Chapitre 8 : Les Miroirs de la Vérité
Si je devais résumer ma journée jusque-là, ce serait quelque chose comme ça : mon amie Elara s’est sacrifiée pour stabiliser un nexus interdimensionnel, j’ai eu une conversation super flippante avec une sphère flottante, et maintenant je marche dans un couloir sans fin, guidé par une lumière qui semble se moquer de moi.
Ah, et bien sûr, j’ai une prophétie qui me colle à la peau comme un chewing-gum oublié sous une semelle. Vous savez, un mardi classique.
La lumière au bout du tunnel s’intensifia, révélant une pièce immense et étrange. Les murs étaient recouverts de miroirs — pas des miroirs ordinaires, mais des surfaces ondulantes qui reflétaient autre chose que moi. Je pouvais y voir des images de mondes, des scènes qui se jouaient dans des dimensions différentes, comme si j’étais au cœur d’une télévision cosmique.
Et bien sûr, il y avait une inscription brillante sur le sol au centre de la pièce :
"SEULE LA VÉRITÉ PEUT OUVRIR LA VOIE."
— « Ah, parfait. Un autre test. Franchement, je commence à croire que quelqu’un là-haut prend un malin plaisir à rendre ma vie compliquée. »
Comme si mes paroles avaient déclenché quelque chose, les miroirs s’illuminèrent. L’un d’eux — le plus grand, juste en face de moi — vibra, et une silhouette apparut.
Au début, je ne pouvais pas distinguer qui c’était, mais en m’approchant, mon cœur s’arrêta presque.
C’était moi. Enfin, une version de moi que je ne reconnaissais pas complètement. Cette version portait une armure d’un blanc éclatant, avec des ailes déployées, majestueuses et intimidantes. Son regard était froid, calculateur.
— « Super. Maintenant, je dois affronter un moi alternatif. Qu’est-ce qui pourrait mal tourner ? »
La version alternative de moi me fixa, un sourire étrange sur les lèvres. « Cédriciel, le fugueur, le douteur, le raté. Te voilà enfin, face à la vérité que tu as passé des siècles à fuir. »
— « Eh bien, merci pour l’intro flatteuse, moi-même. Si tu pouvais passer au point important, ce serait génial. »
— « Tu ne te souviens pas, n’est-ce pas ? Du Royaume des Anges. De ta place parmi eux. De ce que tu as fait. »
Ces mots résonnèrent comme un coup de tonnerre.
— « Attends une seconde. Qu’est-ce que j’ai fait ? »
Mais mon reflet ne répondit pas tout de suite. Au lieu de ça, il leva une main, et le miroir autour de lui changea, montrant une scène différente.
Je vis un paysage céleste, un royaume d’or et de lumière. Les Anges s’y déplaçaient avec une grâce indescriptible. Et parmi eux, je me tenais là, en pleine dispute avec une figure imposante, un ange dont l’autorité semblait écrasante.
— « Je ne peux pas obéir à cet ordre, » criait ma version passée. « Ce n’est pas juste. Vous sacrifiez des innocents pour préserver un équilibre factice ! »
Le grand ange, que je reconnus vaguement comme l’Archange Lauriel, répondit d’une voix calme mais tranchante : « Ce n’est pas à toi de décider ce qui est juste, Cédriciel. Ton rôle est de servir, pas de remettre en question l’ordre cosmique. »
— « Alors je refuse ce rôle, » déclara ma version alternative avant de retirer son armure et de tourner le dos à Lauriel.
La vision s’arrêta, et mon double dans le miroir reprit la parole.
— « Tu as abandonné le Royaume des Anges. Tu as choisi de fuir plutôt que de te battre pour ce que tu croyais juste. Depuis ce jour, tu as erré, cherchant une raison d’exister, mais incapable d’affronter les conséquences de ton choix. »
Je pris une profonde inspiration. Tout ça faisait trop.
