Lhouka (chap9)

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Edgard les guidait dans ce dédale de ruelles plus étroites les unes que les autres, les emmenant vers son arche. Des poubelles béantes grouillaient des rats et autres blattes suantes de jus sombre. Elle s’appelait Lhouka, lui traduisait Edgar. Elle et son amoureux, Dsark, étaient partis de Knojwel, une ville, anciennement appelée Cadaado, à neuf cent kilomètres au nord, avec le peu qu’ils possédaient. Grimpant dans les trains de marchandises, se tapant l’incruste dans des camions transporteurs ou faisant du stop sur les pistes, ils vagabondaient de villes en villages. Tout le monde lui avait dit que c’était une connerie de le suivre. D’autant qu’il était recherché par la police. Sur ce point, il n’osa pas lui en demander d’avantage. L’amour rend aveugle, continua-t-elle, mais surtout, il rend sourd. Elle aurait dû les écouter. Mais bon, à vingt ans, on est jeune et con et croit encore à l’amour. Fille d’alcooliques, elle est très vite devenue une gamine de FST, leurs DDASS à eux avait précisé le vieux. Maintenant qu’il ne lui restait plus rien, elle pensait retourner à Knojwel.

- Sorry but here we are, lança la voix rocailleuse d’Edgard.

C’était un pont à moitié effondré reliant ce qui devait être une voie rapide et le centre-ville. Sous les arches, une trentaine de tentes collées les unes contre les autres respiraient aux grés des feux de camps orangés. Regroupés autour des flammes, des corps rachitiques, fumant, buvant, se parlant à eux-mêmes. Ça lui rappelait les images de la jungle de Calais mais surtout les bidonvilles italiens, libyens, soudanais. Tous hors la lois mais tolérés jusqu’au jour où la flicaille, voire des milices privées, débarque, matraque, déchire, brûle. Il s’arrêta devant une tente grise bleu et en ouvrit la fermeture éclair.

- Voici ma demeure. Je n’ai qu’une place à offrir. Lhouka, I know a woman who is agree to welcome you.

Il dépassa trois baraques faites de briques et de broques et secoua une tente bordeaux.

- Germaine, t’es là ?

- Oh ! c’est quoi ce bordel ? tirez-vous, je suis en règle et j’ai pas de fric.

- Germaine, c’est Dgard.

- Ah ! c’est toi ! on dézippa la tente de l’intérieur et une tête brune, ébouriffée et refrognée émergea. Qu’est-ce que tu deviens ?

- T’as de la place chez toi ?

- Pour toi ? Jamais ! vieux degueulasse va, lui rit-elle au nez.

- Ça m’étonne pas de toi, vieille peau. Tu vois la donzelle là-bas ? son mec vient de se faire coffrer. Elle est clean.

- Je vois. C’est ok mais je prends ton livre comme caution.

Le vieux prit un temps de réflexion. Est-ce qu’elle en valait le coup ? Un bouquin était une mine d’or contre l’ennuie, le pire ennemi des clochards. Son silence se brisa lorsqu’il lui tendit son Fante.

- Parfait ! je savais qu’on pouvait faire affaire, vieille canaille.

La rabougrie sorti de son trou et vint à leur rencontre. Ils s’assirent devant un feu et elle se présenta. Germaine, soixante-cinq ans, depuis six ans dans ce pays de malheur, sdf et fière de l’être, et, le plus importante, la meilleure aux cartes, quelque soit le jeu. Edgard rapporta des bières et ils trinquèrent en l’honneur du prisonnier.

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