps de pleurer, de se reposer.
Ce n’était que lorsqu’ils atteignirent le bord de la forêt que Léo s’arrêta enfin, haletant. Il se tourna vers Jules, ses yeux brillant d’une nouvelle détermination.
"Nous avons survécu," dit-il, la voix faible mais pleine de soulagement. "Nous sommes libres."
Mais quelque part, dans les profondeurs du manoir, une silhouette se tenait encore, son visage perdu dans les ombres. La malédiction n’était peut-être pas totalement brisée. Mais les orphelins avaient survécu. Et Éloïse, bien que partie, resterait à jamais dans leur cœur, l’héroïne silencieuse de leur histoire.
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