Chapitre 2 : Ce n’est pas parce que tu as des ailes que tu ne peux pas tomber… plusieurs fois

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Bon, autant vous prévenir tout de suite : je ne suis pas fait pour les missions de sauvetage interdimensionnelles. L'idée de sauver des mondes ne faisait absolument pas partie de mon plan de carrière d’ange. Je veux dire, je ne suis même pas un héros classique. Si vous cherchez quelqu’un pour signer des parchemins et faire briller quelques halos par-ci par-là, je suis votre ange. Mais si vous avez besoin d’un sauveur pour éviter l’apocalypse ? Passez votre chemin.

Et pourtant, me voilà, à moitié assommé, un géant maléfique à mes trousses, et une humaine avec une épée beaucoup trop brillante qui se tient à côté de moi.

— « Eh bien, tu as vraiment le chic pour faire des entrées fracassantes, » lança Elara en jetant un coup d'œil aux montagnes derrière nous, là où le géant avait fait trembler la terre.

Je grognai en me relevant avec une grimace. Mes ailes étaient encore engourdies, et je sentais que la prochaine envolée risquait d’être aussi douloureuse que la précédente.

— « Oui, c’est un de mes nombreux talents, » répondis-je en massant mes épaules douloureuses. « Maintenant, si tu as un plan pour nous sortir de là sans finir en crêpe sous une épée géante, je t’écoute. »

Elara haussa les sourcils. « Un plan ? Moi ? Tu es l’ange ici. »

— « Ange, peut-être, mais je suis pas vraiment un expert en survie face à des colosses surnaturels. »

Elle hocha la tête et regarda son épée, dont la lame continuait de scintiller dans la lumière déclinante du jour. « Bon, écoute. On ne peut pas rester là. Le géant nous a repérés, et je parie qu’il n’est pas du genre à nous laisser filer. »

Je regardai autour de nous. Le paysage était vaste, désolé, et mis à part quelques crevasses dans les rochers, il n’y avait pas vraiment de cachettes. Super.

— « OK, » dis-je finalement, « on court. »

Elle me regarda comme si j'avais proposé de sauter directement dans la gueule du géant.

— « C’est ça ton plan ? Courir ? »

— « Tu as une meilleure idée ? À moins que ton épée magique puisse invoquer un portail vers un autre monde, je dirais qu’on est à court d’options. »

Elara haussa les épaules avec un sourire. « Pas de portail, mais je peux toujours trancher quelques monstres. »

— « Super, » soupirai-je, « un plan infaillible. »



Nous courions depuis une bonne dizaine de minutes lorsque j’ai commencé à réaliser à quel point cette situation était ridicule. Moi, un ange censé être l’élu d'une prophétie millénaire, en train de fuir un géant aux côtés d'une héroïne humaine que je connaissais à peine. J’avais toujours imaginé que les héros de légende étaient un peu plus organisés que ça.

Derrière nous, j’entendais encore les bruits sourds des pas du géant qui résonnaient à travers la vallée. Chaque foulée de la créature faisait trembler le sol sous nos pieds. Heureusement, Elara courait plus vite que je ne l'aurais imaginé, ce qui m’a donné un peu d'espoir. Mais pas beaucoup.

— « On ne va pas tenir à ce rythme éternellement, » dis-je en essayant de ne pas haleter comme un asthmatique.

Elara m’envoya un regard rapide, puis elle hocha la tête en direction d’une formation rocheuse au loin.

— « Là-bas. Les falaises. Si on peut grimper assez haut, il aura du mal à nous suivre. »

— « Grimper ? » Je jetai un coup d’œil à mes ailes fatiguées. « Facile à dire pour toi. »

Elle haussa les épaules en souriant. « Peut-être que tes ailes se remettront d’ici là ? »

Je grognai intérieurement. Ce n’était pas exactement le moment de plaisanter. Mais elle avait raison sur une chose : on n’avait pas vraiment le choix.



