Chapitre 9 : Une lumière perdue

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Si vous pensez que tomber amoureux pendant une guerre cosmique est une mauvaise idée, félicitations, vous êtes plus malin que moi. Bien sûr, ce n’est pas comme si je m’étais réveillé ce matin-là en me disant : Tiens, je vais tout compliquer avec des sentiments. Mais Elara avait cette façon de regarder au-delà de mes failles, comme si elle voyait quelque chose de brillant dans ce désordre qu’est ma vie.

Pour être honnête, c’était terrifiant.

Mais avant que je ne puisse comprendre ce qui m’arrivait, le destin, avec son sens unique de l’humour, décida de tout bousiller.

La veille, Elara et moi étions sur la terrasse d’un temple abandonné dans le Royaume des Anges, entourés de ruines silencieuses. Les étoiles semblaient plus proches ici, presque à portée de main, et la lumière émanant des constellations baignait tout d’une lueur argentée.

— « Alors, qu’est-ce que ça fait d’être un ange rebelle ? » demanda-t-elle en s’asseyant sur une colonne brisée.

— « Rebelle, hein ? » répondis-je en jouant avec une pierre tombée au sol. « Je préfère indépendant. Ça sonne mieux, non ? »

Elle roula des yeux. « Peu importe le terme, tu es toujours aussi têtu. »

Je haussai les épaules. « Ça fait partie de mon charme. »

Elle me regarda d’un air moqueur, mais derrière son sourire, je pouvais voir une ombre.

— « Tu penses qu’on peut vraiment gagner ? » demanda-t-elle après un moment de silence.

Sa question me prit au dépourvu. Elle n’était pas du genre à douter.

— « Hé, bien sûr qu’on va gagner, » dis-je, tentant de masquer mes propres doutes. « On a toi, Lauriel, et moi. Une équipe imbattable, non ? »

Elle hocha la tête, mais je pouvais voir qu’elle n’était pas convaincue.

Je m’approchai d’elle et pris sa main. La chaleur de sa peau contre la mienne me surprit, comme si elle portait en elle toute la lumière qu’elle espérait sauver.

— « Écoute, » dis-je doucement, « même si tout semble perdu, tant que nous sommes ensemble, on a une chance. Tu es la raison pour laquelle je me bats. »

Et c’était vrai. Avant de la rencontrer, je me battais surtout pour me racheter. Mais maintenant, il y avait quelque chose — quelqu’un — qui comptait vraiment.

Elara sourit, et ce sourire me fit oublier la guerre pendant un instant.

Puis elle fit ce que je n’aurais jamais prévu. Elle se pencha et posa ses lèvres sur les miennes.

C’était comme si le monde s’effaçait autour de nous. Pendant ce bref instant, il n’y avait plus de royaumes en ruine, plus de créatures d’ombre, plus de prophéties millénaires. Juste nous deux, dans la lumière des étoiles.

Mais, bien sûr, le destin ne pouvait pas nous laisser tranquilles.

Le matin suivant, tout s’écroula — littéralement et métaphoriquement.

Un tremblement secoua le Royaume des Anges. Les tours dorées tremblèrent, et une fissure s’ouvrit dans le ciel, laissant échapper une lumière aveuglante.

Avant que je ne comprenne ce qui se passait, Lauriel surgit, ses ailes déployées et son visage plus grave que jamais.

— « Cédriciel, c’est ton moment, » dit-il en jetant un regard vers le ciel fissuré.

— « Mon moment pour quoi ? » demandai-je, déjà sur la défensive.

Mais je n’eus pas besoin qu’il réponde. La lumière se concentra en une forme imposante qui descendit lentement du ciel.

C’était un être d’une beauté terrifiante, portant une armure de lumière et une couronne étincelante. Sa voix résonna comme un tonnerre paisible :

— « Cédriciel, fils déchu du Royaume, ta rébellion a mis en danger l’équilibre sacré. »

— « Rebelle ? Sérieusement ? » protestai-je. « Je suis ici pour réparer les choses, pas pour les détruire ! »

Mais l’être, que je reconnus comme étant Métatron, le scribe du Très-Haut, ignora mes paroles.

— « Tes actions, bien que motivées par le courage, ont attiré l’attention du Dévoreur sur ce royaume. En conséquence, tu es un danger pour nous tous. »

Je regardai Lauriel, cherchant du soutien, mais il détourna les yeux.

