23 Décembre, Chloé seule contre les éléments, les autres.
A.R
Dans la tourmente, j’avance à pas de fourmis et remonte la pente avec une patience infinie. Avant tout, ne pas me perdre dans la toundra finlandaise, le conte se terminerait ici. Le vent rugit dans la nuit, plus fort, plus colérique. Il secoue la voiture, malmène mon voyage, teste mon courage. Mes mains rivées sur le volant, je résiste à ses accès de rage pour ne pas terminer ma course dans le fossé. Rien, pas même la tornade ne me détournera de mon objectif. Si je termine en rade sur le bas-côté, je finirai à pied encore plus déterminée. Je puise ma force dans notre amour, ce sentiment endormi surgit tel des bulles de champagne. Dans la campagne lapone, je me sens pousser des ailes. Le trajet est chaotique mais la quête est si belle.
**
- William, rentre, c'est de la folie de rester dehors par ce temps, hurle Augustin sur le ponton de la maison.
Depuis plus d’une demi-heure, le jeune inspecteur ne relâche pas ses efforts. Il a promis à Marie Noëlle mère de dégager la route pour faciliter la vie aux lutins qui font des va-et-vient pour charger le traîneau dans le hangar du haut. La tâche est ardue, une accalmie serait la bienvenue. La neige tapisse le sol d'un manteau épais, grâce au travail de William, un couloir d'accès est tracé sous les acclamations des travailleurs appréciant cette aide précieuse avec bonheur. Le plus ancien se porte à sa hauteur pour le remercier.
- Mon gars, si tu en as assez de ton boulot, si tu ne veux plus courir après les salauds, alors sache que tu seras le bienvenu dans la compagnie.
**
La voiture fait une première embardée, la dernière bourrasque m’a bien secouée. Par miracle, je réussis à maintenir le cap. Cap ou pas cape, voilà un jeu de récréation que je détestais, il était la source de tant d’excès. À l'époque, l'inconscient Lupin en avait fait les frais, une sacré idée de plonger dans l'étang glacé. Le projet est encore plus stupide quand on a oublié que l’on ne sait pas nager. Ce jour-là, du haut de mes dix ans, j'ai plongé à mon tour, sans réfléchir. Hors de question d’abandonner à son sort ce crétin sous les hourras des copains. Le lendemain, nous étions tous les deux au lit avec une pneumopathie. Mon père avait eu la peur de sa vie.
**
- William, c'est bon tu as gagné, file-moi une pelle pour que je puisse t’aider, lance Augustin emmitouflé dans sa doudoune rouge et blanche prêtée pour l'occasion par Marie Noëlle mère.
Côte à côte, le médecin et son patient œuvrent à dégager les abords. Peu à peu arrivent les renforts, Gustave, Alphonse, Arthur et Philibert se pointent à avec tout le matériel nécessaire. La fine équipe s'active dans les courants d'air tout en chantant. Chacun va de son refrain, avec entrain ils avancent à la vitesse de Buzz l'éclair. Solidaire, rien ne leur résiste, même pas la neige qui persiste. La piste est enfin dégagée et le traîneau est chargé. Tout est prêt pour le grand soir.
**
Au cœur de la nuit polaire, le ciel s’éclaircit, un mystère. Dans l’horizon, une lueur bleutée s’étire. En toile de fond s'esquisse les prémices d'une aurore boréale. Les rayons flamboyants rose orangé dessinent de voluptueuses arabesques. Le spectacle est somptueux, le rendu merveilleux. Je ressens la magie du moment dans cette espace déserté par l’homme. Je me sens une privilégiée dans cet univers de toute beauté. Le froid mordant ne retire en rien mon enthousiasme débordant. Le vent glacial ne me ralentit pas, il stimule l'énergie qui grandit au plus profond de mon âme. Je suis redevenu le temps d’un soupir, cet enfant qui descendait à pas feutrés les escaliers, sans un bruit pour ne pas effrayer le charmant vieux monsieur avec sa longue barbe blanche. Je l’ai surpris cette nuit-là, il était assis au pied de notre sapin, sirotait son lait à la cannelle. Il m’a sourit puis s’est évanoui dans la nuit tel un songe. Mon père m'a dit que j'avais rêvé aujourd'hui je sais.
**
- Voilà c’est fini, lance William ravi, tapant dans les mains des autres apprentis.
- Oui mon grand, nous avons réussi, juste à temps, acquiesce Augustin, heureux de leur prouesse.
- Tu penses que je pourrais demander à Alvar de prendre place à ses côtés pour me rendre auprès de Chloé, murmure-t-il en rougissant.
- Je crois en la magie de Noël depuis que ma fille est née, alors pourquoi pas qui sait.
Annotations
Versions