Quelques minutes plus tard, nous arrivâmes au pied des falaises, des masses rocheuses abruptes qui s’élevaient vers le ciel comme des géants de pierre. Le géant derrière nous avait ralenti un peu, mais il se rapprochait encore, et chaque seconde comptait.

— « Tu grimpes souvent ? » demanda Elara en se hissant déjà sur un rebord.

— « Pas depuis… » Je m’arrêtai pour réfléchir. « En fait, jamais. Je vole, d’habitude. »

Elle se contenta de sourire et continua à grimper. « Tu t’y mettras vite. »

Super, encore une nouvelle compétence à ajouter à ma liste d’échecs potentiels. J’attrapai une saillie rocheuse et commençai à me hisser. Chaque muscle de mon corps protestait, mais j’étais trop concentré sur le fait de ne pas tomber pour me laisser abattre.

Le géant, quant à lui, n’était pas aussi bête qu’il en avait l’air. Il nous observa, puis, comme s’il avait deviné notre plan, il frappa le sol de son énorme épée, provoquant un tremblement qui fit s’effriter les parois rocheuses.

— « J’ai horreur des tremblements de terre ! » hurlai-je en agrippant une roche qui menaçait de se désintégrer sous mes doigts.

Elara jura et regarda en bas. « On va devoir grimper plus vite. »

— « Plus vite ? Tu te moques de moi ? » grognai-je.

Mais, miracle ou coup de chance, mes ailes se remirent à fonctionner à cet instant. Pas assez pour voler longtemps, mais juste assez pour m’aider à me propulser de rebord en rebord. « Bon, ok, je t’assure que ce n’est pas mon truc, mais je vais essayer de ne pas tomber cette fois. »

— « Apprécié, vraiment. »

Nous atteignîmes enfin un plateau plus large, suffisamment haut pour nous donner une vue imprenable sur la vallée, mais surtout assez loin du géant pour qu'il ne puisse pas nous atteindre avec son épée géante. Il se mit à rugir en contrebas, frappant les parois de la falaise, mais chaque coup ne faisait qu’envoyer des éclats de pierre dans toutes les directions.

Elara s’effondra sur le sol en haletant, son épée plantée dans le sol à côté d’elle.

— « Eh bien, » dit-elle entre deux respirations, « je pense qu’on l’a semé. »

— « Semé, peut-être. Mais pas vaincu, » répondis-je, jetant un coup d'œil au géant furieux en bas.

— « Tu as toujours le mot pour rassurer, toi. »

Je haussai les épaules, me laissant tomber à côté d’elle. « C’est un talent. »



Nous passâmes plusieurs minutes à reprendre notre souffle. Le soleil commençait à descendre lentement derrière les montagnes, projetant des ombres longues et inquiétantes sur la vallée. Le géant semblait frustré, frappant encore les falaises avec sa lame noire avant de finalement s’éloigner. Apparemment, il avait décidé que nous ne valions pas la peine de continuer à escalader.

— « Bien. » Elara se redressa. « Maintenant, explique-moi. »

— « Expliquer quoi ? »

Elle roula des yeux. « Tout ça. Le géant, la prophétie, toi. Pourquoi tu es là, pourquoi je suis là. »

Je me frottai la nuque, cherchant comment répondre à ça. « D’accord, d’accord. Voilà ce que je sais. » J’inspirai profondément avant de continuer. « Je suis… un ange, comme tu l’as remarqué. Mais pas seulement. Apparemment, j’ai des origines qui me relient aux mondes mortels. Ce que je ne savais pas jusqu’à récemment. Et il y a cette prophétie — l’Aube des Mondes Entrelacés. »

Je marquai une pause, observant son visage. Elle écoutait attentivement, sans aucune trace de doute ou d’incrédulité. Il était rare que les humains réagissent aussi calmement à ce genre de révélations.