— « Attendez une seconde ! » cria Elara, s’interposant entre Métatron et moi. « Vous ne pouvez pas le blâmer pour tout ça. Il a risqué sa vie pour nous protéger ! »

Mais Métatron n’était pas du genre à discuter.

— « Ses intentions ne changent rien. Cédriciel doit être exilé. »

Et avant que je ne puisse réagir, une lumière m’enveloppa, brûlante et froide à la fois. Je sentis une force me tirer hors du Royaume des Anges, et la dernière chose que je vis fut Elara, criant mon nom.

Puis tout devint noir.

Quand je repris conscience, j’étais quelque part sur Terre. Je ne savais pas où ni qui j’étais.

Je me réveillai sur une plage, le vent salé fouettant mon visage. Des morceaux de souvenirs flottaient dans mon esprit, mais ils étaient flous, comme des rêves oubliés au réveil.

Je savais une chose, cependant : quelque chose n’allait pas.

Je passai les jours suivants à errer, essayant de rassembler des fragments de mon identité. Parfois, des images surgissaient — des tours dorées, des ailes scintillantes, un visage lumineux qui me semblait familier. Mais elles disparaissaient aussi vite qu’elles étaient venues, me laissant avec un sentiment d’urgence que je ne pouvais pas expliquer.

Je me retrouvai dans une petite ville côtière où les habitants étaient gentils mais méfiants. Je trouvai un emploi dans un café local, lavant des tasses et servant des croissants. Ce n’était pas passionnant, mais c’était une routine.

Pourtant, chaque nuit, je rêvais de lumière et d’ombres, de batailles épiques et d’un nom — Elara.

Je me réveillais en sueur, le cœur battant, incapable de comprendre pourquoi ce nom me semblait si important.

Un soir, alors que je fermais le café, une étrange femme entra. Elle portait un manteau noir et avait des yeux qui semblaient voir à travers moi.

— « Tu ne te souviens pas encore, n’est-ce pas ? » demanda-t-elle, un sourire énigmatique sur les lèvres.

Je clignai des yeux, confus.

— « Je suis désolé, je crois que vous vous trompez de personne. »

Elle rit doucement. « Oh, Cédriciel. Même ici, exilé et brisé, tu es toujours aussi têtu. »

Mon cœur rata un battement.

— « Comment... comment connaissez-vous ce nom ? »

Elle s’approcha, sa voix basse mais perçante. « Parce que je suis là pour t’aider à te souvenir. »

Et avec ces mots, elle tendit une main vers moi, et une lumière familière commença à briller au creux de sa paume.

C’était la première fois depuis mon arrivée sur Terre que je sentis un fragment de mon ancienne vie revenir, et je savais que ce moment allait tout changer.

La lumière au creux de la main de la femme scintillait comme un soleil miniature. Elle était douce mais brûlante, et quand elle l’approcha de moi, tout mon corps réagit. Mon cœur battait plus vite, et une sensation étrange, comme si des cordes invisibles se tendaient en moi, me paralysa sur place.

— « Qui êtes-vous ? » demandai-je, la voix tremblante.

— « Une amie. » Son sourire s’élargit, mais il n’y avait rien de rassurant dans ses yeux. « Appelle-moi Alectra. »

Le nom résonna dans ma tête comme un écho lointain, mais il n’éveilla aucun souvenir précis.

— « Et pourquoi devrais-je vous faire confiance, Alectra ? »

Elle haussa un sourcil, amusée. « Parce que si je voulais te détruire, je l’aurais déjà fait. Mais je ne suis pas ici pour ça. Je suis ici pour t’aider à retrouver ce que tu as perdu. »

— « Ce que j’ai perdu ? » Je serrai les poings. « Vous voulez dire ma mémoire, n’est-ce pas ? »

Elle s’assit sur une chaise près de moi, croisant les jambes comme si elle avait tout le temps du monde. « Pas seulement ta mémoire. Ton identité, ta puissance… ton but. »

Son ton était si assuré, si convaincant, que je ne pouvais m’empêcher de l’écouter, même si une part de moi se méfiait.

— « Pourquoi maintenant ? Pourquoi m’aider ? »

Elle soupira, posant sa main lumineuse sur la table entre nous. La lumière forma des vagues sur le bois, comme si elle était vivante.