— « Donc... tu veux dire que j’ai abandonné mon poste d’ange parce que je n’étais pas d’accord avec un ordre ? Pourquoi est-ce que je ne m’en souviens pas ? »
— « Parce que tu l’as enfoui, » répondit mon double. « La douleur, la culpabilité. Tu as choisi d’oublier pour survivre. Mais aujourd’hui, tu n’as plus le luxe de te cacher. Si tu veux sauver les mondes entrelacés, tu dois affronter cette vérité. »
Les miroirs autour de moi s’animèrent tous en même temps, créant un tourbillon de reflets scintillants. Chaque surface montrait une scène différente, des fragments de mémoire ou des visions possibles de ce que je pouvais devenir.
L’un des miroirs me montrait debout devant une armée d’ombres, la lumière jaillissant de mes mains pour repousser les ténèbres. Un autre me montrait assis dans un vide infini, seul et brisé.
Puis il y avait un troisième miroir, celui qui me donna un véritable coup de poing à l’estomac. Il montrait Elara, piégée dans le nexus, ses yeux perdus, presque éteints.
— « Ce n’est pas réel, » murmurais-je, mais ma voix tremblait.
— « Ce sont toutes des vérités potentielles, » dit mon double dans le miroir principal. « Ce que tu vois ici dépend de toi, de tes choix. Chaque chemin mène à une fin différente. »
Je sentais ma gorge se serrer.
— « Très bien, alors dis-moi. Si je dois sauver Elara, restaurer l’équilibre, et tout le reste, qu’est-ce que je dois faire ? »
Le reflet sourit, mais ce n’était pas un sourire chaleureux. C’était celui d’un professeur qui savait que j’allais détester la leçon.
— « Tu dois choisir entre le passé que tu as fui et l’avenir que tu crains. »
Un passé inévitable
Les miroirs autour de moi changèrent encore une fois, cette fois pour se concentrer sur une seule scène.
Je vis le Royaume des Anges, mais il n’était plus éclatant. Une ombre sinistre l’avait envahi, et des structures autrefois dorées s’étaient effondrées. Des figures ailées, des anges, luttaient pour défendre leur foyer contre une armée d’ombres.
Parmi eux se trouvait l’Archange Lauriel. Malgré son apparence usée, ses ailes froissées et son armure brisée, il continuait à se battre avec une détermination acharnée.
Puis il me regarda droit dans les yeux.
— « Cédriciel, nous avons besoin de toi, » dit-il, comme s’il pouvait réellement m’entendre à travers le miroir.
La scène s’éteignit, me laissant avec un sentiment écrasant de culpabilité et d’urgence.
— « Alors c’est ça ? » dis-je à mon double. « Je dois retourner là-bas ? Après tout ce temps ? »
— « Ce n’est pas une obligation, » répondit-il. « Mais tu sais que c’est là que tout a commencé. Et si tu veux sauver les mondes entrelacés, tu dois affronter cette partie de toi que tu as laissée derrière. »
Je voulus protester, dire que ce n’était pas juste, que j’avais déjà assez à gérer. Mais au fond, je savais qu’il avait raison.
Un portail doré s’ouvrit soudain au centre de la pièce, rayonnant d’une lumière familière.
— « Ce portail te mènera au Royaume des Anges, » dit la voix de la sphère, résonnant dans l’espace. « Mais sache que ce que tu y trouveras ne sera pas simple. Tes choix passés t’attendent. Et si tu ne fais pas face à cette vérité, tu ne pourras pas avancer. »
Je regardai le portail, puis les miroirs.
— « Et si je refuse ? » demandai-je, ma voix faible.
Le reflet secoua la tête. « Alors Elara restera liée au nexus. Le déséquilibre entre les mondes grandira, et tout ce que tu aimes sera perdu. »
— « Génial, donc pas de pression. »
Mais je savais que je n’avais pas le choix. Le Royaume des Anges était ma maison, même si je l’avais abandonnée. Si j’avais une chance de réparer ce que j’avais cassé, je devais la saisir.