— « La prophétie parle de la fusion des mondes. Les frontières entre notre dimension et la vôtre s’effondrent. Ce qui veut dire que bientôt, des créatures comme ce géant pourrontmarcher librement dans votre monde, semant la destruction. Et bien sûr, quelqu’un doit empêcher ça. Devine qui s’est retrouvé avec ce boulot ? »

Elara fronça les sourcils, son regard se perdant un instant dans l’horizon. « Et ça implique quoi pour nous ? » demanda-t-elle en serrant un peu plus fort la poignée de son épée. « Je veux dire, cette prophétie… elle dit quelque chose sur moi ? »

Je haussai les épaules, essayant de paraître un peu plus cool que je ne l’étais réellement. « Honnêtement ? Je ne sais pas exactement. Tout ce que je sais, c’est qu’il y a des mortels qui sont censés jouer un rôle essentiel dans tout ça, des héros. Des gens qui, d’une manière ou d’une autre, ont des liens avec ces mondes magiques. »

Elle hocha la tête, absorbant les informations. « Donc… tu penses que je suis l’une d’entre eux ? »

Je fis un geste vague de la main. « Avec une épée qui brille comme celle-là ? Il y a de fortes chances. » Puis je baissai la voix, un peu plus sérieux. « Mais je ne sais pas encore tout. Il y a trop de choses qui m’échappent, même à moi. Les dieux, les entités anciennes qui ont créé cette prophétie… ils aiment nous garder dans l’ignorance. »

Elara prit une profonde inspiration et se leva, faisant face à l’immensité du paysage devant nous. « Bien. Dans ce cas, je suppose que je n’ai pas vraiment le choix. Si je suis censée sauver le monde, autant commencer dès maintenant. »

Je me levai aussi, en massant mes ailes douloureuses. « Je t’aime bien, Elara. Tu as cet optimisme un peu décalé pour quelqu’un qui vient d’échapper à un géant de trois mètres. »

Elle sourit pour la première fois depuis que nous avions commencé à courir. « Je fais ce que je peux. »



Alors que la nuit tombait, nous avions décidé de rester sur le plateau pour nous reposer. Le géant semblait avoir abandonné la poursuite, du moins pour l’instant. Un feu de camp crépitait doucement devant nous, jetant des ombres dansantes sur les rochers environnants. L’air était frais, mais étrangement, je me sentais en sécurité ici. Peut-être parce que, pour la première fois depuis longtemps, je n’étais pas seul à affronter ce chaos.

— « Cédriciel, » demanda soudain Elara en brisant le silence. « Comment c’est, d’être un ange ? Je veux dire, tu es immortel ? Invincible ? »

Je lâchai un petit rire. « Si seulement. Non, je ne suis ni immortel, ni invincible. J’ai des ailes, oui, et quelques capacités qui viennent avec mon statut. Mais à bien des égards, je ne suis pas si différent de toi. Je peux être blessé, je ressens la douleur, la peur… et apparemment, je suis assez doué pour tomber du ciel à plusieurs reprises. »

Elle sourit. « Ça ne doit pas être facile. Tout ce poids sur tes épaules. »

Je haussai les épaules. « C’est comme ça depuis longtemps. Je me suis habitué à être l’ange un peu… marginal. » Je fis une pause, hésitant à partager le reste, mais je sentais que je pouvais lui faire confiance. « Mais cette histoire de prophétie, c’est différent. D’habitude, je suis un simple observateur. Là, je suis au centre de tout, et je ne suis pas sûr d’être à la hauteur. »

Elara me regarda attentivement. « Peut-être que tu n’es pas censé faire ça seul. Peut-être que nous devons le faire ensemble. »

Je n’étais pas sûr de ce qu’elle entendait par là, mais sa détermination m’impressionnait. Il y avait une force en elle, une force que même les anges pouvaient envier.



La tranquillité de la nuit ne dura pas longtemps.

Au loin, un hurlement perça les ténèbres. Ce n’était pas un simple cri. C’était quelque chose de primal, terrifiant, qui vous faisait dresser les cheveux sur la nuque. Elara se redressa immédiatement, saisissant son épée par réflexe.

— « Qu’est-ce que c’était ? » demanda-t-elle, ses yeux cherchant déjà la source du bruit.

Je me levai à mon tour, mes ailes frémissant d'inquiétude. « Rien de bon, » murmurai-je en scrutant l’horizon.