— « Parce que tu n’as plus le luxe d’être perdu, Cédriciel. Le Dévoreur n’a pas cessé ses plans simplement parce que tu as été exilé. Pire encore, ton absence a laissé un vide que les forces des ténèbres s’empressent d’exploiter. »

Un frisson me traversa. « Le Dévoreur ? Qui est-ce ? »

Alectra cligna des yeux, surprise. « Tu as vraiment tout oublié, n’est-ce pas ? » Elle se leva, s’approchant de moi comme si elle allait me toucher, mais elle s’arrêta à quelques centimètres. « Le Dévoreur est l’ennemi juré des mondes entrelacés. Une entité née du néant, dont le seul but est d’engloutir la lumière et de réduire tout ce qui existe à un vide éternel. »

Chaque mot qu’elle prononçait faisait naître en moi des bribes d’images. Des visages, des batailles, des étoiles qui s’éteignaient. Et toujours cette lumière… Elara.

— « Elara, » murmurai-je, surpris par ma propre voix.

Alectra hocha lentement la tête. « Elle t’attend toujours, mais elle ne pourra pas tenir longtemps. »

Je me levai brusquement, le cœur battant. « Où est-elle ? Qu’est-ce qu’elle a à voir avec tout ça ? »

Alectra tendit la main vers moi, mais cette fois, je reculai.

— « Doucement, Cédriciel. Tu n’es pas encore prêt. »

— « Pas prêt pour quoi ?! » criai-je, la colère remplaçant ma confusion.

Elle répondit d’une voix calme mais ferme. « Pour affronter ce que tu es vraiment. Ton exil n’a pas seulement effacé ta mémoire, il a brisé la lumière en toi. Tu dois la retrouver avant de pouvoir sauver qui que ce soit. »

Après le départ d’Alectra, je passai le reste de la nuit à marcher le long de la plage, incapable de trouver le sommeil. Ses paroles résonnaient dans ma tête. « Retrouver la lumière. » Qu’est-ce que cela voulait dire ?

Un autre fragment de souvenir émergea dans mes pensées, fugace mais poignant : Elara, sa main dans la mienne, son sourire rassurant alors que le monde s’effondrait autour de nous.

Mais pourquoi étais-je exilé ? Pourquoi m’avait-on arraché à elle ?

En revenant au café le matin, je trouvai quelque chose qui n’était pas là avant : une plume dorée, posée sur le comptoir. Elle brillait faiblement, comme si elle portait en elle une lueur d’espoir.

Je la pris dans mes mains, et une chaleur familière monta en moi. Ce n’était pas une chaleur physique, mais quelque chose de plus profond, comme si un lien brisé commençait à se reformer.

— « Tu te réveilles enfin. »

Je sursautai et me retournai. Cette fois, ce n’était pas Alectra, mais un homme à l’allure simple, vêtu d’une chemise en lin et d’un pantalon usé. Mais ses yeux brillaient d’une lumière étrange.

— « Qui êtes-vous ? » demandai-je, sur la défensive.

— « Un ami. Disons simplement que j’ai été envoyé pour t’aider à trouver ce que tu cherches. »

Je plissai les yeux. « Et comment savez-vous ce que je cherche ? »

Il sourit, comme si ma question était ridicule. « Parce que tu cherches la même chose que moi, Cédriciel. La lumière. »

L’homme mystérieux, qui se présenta comme Elias, m’entraîna dans une série d’épreuves étranges. Il semblait savoir exactement où aller et quoi faire, mais il refusait de me donner des réponses claires.

Nous traversâmes des forêts obscures et des ruines anciennes, où des fragments de mon passé semblaient m’appeler. À chaque étape, je récupérais un petit morceau de moi-même : un symbole gravé sur un mur, une mélodie portée par le vent, une sensation de déjà-vu lorsque nous atteignîmes une cascade scintillante.

Mais malgré tout cela, ma mémoire restait fragmentée. Je pouvais sentir la lumière en moi croître, mais elle était encore faible, vacillante.

— « Pourquoi ne puis-je pas simplement… me souvenir ? » demandai-je à Elias alors que nous nous reposions près d’un feu.

Il posa un regard sérieux sur moi. « Parce que te souvenir ne suffit pas. Ce n’est pas simplement une question de mémoire, Cédriciel. C’est une question de choix. Tu dois vouloir redevenir celui que tu étais. Et pour cela, tu dois affronter ce que tu as fui. »

Je savais qu’il avait raison, mais l’idée d’affronter mon passé — quel qu’il soit — me terrifiait.

