Youssef et Tabor.
Youssef Al'Mahzuz, portait bien son nom c’est-à-dire qu’il était homme à ne pas tenir en place, c’était un arpenteur de contrées lointaines qui néanmoins partageait son temps entre son imprimerie et ses voyages. Souvent il avait recours aux services d’un mercenaire du nom de Tabor, du moins c’est comme cela que Youssef Al'Mahzuz nommait cet homme, car celui-ci était resté vague tant sur ses origines que sur son vrai nom.
Son surnom était venu à l’esprit de Youssef lors de leur premier bivouac. C’était là, au fin fond d’une forêt, après une longue équipée à cheval, qu’ils avaient allumé leur feu de camp. Chacun s’étant le plus commodément installé pour passer une nuit de repos, ils avaient commencé à mettre au feu une bonne soupe, une de ces soupes aussi gouteuses que revigorantes.
Son garde du corps était un taiseux, la seule chose que Youssef entendait, c’était des « slurps, slurps » que l’homme faisait quand il portait sa cuillère à ses lèvres.
Puis enfin, après le troisième bol de soupe, il avait tambouriné du plat de ses mains semblables à des battoires sur son ventre rebondi, cela avait fait un bruit de tambour.
- Elle est bien bonne votre soupe sire Youssef.
- De rien sire Tabor.
- Sire Tabor ?
- Eh bien oui, vu que vous êtes mystérieux sur votre vrai nom, j’ai décidé d’écouter votre ventre. Il dit s’appeler Tabor, c'est un autre nom pour parler d'un tambourin.
- Ma foi pourquoi pas.
Le temps avait passé, mais le nom lui était resté.
Hors donc, un jour qu’il était plus loquace, c’est-à-dire qu’au bout de deux heures de silence, il l’avait rompu afin de poser une question à Youssef.
- Sire Youssef pourquoi cette quête de ce que vous appelez des artéfacts des anciens mondes ?
- Eh bien Sire Tabor, nous n'étudions jamais avec une impartialité complète l'histoire des siècles qui nous ont précédés. Que sait-on des haines ou des ardentes sympathies qui agitèrent une époque ? Que sait-on du savoir et des découvertes qui se sont éteintes en traversant les âges ? Je trouve étrange qu’ils n'exercent plus sur nous aucune influence. Nous nous égarons encore dans l'appréciation des hommes et des choses, nous avons oublié les anciennes techniques. C’est comme si on voulait nous cacher des vérités. Si on écoute les prêtres, il faut se laisser guider par les préjugés aveugles d'une éducation indigente et surtout respecter les castes. La moindre histoire qui émerge de notre passé se trouve presque toujours déifiée, entourée de légendes au mépris des lois imprescriptibles de la science. Combien seraient surpris les grands hommes oubliés, s'ils pouvaient, revenant au monde, feuilleter les livres que nous n’avons pas écrits sur eux !
***
Youssef avait laissé Tabor dans sa maison des bois. Dans moins d’une heure, il serait de retour chez lui à Rélahya. Il avait hâte de traduire les feuillés qu’il avait trouvé au milieu d’une des ruines au delà de la lisière des Terres Sombres. Son cheval gravissait déjà la colline, de son sommet, il pourrait voir les tours de sa chère cité.
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