Je pris une profonde inspiration et franchis le portail.
La transition fut instantanée. Une seconde, j’étais dans la salle des miroirs, et la suivante, j’étais dans les cieux.
Le Royaume des Anges était encore plus impressionnant que dans mes souvenirs. Des flèches dorées s’élevaient dans le ciel, et les nuages se mouvaient comme des vagues lumineuses. Mais l’ombre que j’avais vue dans le miroir était bien réelle.
Partout où je regardais, je voyais des signes de destruction. Les anges volaient en formation, combattant des créatures d’ombres qui surgissaient de fissures dans le sol doré.
Avant que je ne puisse m’orienter, une voix m’appela.
— « Cédriciel ! »
Je me retournai et vis une figure familière : Lauriel, mais plus proche cette fois. Ses ailes étaient ternies, mais son autorité restait intacte.
— « Tu es revenu, » dit-il, son ton mêlant surprise et reproche. « Après tout ce temps. »
Je voulais répondre avec une blague, quelque chose pour alléger l’atmosphère. Mais tout ce que je trouvai à dire fut :
— « Je suis là pour réparer mes erreurs. »
Lauriel hocha la tête, comme s’il attendait ces mots depuis des siècles.
— « Alors prépare-toi, car notre combat ne fait que commencer. »
Lauriel m’attrapa par l’épaule avant que je ne puisse répondre et m'entraîna vers une grande terrasse ouverte. Le vent, chargé d’énergie céleste, soufflait violemment, mais ce n’était rien comparé au chaos qui se déroulait sous mes yeux.
Des anges se battaient dans le ciel, leurs lances de lumière clignotant comme des étoiles filantes. En dessous, le sol du Royaume des Anges, jadis immaculé, était parsemé de cratères fumants et de failles obscures d’où s’échappaient des hordes de créatures d’ombre.
— « L’équilibre est rompu, Cédriciel, » dit Lauriel d’un ton grave. « Les failles qui relient nos mondes se sont élargies. Ce que tu vois ici n’est qu’une partie du problème. Si nous ne fermons pas ces fissures, elles engloutiront non seulement notre royaume, mais tous les mondes entrelacés. »
— « Super. Encore un mardi normal pour moi, » marmonnai-je, bien que ma voix tremblait légèrement.
Lauriel ignora mon sarcasme. « Ces créatures d’ombres sont l’œuvre de celui que nous appelons le Dévoreur. Il cherche à détruire la lumière et à plonger tous les mondes dans le néant. »
— « Le Dévoreur ? Vous pourriez au moins lui donner un nom un peu moins cliché. »
Le regard de Lauriel se durcit. « Si tu veux t’en moquer, attends de le rencontrer. »
C’était à ce moment-là que j’aurais aimé disparaître dans un trou. Mais avant que je ne puisse m’enfoncer dans l’embarras, une autre voix résonna derrière nous.
— « Lauriel, nous avons besoin de toi à la ligne de front ! »
Une ange aux cheveux d’argent et à l’armure brisée s’approcha. Elle tenait une lance étincelante dans une main et une blessure profonde à l’épaule dans l’autre.
— « Ah, Cédriciel, » dit-elle en me jetant un regard perçant. « Alors tu es finalement revenu. Je pensais que ce jour n’arriverait jamais. »
— « Je vois que ma réputation me précède, » dis-je avec un sourire forcé.
— « Ta réputation est... complexe, » répondit-elle en serrant les dents. « Mais pour l’instant, peu importe. Nous avons besoin de chaque ange capable de tenir une arme. »
— « Eh bien, techniquement, je n’ai pas d’arme, » dis-je, espérant que cela suffirait à me tenir loin du combat.
Lauriel leva une main, et une épée dorée apparut dans son poing. Il me la tendit.