La véritable épreuve arriva deux nuits plus tard. Alors que nous campions près d’une falaise, une ombre apparut dans le ciel.

C’était une créature que je n’avais jamais vue auparavant, mais qui me semblait étrangement familière : un dragon d’ombre, ses yeux rouges brillant comme des braises.

Elias se leva immédiatement, son épée à la main.

— « Prépare-toi, Cédriciel. C’est un messager du Dévoreur. »

— « Quoi ?! Pourquoi nous attaquerait-il ici ? »

Elias eut un sourire grave. « Parce qu’il sait que tu te réveilles. »

La bataille qui suivit fut féroce. Le dragon crachait des flammes noires, et chaque coup de ses griffes laissait des cicatrices dans le sol. Mais quelque chose changea en moi pendant le combat.

Lorsque le dragon plongea vers moi, je levai la plume dorée que j’avais trouvée au café. Elle brilla d’une lumière intense, et une vague de chaleur et de pouvoir m’envahit.

Pour la première fois, je sentis que je n’étais pas complètement perdu.

La lumière jaillit de la plume, repoussant le dragon qui s’enfuit en rugissant dans la nuit.

Elias posa une main sur mon épaule, un sourire fier sur son visage.

— « Tu vois, Cédriciel ? La lumière est toujours en toi. Il te suffit de la laisser briller. »

Je regardai la plume dans ma main, et pour la première fois depuis mon exil, je ressentis un semblant d’espoir.

Mais une question persistait : que devrais-je affronter pour retrouver entièrement qui j’étais ?

La lueur de la plume dorée s’estompait doucement, laissant derrière elle une chaleur résiduelle qui semblait s’accrocher à mon être. J’étais encore essoufflé de l’affrontement avec le dragon, mon esprit bourdonnant sous le poids de ce qui venait de se passer.

— « Ce n’est que le début, » dit Elias en essuyant son épée avec une précision méthodique. « Le Dévoreur ne te laissera pas tranquille. Maintenant qu’il sait où tu es, il redoublera d’efforts pour te ramener dans l’oubli. »

— « Pourquoi est-ce si important pour lui ? » demandai-je, en tentant de maîtriser la colère qui grondait en moi. « Je ne suis qu’un type paumé qui ne sait même pas qui il est. »

Elias se tourna vers moi, les yeux emplis d’une gravité qui me fit frissonner.

— « Justement, Cédriciel. Tu es bien plus que ce que tu crois. Tant que tu restes dans l’ignorance de ta propre lumière, tu es vulnérable. Et si tu ne te lèves pas pour combattre, le Dévoreur dévorera tout. »

Il me fixait comme s’il attendait que ces mots percent un mur invisible dans mon esprit. Mais au lieu d’une révélation, je sentis une colère sourde monter.

— « Comment puis-je me battre si je ne sais pas ce que je suis censé protéger ? » criai-je.

Elias ne répondit pas tout de suite. Il tendit plutôt une main vers la plume que je serrais toujours.

— « Tu as une partie de la réponse, ici, » dit-il. « Mais le reste… tu devras le trouver toi-même. »

Cette nuit-là, je ne trouvai pas le sommeil. Allongé sous un ciel parsemé d’étoiles, je sentis un poids écrasant sur ma poitrine. À chaque fois que je fermais les yeux, des images tourbillonnaient dans ma tête : le visage d’Elara, des ailes dorées déployées dans une lumière aveuglante, puis cette ombre dévorante qui s’étendait, avalant tout sur son passage.

Et puis, il y avait cette voix.

Douce mais impérieuse, elle murmurait dans un coin reculé de mon esprit.

— « Tu es plus que ce qu’ils veulent que tu sois, Cédriciel. Ouvre les yeux. »

Je me redressai brusquement, le souffle court. « Qui est là ? » murmurai-je dans la pénombre.

Pas de réponse. Mais la sensation persistait, comme si quelque chose — ou quelqu’un — m’observait.

Je serrai la plume dorée dans ma main, cherchant à retrouver ce sentiment de force que j’avais ressenti plus tôt. Mais au lieu de cela, je me sentais vide, perdu dans un labyrinthe sans issue.

Le lendemain matin, Elias et moi reprîmes la route. Il semblait savoir exactement où nous allions, bien que je ne lui aie jamais demandé. Mon esprit était encore trop embrouillé par les événements de la veille.

Nous atteignîmes finalement une clairière entourée de pierres dressées, gravées de symboles anciens. Une énergie étrange flottait dans l’air, une tension palpable qui me mettait mal à l’aise.

