2 décembre, Chloé.

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A.R

Retrouver les bras de mon père, resserrer l'étreinte pour ne pas perdre pied me permet le temps d'une soirée de m'endormir paisiblement. À l'abri dans ce coin douillet, je réussis à me déconnecter. Dans la petite chambre sous les toits, je redeviens sa petite fille casse-cou. Le jour, le médecin généraliste prenait soin de ses patients, le reste du temps il soignait mes bobos. Dans la cour de récréation, seuls les jeux des garçons me captivaient. Combien de fois suis-je revenue avec les genoux écorchés ? Pendant les vacances, je grimpais dans les arbres, je courais pied nu dans les champs ou nageais dans la rivière. Libre comme l’air, fougueuse, j'étais son petit chien fou comme il aimait m'appeler.

Quand mes copines se vantaient de dévaliser les boutiques avec leur mère, je me contentais de leur dire que la mienne avait dû se perdre au rayon bagage, envolé depuis bien longtemps. Je n’ai jamais demandé les raisons de son départ, la seule chose qui me rassurait était de savoir que mon père ne m'avait pas abandonné. À chaque étape de ma vie, il m’aidait à devenir une adolescente fière et courageuse.

Ce soir, assise devant la cheminée, les doigts, raidis par l’arthrose, démêlent mes mèches. Ce rituel entre nous est un petit rien réconfortant que j’apprécie retrouver. Avec patience, mon père défait chaque nœud et fait sauter les cadenas que je ferme à clé quand ma vie m'échappe. Il fut le premier à essuyer mes larmes et encore dans cette nuit de fin novembre, il me tend le mouchoir qui récoltera les perles de mon désespoir.

  • Un chocolat chaud, ma princesse ? me demande-t-il en se dirigeant vers la kitchenette.
  • Comment papa pourrais-je refuser ton élixir miracle ?
  • Tu pars quand ?
  • Après-demain, Paul ne m’a pas laissé le choix. Il ne veut plus que je traîne dans ses pattes le temps de me faire oublier.
  • Et tu vas suivre son conseil ?

La dernière question est la goutte qui fait déborder le vase. Répondre non, ce serait mentir. L’envie d'en savoir plus brûle ses lèvres, pourtant le silence s’installe. Je n'ai pas besoin de parler, juste écouter le rythme de ses battements de cœur. Profitant de cette bulle de douceur, ma tête se blottit au creux de son épaule. Les flammes dans l'âtre dansent, je les observe s'étirer en fines volutes avant de m'assoupir.

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