Hedrasta (chap7)

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Ils avaient fini tard avec Finah et la nuit avait été compliquée. Dormir sur un banc en bois en plein milieu de barres de bétons armées où des lascars surveillaient les entrées et les sorties, où les scooteurs faisaient crisser leurs moteurs crasseux, où les drogués et les autres bourrés braillaient, sans parler de ce cauchemar qu’il avait fait : sur un rafiot de fortune, en plein milieu d’une tempête où les nuages sombres engloutissaient les navires et les vagues zébraient le ciel d’éclairs, il tendait la main à une gamine qui s’étouffait dans l'écume des jours. Elle criait de ces cris inhumains qu’on aimerait ne jamais entendre. Et lui qui faisait tout pour stabiliser le navire. Leurs doigts, dans une valse incessante, se touchaient pour mieux se séparer au rythme des courants fluctuants. Et toujours ces cris horribles, presque irascibles. Et, d’un coup, la main de la gamine prit la sienne mais pour mieux l’amener avec elle, au plus profond de cette eau devenue mélasse de miasmes collantes, gluantes, pétrifiant ses poumons au fûr et à mesure qu’ils s’enfonçaient dans l’obscurité.

- Votre visa expirera dans deux jours. Le temps de faire une nouvelle demande, qu’elle soit validée par la pref et que vous en receviez un nouveau est inestimable. Autant vous prévenir tout de suite, vous risquez d’y retourner si la police vous arrête.

Finah était cernée. Petite nuit aussi.

- Vous comprenez ce que je vous dis ?

Oui, il comprenait. Il comprenait très bien même. L’administration. La même pour laquelle il avait travaillé, cette administration absurde allait le remettre à la rue, sans papiers.

- On y va, répondit-il.

Sur ces mots, elle alluma l’ordinateur et alla sur un site gouvernemental.

- Comme vous n’avez plus de papiers d’identité, ça va mettre beaucoup de temps.

- J’ai plus rien à perdre.

Elle lui expliqua qu’ils allaient lui créer un compte dans lequel ils pourront retrouver le dossier de demande de visa et son avancement. Les feuilles à remplir avaient été remplacées par des questionnaires que Finah remplissait pour lui. Mais un besoin de comprendre, d’avoir la main sur son destin peut-être aussi, le poussait à poser cette question : qu’est-ce que ça veut dire ? il fallait qu’il apprenne ce charabiât, qu’il est des points de repères dans ce désert, alors il enregistra les mots qui se répétaient. Elhassoui, informations ; Drassjera, situation ; Maerso, séjour ; Hedrasta, demande ; Lyofto, voyage ; Sura, date ; Kmird, projet ; ghirso, motif ; Ran, nom ; Fraran, prénom ; Finahsra, naissance, etc.

- Pour ce qui est de vos coordonnées, on va mettre celles de l’asso. C’est d’accord ?

- Oui.

Il n’avait pas le choix de toute façon.

- Vous travailliez dans quel domaine déjà ?

- La gestion de projet dans la fonction publique.

- Très bien.

Après deux heures, elle lui imprima le papier récapitulatif de la demande.

- Gardez là avec vous au cas où vous vous faites arrêter. Ça vous aidera.

- Et maintenant ?

- Maintenant on ne peut pas vous garder ici. Nous, on ne s’occupe que de l’administration. Donc revenez nous voir régulièrement au cas où le dossier avance.

- Merci pour tout ça, répondit-il. Est-ce que vous connaissez un endroit où je pourrais dormir et rencontrer d’autres gens ?

- Oui, tenez, lui répondit-elle en lui tendant un prospectus traduit. C’est à une demie heure d'ici en Tuk-Tuk, ils sont très bien.

Qui dit Tuk-Tuk, dit manche. Encore.

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