Chapitre 2 : à la recherche des mourus-vivants.
George regarda ses deux nouveaux équipiers: voilà le pire qu'il put avoir en renfort. Alors qu'il devait vite retrouver ses mourus, il ne pouvait pas laisser, à eux, sa précieuse réserve de glouglou rouge. Aussi alla t-il fermer sa cabane à clé et clouer des planches à ses fenêtres. Bien sûr, cela ne servait à rien pour empêcher des crevés flottants de passer. Mais ses stocks, eux, resteraient coincées dedans. Après tout fallait pas se foutre de la gueule du monde: en dehors des mourus qui étaient son gagne pain, sa seule autre priorité était sa potion magique. Il s'en retourna voir ce que manigançaient les deux spiritueux séniles, et tenta de leur résumer la situation: par prudence, autant les emmener avec lui loin de son champ à défunts. Après une heure de discussion confuse, où les deux revenus transparents ne comprenaient rien, à part qu'ils étaient persuadés de sachoir alors que non, ils répondirent enfin de façon cohérente. Ou plutôt au maximum dont ils étaient capables, c'est à dire pas grand chose.
Ginette: Tu vois Bébert, ch'est encore la faute des jeunes si les mourus chont revenus. Chans doute que y'a encore eux qu'ont picolé chur une tombe ou qu'ils l'ont profané. Regarde ! Le chevelu a une pelle à la main, ch'est une preuve !
Georges: M'enfin m'dame que je soyons le fossoyeur !
Ginette: Le fossoyeur, chous ? Che comprends mieux que vos mourus ch'ont pris la tangente ! Moi aussi, ch'aurais pas fait confiance à un gardien chavec une tronche de hippie !
Bébert: Ginette, tu vois bien que le monsieur fait de mal à personne ! Moi, je suis sûr que c'est encore un coup des peaux rouges ! Ces maudits indiens qu'aiment faire chier en faisant des dodos à crevés maudits pour se venger.
Ginette: Un champ à mourus indien en France ? Chu as perdu la tête Bébert !
Georges: qu'zalliez arrêter vos bouffonnerie les vieux débris ? C'est que j'avions du mourus à retrouver moué !
George ferma la grille de la zone à décédés, les gens n'ayant plus de proches à visiter, et surtout, pour cacher que ses crevés avaient disparus: il se devait de protéger sa réputation de fossoyeur. Il ne leur restait plus qu'à prendre la direction du village, cependant, les deux revenus transparents remirent le couvert concernant leur discussion stupide. Ils se disputaient désormais pour savoir dans quelle direction aller, afin de rejoindre la civilisation. Chacun se faisant face et chicanait, mélangeant droite et gauche comme si c'était normal pour eux.
Ginette: Chaut aller à droite bébert !
Bébert: Nan à gauche !
Ginette: Chais nan, à gauche Bébert !
Bébert: Mais nan à droite en arrière !
Georges: Stop ! Vous m'suiviez les couillons crevés et m'la mettiez en veilleuse !
Le fossoyeur connaissait très bien le chemin, lui, et parti à droite en direction du village, dont on pouvait voir le clocher de l'église. Plus il écoutait les deux spiritueux parler, plus il se demandait ce qu'il avait fait à la grande faucheuse, pour mériter cela. Il parcourut cinq kilomètres avant d'arriver enfin, face aux premières maisons. Lorsqu'il emprunta la rue, il s'aperçut que les lieux étaient déserts. Avançant jusqu'à la place du village, il tomba enfin sur ce qu'il cherchait : ses mourus ! Cependant, il y avait un problème, car ils n'étaient qu'une vingtaines répartis en petits groupes de trois ou quatre. Or, son champ à défunts comportait des centaines de dodo à crevés vides. Où étaient donc ses autres clients ? Pourquoi ils étaient sortis de leurs lits à macabés ? Cela restait un mystère, mais George espérait bien faire parler ses mourus. Encore fallait-il les attraper, car ils n'avaient pas l'air de vouloir rentrer d'eux mêmes.
Les crevés en ballade semblaient apprécier cette liberté retrouvée. Profitant de la fuite des habitants, quelques-uns occupaient la table d'un café, et d'autres découvraient le cinéma actuel qui n'existait pas à leur décès. Pour le fossoyeur, c'était l'humiliation car les gens savaient désormais, que les mourus avaient quitté la zone à décédé. Le comble de la couillonnerie, ces derniers s'affichaient publiquement dans une ambiance de détente, et d'insouciance.
George décida de ramener ses mourus coûte que coûte, mais ils étaient déjà morts donc ils avaient tiré une leçon de leur trépassement. À peine ils virent le fossoyeur brandir sa sainte pelle, qu'ils se mirent à détaler. Le berger à défunts se devait de trouver une solution pour les regrouper, et les ramener chez les mourus qui dorment. Surtout qu'il en avait encore plein d'autres à retrouver, le bougre. Seulement, il ignorait comment faire : il avait pas l'habitude de courir après les mourus, lui !
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