Chapitre 1 : Comment J'ai Fini Par Enfreindre les Règles du Paradis (Encore)

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OK, alors si on vous dit un jour que le Royaume des Anges est parfait et que rien ne s'y passe jamais mal, vous pouvez immédiatement lever les yeux au ciel. Vous pouvez également ajouter que c'est complètement faux, parce que je suis la preuve vivante que même là-haut, les choses peuvent très rapidement partir en cacahuètes. Et croyez-moi, quand ça dérape chez nous, ça ne se limite pas à une petite dispute pour savoir qui doit faire la vaisselle céleste.

Moi, c’est Cédriciel. Ce nom vous évoque peut-être des images d’un ange puissant et majestueux, flottant au-dessus des nuages, distribuant des bénédictions à droite et à gauche, tout en souriant comme une publicité pour les dentifrices. Désolé de vous décevoir, mais mon quotidien ressemble plutôt à… disons… la paperasse céleste, les petits conflits de voisinage entre anges, et beaucoup trop de responsabilités que je n’ai jamais demandées.

C’est donc en me débattant avec un tas de parchemins rédigés dans une langue ancienne (que je ne comprends qu’à moitié) que tout a commencé à aller encore plus mal que d’habitude. Je savais que quelque chose clochait avant même que les trompettes ne retentissent — vous savez, celles qui annoncent généralement une grande catastrophe. Comme si une alarme céleste n’était pas suffisante pour vous mettre en garde.

Je me trouvais dans une bibliothèque angélique, où des piles de manuscrits s'empilaient autour de moi. Le silence y était si pesant qu’on aurait cru que chaque page feuilletée était un cri dans le vide. Tout à coup, j’ai senti une drôle de sensation au creux de l'estomac, le genre qui vous dit qu’une tempête approche. Je ne parle pas d'une petite pluie, non. Je parle de celles où tout déraille — éclairs, tonnerre, le genre de catastrophe qui peut ravager des mondes entiers.

Et comme si ça ne suffisait pas, une sensation bizarre, une sorte de pression dans ma tête, m'a envahi. Je sentais que quelque chose s’éveillait, pas dans le bon sens du terme. C'était comme si une partie de moi-même, que j'avais oubliée, tentait de refaire surface à coups de marteau.

C'est là qu'un messager angélique est apparu, un peu trop essoufflé à mon goût pour un être censé être en pleine forme divine. Il portait une toge en désordre et son halo, normalement étincelant, vacillait dangereusement. Autant dire que les choses ne sentaient pas bon.

— « Cédriciel, le Conseil te demande immédiatement ! », cria-t-il presque, sans même essayer de calmer son souffle. Ses ailes battaient frénétiquement, comme s'il avait traversé tout le royaume à une vitesse vertigineuse.

— « Le Conseil ? » J'ai levé un sourcil en reposant mon parchemin. « Pourquoi est-ce que je sens que ça ne va pas être une bonne nouvelle ? »

Il n'a même pas pris la peine de répondre. Juste un regard paniqué et, en un battement d'ailes, il était déjà reparti. Super. Encore un conseil d'urgence où je serais probablement accusé d'avoir fait quelque chose de travers. La dernière fois que j'avais été convoqué, c’était parce que j’avais accidentellement éteint une étoile en pratiquant mes pouvoirs dans une zone restreinte. Longue histoire.

Je n'avais pas vraiment envie de m'y rendre, mais en même temps, refuser une convocation du Conseil des Anciens, c’est à peu près aussi sage que de sauter d'une falaise en espérant que vos ailes vont se déployer par magie. Alors, me voilà, traînant des pieds en direction de l'aile la plus sacrée du Royaume.



Les portes en or massif du Sanctuaire des Anciens se sont ouvertes dans un fracas assourdissant, comme si elles attendaient de s'écrouler sur moi. Génial, exactement l'accueil que j'espérais. À l'intérieur, tous les regards angéliques se sont tournés vers moi. Il y avait une vingtaine d'anges, tous plus lumineux et imposants les uns que les autres. Leur lumière blanche était presque aveuglante, mais ce n’était rien comparé à la gravité de leurs expressions. L’ambiance était tellement tendue que même l’air semblait vibrer.