— « C’est ici, » déclara Elias en s’arrêtant au centre du cercle. « L’endroit où tu commenceras à comprendre. »

— « Comprendre quoi ? » demandai-je avec irritation.

Il fit un signe de la main, et les symboles sur les pierres s’illuminèrent d’une lueur dorée. Une brume épaisse s’éleva du sol, et une silhouette commença à se former devant nous.

C’était une femme, vêtue d’une robe blanche qui semblait flotter autour d’elle comme un nuage. Ses cheveux d’un blond éclatant encadraient un visage doux mais sévère.

— « Cédriciel, » dit-elle d’une voix douce mais puissante. « Tu as beaucoup changé depuis la dernière fois que je t’ai vu. »

Je reculai instinctivement, confus.

— « Qui êtes-vous ? »

Elle inclina légèrement la tête. « Je suis Laurithiel, une Gardienne des Royaumes. Autrefois, tu m’appelais sœur. »

Mes genoux se dérobèrent presque sous moi.

— « Sœur ? » répétai-je, incrédule.

Elle hocha la tête. « Nous étions liés par un serment, toi et moi, bien avant que tout ne bascule. Mais ton exil a brisé cette connexion. »

— « Pourquoi ne me souviens-je de rien ? » demandai-je, la voix brisée.

Elle s’approcha, posant une main légère sur ma joue. « Parce que ton esprit a été scellé pour te protéger. Mais ce sceau s’affaiblit. Les souvenirs reviendront, et avec eux, la vérité. »

Avant que je ne puisse poser plus de questions, Laurithiel leva une main et un cercle lumineux apparut autour de moi. Des images défilèrent devant mes yeux — des scènes floues mais déchirantes.

Je me vis dans un champ de bataille, des ailes dorées déployées, affrontant une armée d’ombres hurlantes. Elara était à mes côtés, brandissant une lame étincelante.

Puis, je vis le visage impassible de Métatron, prononçant mon exil, et Elara criant mon nom alors que je disparaissais dans une lumière aveuglante.

— « Pourquoi ? » murmurai-je, les larmes aux yeux. « Pourquoi m’ont-ils abandonné ? »

Laurithiel baissa les yeux, la tristesse marquant ses traits. « Ce n’est pas un abandon, Cédriciel. C’était une mesure désespérée pour te sauver de toi-même. »

— « De moi-même ? »

Elle acquiesça. « Tu étais trop puissant, et le Dévoreur le savait. Il s’est servi de ta lumière contre toi, semant le chaos à travers les mondes. Ton exil était la seule façon de briser ce lien et de protéger les Royaumes. »

Je secouai la tête, refusant d’accepter cette explication.

— « Mais ils m’ont laissé seul ! Ils ont effacé tout ce que j’étais ! »

Laurithiel posa une main réconfortante sur mon épaule. « Pas tout. Une partie de toi est toujours là, enfouie dans ton cœur. C’est à toi de décider si tu veux la retrouver. »

Alors que Laurithiel s’évanouissait dans la lumière, une nouvelle détermination naquit en moi.

— « Tu dois te préparer, » dit Elias en rangeant son épée. « Ce que tu as vu n’est qu’une fraction de la vérité. Et lorsque tu sauras tout, tu devras choisir ton camp. »

Je serrai la plume dorée dans ma main, sentant sa lumière pulser faiblement.

— « Je ne sais pas encore qui je suis, » répondis-je, la voix ferme. « Mais je retrouverai ma mémoire. Je retrouverai Elara. Et je me battrai pour protéger ce qui compte. »

Elias me regarda avec un sourire approbateur. « Alors, il est temps de commencer. »

Dans le lointain, un grondement retentit, comme un présage de ce qui allait venir.

La brume lumineuse qui avait accompagné Laurithiel se dissipait lentement, laissant derrière elle un silence pesant. La clairière semblait différente maintenant, plus sombre, comme si les révélations avaient volé une part de la lumière du monde.

Je restai debout au centre du cercle, fixant la plume dorée dans ma main. Elle brillait toujours, mais faiblement, comme si elle était liée à ma propre force intérieure. Mon esprit était un mélange chaotique de colère, douleur et détermination.

Elias posa une main sur mon épaule, me tirant de mes pensées.

