Chapitre 1 (sixième partie)
Lundi 13 mars 2006
Ils s'étaient levés tard ce matin-là et Mickaël avait préparé un bon brunch. Un timide soleil printanier éclairait le ciel de Glasgow depuis une bonne semaine et la ville prenait comme un air de fête. Maureen était heureuse de voir le printemps arriver, après les longs mois d'hiver et la neige qui avait tenu dans les rues jusqu'au début du mois. Elle se souvenait très bien de son premier printemps écossais, de la façon dont la nature avait repris des couleurs, bien avant qu'elle-même ne se mette à les apprécier tout autrement, après sa rencontre avec Mickaël.
Après le déjeuner, ils avaient décidé de s'offrir une promenade au parc de Kelvingrove. Au retour, Maureen se sentant un peu fatiguée, elle s'allongea et dormit une bonne heure. A son réveil, elle trouva un petit mot accroché à la porte de la chambre que Mickaël avait refermée :
Ne sors de cette pièce sous aucun prétexte, mais s'il y a urgence, tu m'appelles.
Elle entrouvrit juste la porte et dit :
- Est-ce qu'avoir envie de faire pipi, c'est une urgence ?
Un éclat de rire lui répondit :
- Oui ! Deux secondes !
Il arriva alors de la cuisine, ouvrit plus grand la porte de la chambre et dit :
- Tu peux traverser le couloir jusqu'en face, mais promets-moi de ne pas regarder vers la cuisine.
- Promis, sourit-elle en déposant un léger baiser sur ses lèvres.
Elle gagna la salle de bain, en ressortit quelques instants plus tard. Mickaël était toujours campé dans le couloir, la regardant passer devant lui. Quand elle entra dans la chambre, elle dit :
- Je reste ici, c'est bien ça ?
- Tu as tout compris... lui sourit-il en réponse.
Et cette fois, ce fut lui qui l'embrassa.
Maureen se rallongea, somnola encore un peu. Lawra et le médecin lui avaient dit qu'elle aurait certainement plus sommeil au cours des premières semaines de sa grossesse, qu'elle dormirait beaucoup et qu'il ne fallait pas qu'elle hésite à faire une sieste en début d'après-midi, si elle en avait l'opportunité. Elle entendait Mickaël s'activer en cuisine et se demandait bien ce qu'il était en train de préparer. Il lui arrivait de cuisiner le lundi en fin de journée, pour qu'ils aient de quoi manger le mardi, voire le mercredi midi. Elle prit finalement un livre, lut un peu. Quand la porte se rouvrit, elle demanda :
- Je suis toujours consignée à l'intérieur ?
- Non, tu vas pouvoir venir. Mais seulement si tu as faim...
Elle jeta un œil au réveil, il était déjà 18h30.
- On dîne tôt ?
- Oui, répondit-il en s'installant près d'elle. Sauf... si tu as d'autres envies...
Elle le fixa, sourit en voyant l'éclat de bleu s'allumer dans son regard.
- C'est bien possible, si tu continues à me regarder comme tu le fais...
- C'est à cause de ton regard... répondit-il avec amusement. Je t'aime.
- Moi aussi, fit-elle en passant ses bras autour de son cou. Je t'aime.
Et, tout en prolongeant leur baiser, ils se dirent que le repas attendrait encore un peu...
**
Quand ils sortirent de la chambre, Maureen marqua un temps d'arrêt. La cuisine était éclairée par la douce lumière de plusieurs bougies posées sur la table. Cette dernière était dressée comme pour un repas de fête, avec une jolie nappe blanche brodée de roses. Mickaël avait disposé de la belle vaisselle, les verres scintillaient.
- Mon amour, dit-il en interrompant sa contemplation.
Elle se tourna vers lui et le fixa.
- C'est notre premier anniversaire... Et nous ne sommes pas que tous les deux pour le fêter, le partager. J'en suis heureux, dit-il simplement.
Elle posa sa main sur son torse, sentit battre son cœur à travers l'épaisseur de son t-shirt, puis dit :
- Quelle belle surprise !
- Tu m'en as fait une, tout autant, répondit-il en souriant. Il y a un mois tout juste.
Ils s'enlacèrent. Elle l'embrassa. Il la serra tendrement contre lui.
Puis elle s'écarta à peine et murmura :
- Je vais me changer... Je veux faire honneur à tout ce que tu as préparé !
- D'accord, sourit-il. Tu as deux minutes, pas plus.
Elle s'échappa de ses bras en riant et retourna rapidement dans la chambre. Elle en sortit moins de deux minutes plus tard, vêtue d'une de ses robes d'hiver, bleu foncé. Elle avait mis des bas et il se demanda soudain si elle avait choisi la guêpière de Noël ou un autre ensemble. Il se promit de le deviner avant la fin du repas, ne lui dit rien de ce petit jeu avec lui-même, l'invitant simplement à s'asseoir.
Il avait préparé un vrai dîner en amoureux, avec une soupe de haddock délicieuse, puis une cassolette de poisson. Il s'amusa à servir Maureen, présentant chacune de ses assiettes avec un bouton de rose rouge, comme il le faisait quand elle venait dîner au restaurant. Il aimait lui accorder cette attention et Maureen en était toujours très touchée. En déposant l'assiette de soupe, il lui souffla à l'oreille :
- Rouge ?
Interloquée, elle le regarda, puis sourit et secoua la tête à la négative.
- Alors, blanc ?
Elle répondit à nouveau de la même façon. Il prit place face à elle et ils entamèrent leur dîner avec plaisir. Mickaël savait bien que Maureen ne boirait pas la moindre goutte d'alcool, mais il avait choisi d'ouvrir quand même une bouteille de Savennières pour lui-même, quitte à la boire sur plusieurs repas.
En lui apportant le poisson, il lui demanda :
- Bleu clair ?
Elle sourit, ne répondit toujours rien. Puis ce fut le tour de Bleu foncé avec le dessert. En regardant son assiette, Maureen sourit :
- Tu ne peux pas me proposer autre chose, n'est-ce pas ?
- Si je le faisais, tu serais déçue de ne pas avoir Pomme Normande dans ton assiette, répondit-il.
- Le pire, c'est que tu as raison, soupira-t-elle.
- Tu sais, ajouta-t-il, je crois que c'est surtout moi qui ne pourrais te proposer autre chose...
Elle tendit la main vers lui. Il caressa son poignet en la fixant droit dans les yeux. Dans la théière qu'il avait préparée, juste avant de servir le dessert, infusait Envoûtant.
- Ton regard est toujours aussi envoûtant, mon amour, souffla-t-il.
- Et l'instant présent aussi ? murmura-t-elle.
Il acquiesça sans rien dire, mais l'éclat bleuté de ses yeux était devenu si lumineux, le vert si éclatant qu'elle se sentit profondément émue. Les doigts de Mickaël sur son poignet la caressaient avec chaleur. Elle eut le sentiment que toutes les fibres de son être étaient tournées vers lui, avec ce désir profond de s'unir à lui. Il se leva lentement, fit le tour de la table et lui dit en tendant la main :
- Viens.
Ils abandonnèrent Envoûtant et Pomme Normande, jolis verres et bougies, pour gagner la chambre.
Et Mickaël découvrit alors qu'il avait tout faux : Maureen avait choisi pour cette soirée ses dessous verts d'Edimbourg, ceux qui s'assortissaient à ses propres yeux.
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