— « Maintenant tu en as une. »
Super. Pas moyen de m’échapper.
Avant que je ne réalise pleinement dans quoi je m’embarquais, Lauriel et moi volions vers la première faille. Oui, voler. Mes ailes — que je n’avais pas vues ni senties depuis des siècles — s’étaient déployées dès que j’avais pris l’épée. Elles battaient avec une force naturelle, presque automatique, comme si elles n’avaient jamais disparu.
En approchant de la faille, je pouvais sentir l’énergie noire qui s’en dégageait. C’était comme une blessure béante dans le tissu de la réalité, un vide qui aspirait tout ce qui était bon et lumineux.
— « Les ombres ne cessent de surgir de ces failles, » cria Lauriel au-dessus du vacarme. « Si nous ne les scellons pas rapidement, elles dévoreront le Royaume. »
Il plongea vers la faille, son arme enflammée de lumière pure, et je le suivis.
Nous atterrîmes au bord de la faille, où une horde de créatures sombres nous attendait. Elles étaient informes, leurs corps faits d’ombres mouvantes, mais leurs yeux rouges brillaient d’une intelligence malveillante.
— « Allez, Cédriciel, » cria Lauriel en levant son épée. « Montre-nous que tu n’as pas complètement oublié comment te battre ! »
J’eus à peine le temps de répondre avant qu’une des créatures ne bondisse sur moi. Par pur réflexe, je levai mon épée, et une lumière éclatante en jaillit, repoussant la bête.
— « Ok, ça, c’était cool, » murmurai-je avant d’être attaqué par deux autres monstres.
Ce combat était un mélange de chaos pur et d’instinct oublié. Mes mouvements semblaient à la fois maladroits et étrangement naturels, comme si une partie de moi savait exactement quoi faire malgré mon cerveau qui criait à l’aide.
Lauriel combattait près de moi, ses mouvements fluides et précis, décimant les créatures comme si c’était un simple exercice. Je ne pouvais pas m’empêcher de ressentir un peu de jalousie.
Finalement, après ce qui sembla être une éternité, nous fîmes reculer les dernières ombres.
— « Maintenant, » dit Lauriel en plaçant son épée au-dessus de la faille. « Concentre ta lumière sur ton arme. Nous devons sceller cette brèche ensemble. »
— « D’accord, mais si je fais exploser quelque chose, ce sera de ta faute, » répondis-je, en essayant de paraître plus confiant que je ne l’étais.
Je levai mon épée, et une chaleur étrange monta en moi, comme si une lumière enfouie depuis longtemps trouvait enfin son chemin. Une colonne de lumière jaillit de ma lame et se joignit à celle de Lauriel.
La faille trembla, ses bords se rapprochant lentement jusqu’à ce qu’elle se referme complètement, ne laissant derrière elle qu’un silence troublant.
— « Pas mal pour un débutant, » dit Lauriel avec un sourire en coin.
— « Merci, mais si je pouvais éviter de refaire ça, ce serait bien, » répondis-je en essayant de calmer mon souffle.
Mais Lauriel secoua la tête.
— « Ce n’est que la première faille. Il y en a d’autres, et elles ne seront pas aussi faciles à fermer. »
Super. Je ne pouvais pas attendre.
Alors que nous reprenions notre envol, je jetai un dernier regard vers le champ de bataille. Ce n’était qu’un aperçu du chaos à venir, mais une chose était claire : je ne pouvais plus fuir.
Le Royaume des Anges, les mondes entrelacés, Elara… ils comptaient tous sur moi. Et que je le veuille ou non, j’avais un rôle à jouer dans cette guerre.
Avec Lauriel à mes côtés, je savais que les choses allaient devenir encore plus compliquées. Mais au moins, je n’étais plus seul.
Et pour la première fois depuis longtemps, j’avais l’impression d’avancer dans la bonne direction.
Annotations
Versions