— « Ce que tu as appris ici n’est qu’un début, Cédriciel. Mais n’oublie pas : la vérité n’est jamais complète sans action. Si tu veux retrouver Elara et comprendre ton rôle, tu devras accepter ton exil. »

Je fronçai les sourcils. « Accepter mon exil ? Cela signifie quoi exactement ? »

Il esquissa un sourire énigmatique. « Cela signifie que tu dois arrêter de fuir et embrasser la lumière et l’ombre qui font de toi ce que tu es. Ce sera difficile. »

Je haussai les épaules, résigné. « Tout est déjà difficile. »

Elias éclata de rire, un rire surprenant, plein de vie. « C’est l’esprit. Alors allons-y. Tu as un chemin à tracer. »

Nous quittâmes la clairière à l’aube, prenant un sentier qui serpentait à travers une forêt dense et silencieuse. Elias marchait devant moi, ses mouvements calmes et précis, comme s’il avait fait ce voyage des centaines de fois auparavant.

— « Où allons-nous ? » demandai-je après une heure de marche.

— « À la Faille. »

Le mot lui-même fit naître un frisson dans mon dos.

— « Qu’est-ce que c’est ? »

Il ne se retourna même pas. « Un endroit où tu pourras affronter ce que tu es. Et ce que tu as fait. »

Je déglutis difficilement. Les souvenirs flous de la vision montrée par Laurithiel me hantaient encore : des batailles, des cris, un visage radieux que je savais être Elara. Mais ce qui me perturbait le plus était ce vide immense, cette obscurité qui semblait émaner de moi.

Nous marchâmes en silence jusqu’à ce que nous atteignions une colline. De l’autre côté, la terre était déchirée par une faille béante, une cicatrice noire qui pulsait comme une blessure vivante.

— « C’est ici, » déclara Elias en s’arrêtant au bord de la fissure.

Je m’approchai prudemment, sentant une énergie étrange émaner de l’ouverture.

— « Qu’est-ce que c’est ? »

— « Le point de rupture entre les mondes, » répondit-il. « C’est ici que les anges exilés viennent quand ils cherchent des réponses. Certains y trouvent la vérité. D’autres… se perdent à jamais. »

Je me tournai vers lui, choqué. « Et vous voulez que je saute là-dedans ? »

Elias sourit, mais cette fois, son sourire était empreint de gravité. « Ce n’est pas un saut, Cédriciel. C’est un plongeon dans ton propre esprit. Ce que tu trouveras là-bas dépend de toi. Mais sache une chose : tout ce que tu veux savoir, toutes les réponses à tes questions, se trouvent dans cette faille. »

Je me tenais au bord de l’abîme, le cœur battant à tout rompre. La plume dorée semblait s’agiter dans ma main, comme si elle hésitait à suivre ce qui allait se passer.

Elias croisa les bras, patient. « Tu ne peux pas rester indécis pour toujours. Ce n’est pas ce que ferait un ange. »

Ces mots réveillèrent quelque chose en moi, un éclat de fierté que je n’avais pas ressenti depuis des jours, peut-être des mois.

Je pris une profonde inspiration et sautai.

La chute fut instantanée. Pas de vent, pas de sensation de mouvement, juste une descente vertigineuse dans un vide infini. Tout autour de moi, des éclairs de lumière et d’ombre dansaient, formant des images confuses.

Je vis des fragments de mon passé : Elara me souriant dans un jardin suspendu, des batailles épiques contre des monstres d’ombre, et cette lumière aveuglante qui m’avait expulsé du Paradis.

Mais il y avait autre chose.

Dans les profondeurs de la faille, une présence sombre et oppressante m’attendait.

— « Bienvenue, Cédriciel, » murmura une voix gutturale qui semblait venir de partout à la fois. « Je t’attendais. »

Je cherchai la source de la voix, mais il n’y avait rien, seulement l’obscurité.

— « Qui êtes-vous ? » demandai-je, ma voix résonnant dans le vide.

— « Tu sais qui je suis, » répondit la voix. « Je suis la part de toi que tu as reniée. Je suis l’ombre que tu refuses de voir. »

Une silhouette émergea de l’obscurité. Elle était grande, imposante, et portait des ailes noires comme la nuit. Mais ce qui me fit frissonner, c’était son visage : c’était le mien.

— « Non, » murmurai-je, reculant instinctivement. « Ce n’est pas moi. »

L’ombre rit, un rire glacial qui sembla éteindre la faible lumière autour de moi.