Au centre de la salle, sur un piédestal flottant, se tenait l'Ancien Kalanor, un ange dont l'âge était si avancé que sa lumière ressemblait plus à celle d'une bougie vacillante qu'à une torche éclatante. C’est lui qui a pris la parole en premier, sa voix résonnant dans tout le sanctuaire avec un écho profond.

— « Cédriciel, il est temps que tu connaisses la vérité. »

La vérité ? Ça sonnait plus comme le début d'une série Netflix catastrophique que comme une conversation amicale.

— « Quelle vérité ? » J’ai demandé, un peu trop nerveusement pour un ange censé rester stoïque en toutes circonstances.

Kalanor m’a observé un long moment, comme s'il pesait chacune de mes cellules célestes.

— « Tu as été choisi pour une mission bien plus grande que ce que tu ne pourrais imaginer. »

Super. Encore une de ces prophéties où tout repose sur mes épaules. J’étais déjà fatigué à l’idée. Mais ce n’était pas tout.

— « La Prophétie de l'Aube des Mondes Entrelacés est en train de se réaliser. Les mondes, autrefois séparés par des barrières invisibles, commencent à fusionner. Bientôt, ce qui est céleste et ce qui est mortel ne feront plus qu’un. »

D'accord, ça sonnait encore pire que ce que j'avais imaginé. Je savais que le Royaume des Anges n’était pas censé s'entremêler avec les mondes mortels. Ce n’était pas juste une règle, c'était la loi divine, gravée dans les étoiles, immuable. Enfin, c'est ce que je pensais jusqu'à maintenant.

— « Et alors ? » ai-je demandé, tentant de garder une voix posée. « Pourquoi moi ? »

C’est là que Kalanor a baissé les yeux. « Parce que tu fais partie des deux mondes. Tu l’ignores encore, mais tu n’es pas uniquement un ange. »

Je crois que j’ai dû cligner des yeux plusieurs fois. Je n’étais pas… un ange ? Excusez-moi, mais mes ailes et mon aura divine disaient le contraire.

— « Ton passé t’a été caché, pour te protéger. Mais l’heure est venue de tout découvrir. Tu es né entre deux mondes, Cédriciel. Et seule ta véritable nature te permettra de sauver l’équilibre. »

D’accord, pause. J’étais censé digérer tout ça ? Moi, pas totalement un ange ? Né entre deux mondes ? Le seul à pouvoir sauver l’univers entier ? Autant vous dire que ce n’était pas vraiment dans mes plans. Je me sentais comme ce gars qui pensait venir pour un contrôle de routine et qui se retrouve soudainement à devoir piloter une fusée en direction d’une supernova.

Kalanor a continué, sans me laisser le temps de tout assimiler :

— « Le Royaume des Anges est en danger. Mais il n’est pas le seul. Les mondes mortels ressentent également les premiers effets de la rupture des frontières. Nous avons perçu l’émergence de forces anciennes, des créatures oubliées, et des héros dont les destins sont liés au tien. Tu dois les retrouver. Ils sont les seuls à pouvoir t’aider. »

C’est à ce moment précis que j’ai réalisé que mon existence entière, jusque-là relativement simple, allait devenir un gigantesque chaos. Retrouver des héros mortels, sauver les mondes, éviter la fusion de dimensions ? J’avais à peine le temps de digérer ce que je venais d’apprendre.

— « Et si je refuse ? » ai-je demandé, même si je connaissais déjà la réponse.

Kalanor a levé les yeux vers moi, son regard brûlant de cette gravité ancienne qui vous fait vous sentir minuscule.

— « Ce n’est pas une question de choix, Cédriciel. C’est ton destin. »

Mon destin. Cette phrase résonnait encore dans ma tête alors que je me retrouvais, à peine quelques heures plus tard, à quitter le Royaume des Anges pour une mission dont je ne comprenais même pas la portée. Je ne savais qu'une chose : rien ne serait plus jamais comme avant.

