Tuk-Tuk (chap2)

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- Arsiho oys ! (Réveillez-vous !) Arsihok oys !

On le secoua. Lorsqu’il ouvrit les yeux, il découvrit un homme portant uniforme blanc crème et un flingue à la ceinture. Un policier sûrement. Derrière lui se trouvait un père et, dans ses bras, un enfant en pleur. Ils l’avaient trouvé en train de pioncer devant leur cave et le père avait appelé les flics.

- Ouai je sais, je suis désolé, excusez-moi de vous avoir fait peur.

Ça servait à rien, ils pigeaient pas un mot ce qu’il racontait.

- Ai oys yasso welbark (je vous demande de vous lever), reprit le policier, la main sur la crosse.

- Je comprends pas, je parle pas la langue. Do you speak english ? tenta-t-il.

- Yes, speak anglesh. Me, policheman.

- Ok, me, visa, dit-il en cherchant ce foutu papier dans sa veste. Ah le voilà, visa.

Le policier prit le papier, le parcouru des yeux tout en le regardant avec méfiance puis le pris par le bras pour le relever.

- Get ut !

- Je suis désolé de vous avoir importuné vous et votre fils, dit-il en remontant les escaliers.

Le flic avait été sympa. Il avait eu de la chance. Certains de ses camarades avaient été reconduis à la frontière pour moins que ça. Et malgré le visa.

Le soleil lui claqua le visage. Il n’avait toujours pas mangé et la soif lui asséchait la bouche. Le flic était reparti dans sa grosse voiture, gyrophares allumés. Il regarda autour de lui. La rue était moins bondée que la veille mais toujours pas de blanc à l’horizon. Fais chier. Où étaient leurs locaux ? il n’avait aucun moyen de se repérer. Les noms des rues étaient incompréhensibles et, parfois, elles n’en portaient pas. Demander de l’aide. Près d’un magasin de lunettes, il remarqua un couple de jeunes. Ils portaient des t-shirt peace and love. Des humanistes. Parfait.

- Excuse me, where is DRO ? tenta-il.

- Soy gaheri fa (nous n’avons rien), répondit l’homme alors que la femme le regardait d’un air désolé.

- DRO, where ?

- Soy gaheri fa, ai kihrto tche (nous n’avons rien, je te dis).

- Ok, désolé, reprit-il en repartant.

Des humanistes mais pas des faiseurs. Il avait été comme eux quand tout allait encore bien en France. Les Tuk-Tuk. C’est bien sûr. Eux, ils devaient savoir. Il fit demi-tour et prit à gauche pour tomber sur une route. Une dizaine attendaient des clients invisibles. Il traversa la rivière de goudron brulante à cette heure matinale et en accosta un.

- DRO, where ?

- Five erzi.

- Five erzi ?

- Yes five erzi, dit le chauffeur en montrant un billet rose.

- Ok.

Il les essaya tous mais à chaque fois c’était la même réponse. Five erzi. Il détestait faire la manche. Sa première fois avait été pour s’acheter du papier et un crayon. C’était à Vérone. Il venait alors de traverser l’Allemagne par Munich. Comme la plupart d’entre nous, il avait vécu dans une société ou des sdf tendaient la main à la sortie des surmarchés, à l’intersection de rues passantes, au bord des routes devant un feu tricolore, etc. Il les avait croisés sans jamais rien leur donner. Même pas un centime. Rien. Juste un bonjour et un sourire. Mais entre voir, savoir et avoir, il y avait deux mondes. Surtout quand la rue s’impose à nous. Comme c’était le cas pour la plupart des sdf. Et son ventre qui se tiraillait.

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