— « Ne sois pas ridicule. Je suis toi, Cédriciel. Je suis tes peurs, ta colère, tes regrets. Tu peux essayer de m’ignorer, mais tant que tu refuseras de m’accepter, tu ne seras jamais complet. »

Je serrai la plume dorée, sentant sa chaleur m’envahir.

— « Tu n’es qu’un mensonge, une illusion ! » criai-je.

L’ombre haussa un sourcil. « Est-ce que c’est ce que tu crois, ou ce que tu espères ? »

Elle s’approcha, et à chaque pas, mes souvenirs devenaient plus clairs. Je me souvenais de mes choix, des batailles que j’avais perdues, des vies que j’avais sacrifiées.

— « Accepte-moi, » dit l’ombre en tendant une main. « Si tu veux retrouver ta lumière, tu devras aussi accepter ton obscurité. »

Je tremblais, partagé entre la peur et la résolution. Mais au fond de moi, je savais que l’ombre avait raison.

Je fermai les yeux et tendis la plume dorée vers elle. La lumière jaillit, illuminant l’obscurité.

L’ombre ne disparut pas. Elle se fondit en moi, se mêlant à la lumière, formant une étrange harmonie.

Quand j’ouvris les yeux, j’étais de retour dans la clairière. Elias m’attendait, un sourire satisfait sur le visage.

— « Alors ? » demanda-t-il.

Je serrai la plume dorée dans ma main. Elle brillait maintenant d’une lumière plus forte, plus stable.

— « Je ne suis pas encore entier, » répondis-je. « Mais je suis prêt à l’être. »

Elias hocha la tête. « Alors, il est temps de continuer. »

Alors que nous quittions la clairière, je sentis un nouveau poids sur mes épaules. Mais cette fois, ce n’était pas un fardeau. C’était une responsabilité — et une promesse.

Nous marchâmes à travers la forêt, les arbres se resserrant autour de nous comme pour m’empêcher de faire demi-tour. Le silence pesait, mais il n’était pas oppressant. C’était le genre de silence qui vous donne le temps de réfléchir, même si vous préfèreriez éviter vos pensées.

Elias ne parlait pas. Il semblait m’étudier, comme s’il cherchait à voir si la lumière en moi brillait différemment depuis mon passage dans la Faille.

Pour être honnête, je ne savais pas comment je me sentais. D’un côté, il y avait cette part d’ombre que j’avais acceptée, cette vérité inconfortable sur qui j’étais. De l’autre, il y avait encore des trous béants dans ma mémoire, des questions qui refusaient de trouver des réponses.

Mais une chose était claire : je n’étais plus le même qu’avant de plonger dans la Faille.

— « Tu sembles... différent, » dit finalement Elias, rompant le silence.

Je haussai un sourcil. « Différent comment ? »

— « Plus solide. Plus ancré. Avant, tu flottais entre deux états, hésitant à savoir si tu devais te battre ou fuir. Maintenant, tu marches avec une intention. »

Je ne savais pas si c’était vrai, mais je le laissai parler. Peut-être que croire en cette perception m’aiderait à avancer.

Alors que le soleil commençait à se coucher, nous arrivâmes à un petit village niché dans une vallée. Les toits de chaume fumaient légèrement, et les rires d’enfants résonnaient dans l’air. C’était une scène paisible, presque trop belle pour être réelle.

— « Nous allons passer la nuit ici, » annonça Elias en s’arrêtant au bord du sentier.

Je fronçai les sourcils. « Pourquoi pas simplement continuer ? »

Il me lança un regard sévère. « Tu as traversé la Faille. Cela te prend plus d’énergie que tu ne veux l’admettre. Et crois-moi, tu ne veux pas t’effondrer en pleine forêt quand les créatures du Dévoreur rôdent. »

Je n’eus pas besoin de plus d’explications.

Nous entrâmes dans le village, et je ressentis immédiatement une chaleur étrange. Les habitants nous saluèrent poliment, mais avec une certaine distance, comme s’ils savaient que nous étions étrangers à leur monde.

Un homme trapu avec une barbe grisonnante nous conduisit à une auberge modeste.

— « Une chambre pour deux ? » demanda-t-il.

Elias acquiesça et posa quelques pièces sur le comptoir. « Et un repas chaud, si vous avez. »

Cette nuit-là, après un repas simple mais réconfortant, je me retrouvai seul dans la petite chambre. Elias était resté en bas pour discuter avec l’aubergiste, probablement pour glaner des informations sur ce qui se passait dans les environs.