Le passage entre les dimensions est une chose assez étrange, même pour un ange. Vous pourriez penser qu'il s'agit de voler à travers un tunnel de lumière blanche et dorée, en se sentant tout puissant et divin. Non. C'est plus comme être aspiré par un aspirateur géant, incapable de contrôler votre trajectoire, tout en priant pour ne pas finir comme un tas de poussière cosmique.

Alors que je plongeais dans cet étrange vortex, tout autour de moi se tordait, comme si l’espace lui-même jouait au ruban élastique. Les couleurs des étoiles éclataient en milliers de nuances que même les poètes célestes ne pourraient décrire. Mais pour être honnête, c’était surtout désorientant. J’ai eu l’impression que mon cerveau se faisait remixer par un DJ cosmique un peu trop zélé.

Une seconde plus tard – ou peut-être était-ce une éternité – mes pieds ont heurté le sol. D’accord, j’avais atterri. Ou plutôt, je m’étais écrasé. Mes ailes étaient en vrac, mes pensées en désordre, et j’avais cette impression que le sol m’avait frappé plus fort que je ne l’aurais voulu.

Je me redressai, un peu étourdi, et jetai un coup d’œil autour de moi. Où étais-je ?

Un immense paysage de montagnes rocheuses s’étendait à perte de vue. Le vent hurlait à travers les vallées, transportant avec lui des nuages lourds de tempêtes à venir. Pas exactement un endroit chaleureux pour un pique-nique, mais ça, c'était probablement le cadet de mes soucis.

C’était la Terre, enfin… plus ou moins. Une version d’elle, en tout cas. Les mondes entrelacés signifiaient que les frontières entre les dimensions avaient commencé à s’effondrer, et cet endroit ressemblait à un mauvais mélange entre le monde humain et celui des royaumes surnaturels. Les montagnes semblaient trop hautes, le ciel trop sombre, et l’air… l’air vibrait de magie ancienne, une énergie brute qui vous faisait frissonner jusqu’aux os.

— « Bien joué, Cédriciel. Voilà comment tu commences ta mission de sauvetage interdimensionnel... en te plantant sur un rocher au milieu de nulle part. » Je soupirai en essayant de secouer la poussière de mes ailes.

C’est là que j’ai senti quelque chose. Vous savez, cette sensation étrange qu’on vous observe ? Un frisson me parcourut l’échine. J'avais l’impression d’être une proie dans un territoire inconnu. Super rassurant.

Je fis un tour sur moi-même, scrutant les ombres qui se découpaient entre les montagnes. Et c’est alors que je l’ai vu.

Une silhouette se dessinait au sommet d'une crête rocheuse à quelques mètres de là. Il était difficile de voir de quoi il s'agissait exactement, mais c’était grand. Très grand. Et si les éclairs qui illuminaient le ciel derrière lui étaient une indication, ça n’annonçait rien de bon.

— « Très bien. Qui que tu sois, montre-toi ! » criai-je, tentant de donner à ma voix une assurance que je ne ressentais pas vraiment.

La créature descendit lentement du rocher, chaque pas faisant vibrer le sol. Et lorsque les nuages se dissipèrent un instant, je pus enfin la distinguer clairement.

Un géant.

Mais pas juste un géant. Ce n’était pas l'un de ces colosses bêtes et méchants qui habitent les contes de fées. Non, celui-ci avait l’air… intelligent. Trop intelligent, avec ses yeux rouges brillants et une armure gravée de runes anciennes. Il portait une épée aussi grande qu’un arbre, dont la lame scintillait d'une étrange lumière noire. Un ange peut être impressionné par beaucoup de choses, mais une épée émettant de la lumière noire ? Ça, c’était un vrai problème.

— « L’élu. » Sa voix grondait comme un tonnerre. « J’espérais te trouver ici. »

Super. Un autre qui parlait de cette fichue prophétie. Comme si je ne pouvais pas avoir une minute de répit avant d’être impliqué dans des batailles épiques.