Le hurlement se répéta, plus proche cette fois. Puis, des formes sombres apparurent à la lisière de la forêt qui bordait les montagnes. Des créatures à quatre pattes, massives, leurs yeux brillant d’une lueur sinistre sous la lumière de la lune. Des loups, mais pas n’importe quels loups. Leur pelage semblait composé de ténèbres elles-mêmes, et leur taille défiait toute logique. Si les loups normaux étaient des chiens, ceux-là ressemblaient à des lions affamés.

— « Des loups-spectres, » dis-je, mes yeux s’agrandissant de surprise. « Ils ne devraient pas être ici. Ce genre de créatures appartient aux terres de l’ombre. »

— « Et qu’est-ce qu’ils font ici, alors ? » demanda Elara, visiblement prête à se battre.

Je secouai la tête. « C’est ça, le problème. Les mondes s’entrelacent. Ce qui était autrefois confiné à une dimension commence à se répandre dans les autres. »

Les loups s’approchèrent, leurs griffes raclant le sol rocailleux. Ils étaient au nombre de trois, chacun aussi grand qu’un cheval, et leurs crocs brillaient dans l’obscurité.

— « On ne peut pas fuir cette fois, » dit Elara en prenant une position de combat.

Je déployai mes ailes, malgré la douleur encore présente. « Non. On va devoir les affronter. »

Le premier loup bondit, ses mâchoires ouvertes dans un rugissement qui résonna dans la nuit. Elara se jeta sur le côté, esquivant l'attaque de justesse, et dans un mouvement fluide, elle abattit son épée sur la créature, tranchant dans son pelage d’ombre. Le loup poussa un hurlement de douleur, mais sa forme se désintégra en un nuage de brume noire.

— « Pas mal, » dis-je en esquivant un autre loup qui me chargeait. « Tu es douée avec cette épée. »

— « Merci, » répondit-elle entre deux coups, sa voix concentrée. « Et toi, tu comptes juste voler autour ou tu vas nous aider ? »

Je ne pus m’empêcher de sourire. « D’accord, d’accord, je m’y mets. »

Je me lançai dans les airs et plongeai sur l’un des loups, frappant avec une lame de lumière pure que je fis apparaître dans ma main. Le loup rugit, mais tout comme celui qu’Elara avait abattu, il se dissipa en fumée.

— « Deux sur trois, » dis-je en atterrissant aux côtés d’Elara.

Le dernier loup nous faisait face, grognant de façon sinistre. Mais alors qu’il s’apprêtait à attaquer, quelque chose d’étrange se produisit. Il recula soudainement, comme s’il avait perçu un danger invisible. Ses yeux rouges brillèrent une dernière fois avant qu’il ne disparaisse, se fondant dans les ombres environnantes.

— « Qu’est-ce que c’était ? » demanda Elara, essuyant la sueur de son front.

Je fronçai les sourcils. « Je ne sais pas. Mais ce n’est pas bon signe. Si les créatures des terres de l’ombre peuvent venir ici, c’est que les mondes s’effondrent plus vite que je ne le pensais. »

Elara secoua la tête, son regard déterminé. « Alors, on a du travail. On doit trouver un moyen de réparer ça. »

Je hochai la tête. « Et on doit le faire vite, avant que des choses bien pires que des loups-spectres ne passent les frontières. »



Alors que la nuit avançait, nous décidâmes de ne pas rester plus longtemps sur le plateau. Il était clair que cet endroit n’était plus sûr. Nous avions à peine survécu à une attaque, et quelque chose me disait que ce n’était que le début.

Je jetai un dernier coup d'œil au ciel étoilé avant de tourner mon regard vers Elara.

— « Prête ? »

Elle hocha la tête avec un sourire fatigué, mais résolu.

— « Allons sauver le monde, » dit-elle en rangeant son épée.

Et ainsi, nous reprîmes la route, prêts à affronter les dangers qui nous attendaient, avec l’ombre de la prophétie planant au-dessus de nous.

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