Je m’assis près de la fenêtre, regardant les étoiles. Une pensée me hantait : où était Elara en ce moment ? Était-elle encore en sécurité ? Pensait-elle à moi ?

La plume dorée que je tenais brillait faiblement dans l’obscurité. Je la tournai entre mes doigts, cherchant un sens à tout cela.

C’est alors que je l’entendis.

Un murmure, doux mais insistant, résonna dans ma tête.

— « Cédriciel… »

Je me redressai, tendant l’oreille.

— « Cédriciel, entends-moi… »

La voix était familière, mais elle semblait venir de très loin, comme un écho perdu dans les confins de mon esprit.

— « Elara ? » murmurai-je, le cœur battant.

La lumière de la plume s’intensifia légèrement, comme si elle répondait à mon appel. Mais la voix s’évanouit avant que je puisse en comprendre davantage.

Je restai là, seul avec mes pensées et cette étrange sensation d’urgence. Quelque chose se passait, et je devais savoir quoi.

Le lendemain matin, nous quittâmes le village à l’aube. Elias semblait pressé, son attitude plus tendue que d’habitude.

— « Quelque chose ne va pas ? » demandai-je en essayant de suivre son rythme rapide.

— « Ce village est trop calme, » répondit-il sans me regarder. « Il y a des signes, des murmures… Le Dévoreur a une emprise ici. »

Je frissonnai.

Nous n’avions pas parcouru un kilomètre lorsque nous tombâmes sur un groupe de voyageurs. Ils étaient assis près d’un feu, mais quelque chose clochait dans leur posture. Leurs vêtements étaient en lambeaux, et leurs yeux semblaient vides.

— « Soyez sur vos gardes, » murmura Elias en posant une main sur la garde de son épée.

Lorsque nous approchâmes, l’un des voyageurs leva la tête. Ses yeux brillèrent d’une lumière étrange, et il se redressa lentement, comme une marionnette manipulée par des fils invisibles.

— « Vous ne devriez pas être ici, » dit-il d’une voix creuse.

Elias dégaina son arme. « Et vous ne devriez pas exister. »

Les autres voyageurs se levèrent à leur tour, leurs mouvements étrangement mécaniques. Je sentis la plume dans ma main s’illuminer, prête à répondre à la menace.

— « Prépare-toi, Cédriciel, » dit Elias en adoptant une position défensive. « Ce ne sont pas des mortels ordinaires. Ce sont des émissaires du Dévoreur. »

La bataille éclata, rapide et brutale.


Alors que je me battais contre ces créatures, quelque chose en moi se réveilla. Chaque mouvement que je faisais semblait instinctif, comme si mon corps se souvenait de techniques que mon esprit avait oubliées.

La lumière de la plume jaillit de mes mains, formant un arc étincelant qui fendit l’air et désintégra une des créatures. Mais au moment où je portais un coup final, une image s’imposa à moi : Elara, me tendant la main.

— « Reviens… » murmura sa voix dans mon esprit.

Cette distraction me fit vaciller, et l’un des émissaires m’attrapa par le bras. Avant qu’il ne puisse m’immobiliser, Elias intervint, abattant son épée dans un arc précis.

— « Concentre-toi ! » aboya-t-il.

Je me ressaisis, luttant pour ignorer les visions et me concentrer sur l’instant présent.

Lorsque la dernière créature disparut, nous restâmes là, haletants. La forêt était redevenue silencieuse, mais l’atmosphère lourde persistait.

— « Cela ne fait que commencer, » dit Elias, essuyant son épée. « Le Dévoreur sait que tu te rapproches de la vérité. Il fera tout pour t’arrêter. »

Je regardai la plume dans ma main, son éclat plus faible qu’avant.

— « Et si je n’étais pas prêt ? » murmurai-je.

Elias posa une main sur mon épaule, son regard intense. « Tu l’es, Cédriciel. Tu n’as simplement pas encore toutes les réponses. Mais elles viendront. Continue à avancer. »

Je hochai la tête, bien que l’incertitude pesait toujours sur moi.

Alors que nous reprenions la route, je ne pouvais m’empêcher de penser à Elara. Sa voix, ses yeux, sa lumière… Elle était quelque part, attendant peut-être que je la trouve.

Et malgré mes doutes, je savais une chose : je ne m’arrêterais pas tant que je n’aurais pas retrouvé la vérité — et elle.

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