— « Oh, tu es en avance ? Je n’ai même pas eu le temps de me préparer pour notre duel ! » répliquai-je, tout en cherchant un plan d'évasion rapide. Mes ailes n’étaient pas encore en état de voler, et l’idée de me battre contre un géant équipé d’une épée démoniaque ne figurait pas dans mes objectifs de la journée.

Il s’approcha encore, et cette fois, je pouvais sentir la pression de sa présence, comme une montagne qui marchait vers moi. Chaque pas qu’il faisait semblait creuser des fissures dans le sol.

— « L’aube des mondes commence. Et avec elle, la chute des anges. » Il brandit son épée, prêt à frapper.

OK, Cédriciel, c’est le moment où tu montres à quel point tu es un héros… ou pas.

Mon instinct me criait de fuir, mais il y avait un problème majeur : où ? Derrière moi, il n'y avait que des falaises abruptes. Devant moi, un géant équipé d’une épée géante. Aucun moyen de m’en sortir indemne si je restais là.

C’est là que j'ai eu une idée – pas nécessairement brillante, mais une idée quand même. J'ai pris une profonde inspiration et, au lieu de reculer, j'ai couru droit sur lui. Ouais, je sais, probablement la pire idée de ma vie. Mais il ne s'y attendait pas.

Je me suis faufilé sous ses jambes massives avant qu’il ne puisse abattre son épée, et au moment où il se retournait pour essayer de me suivre du regard, je déployai mes ailes. Ou du moins, j'essayai.

— « Allez, allez ! » Je me maudissais intérieurement. « On décolle, là ! »

Finalement, mes ailes se mirent en marche, et dans un coup de vent, je m’envolai dans les airs, juste à temps pour éviter un coup d’épée qui aurait certainement transformé un ange en charpie.

Je montai en flèche, mon cœur battant à tout rompre. Mais avant même que je puisse savourer cette victoire momentanée, un éclat de lumière noire surgit de nulle part. Le géant venait de lancer une sorte d'onde de choc depuis son épée, et elle fonçait droit sur moi.

BOOM !

L'impact me fit perdre l’équilibre en plein vol. Je fus projeté à travers le ciel comme une marionnette désarticulée, et la dernière chose que je vis avant de heurter le sol avec force, c’était la silhouette du géant, se dressant fièrement comme s’il avait déjà gagné.

Puis, ce fut le noir complet.



Je me réveillai avec un mal de tête digne des pires cataclysmes. Mes ailes étaient engourdies, mon corps couvert de bleus (oui, même les anges peuvent avoir des bleus, apparemment), et la terre semblait toujours tourner sous moi.

— « Eh, tu vas bien ? » Une voix féminine, humaine, résonna au-dessus de moi.

Je clignai des yeux, essayant de distinguer la personne qui me parlait. Une jeune femme se tenait là, armée d'une épée lumineuse qui aurait probablement rendu jaloux quelques archanges. Ses cheveux noirs étaient tirés en une tresse serrée, et ses yeux verts pétillaient d’une étrange détermination.

— « Toi, tu es tombé du ciel, non ? »

Je grognai en me redressant, la douleur encore vive.

— « Et toi, tu es qui, exactement ? »

Elle me sourit, et ce sourire avait quelque chose de réconfortant, bien que légèrement inquiétant.

— « Je suis Elara. L’un des héros de la prophétie. »

Super. Juste ce dont j'avais besoin : encore plus de prophéties, encore plus de gens qui savaient des choses que je ne comprenais pas.

Je soupirai. « Bon, d'accord, Elara. Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? »

Elle hocha la tête vers les montagnes d’où j’avais fui le géant.

— « D’abord, on va essayer de survivre. Ensuite, on sauvera le monde. Tu es partant ? »

Je n'avais pas vraiment le choix, pas vrai ?

— « C’est parti. »

Et c'est ainsi que ma véritable mission commença.

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