Les Bois Etranges (Corr Anne).

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Année 2760 du troisième calendrier de l’Ecclésiaste

Aux premières lueurs du jour, les BMD (bio-micro-drones*) me confirmèrent l’absence de danger, aussi j’en envoyai un, en mission de reconnaissance, afin qu’il me trouve un itinéraire vers le Sud, vers les Bois Étranges.

En attendant son retour, je pensai à juste titre que j’avais besoin d’un bon bain pour retirer toute cette crasse qui me souillait le corps autant que l'âme.

Toute cette sueur, tout ce sang que je sentais encore, cette odeur de mort et de combat me suivait comme l'ombre maléfique de mes mauvaises actions, elle s’évaporerait en même temps que je sécherais au soleil allongé sur une dalle.

°°°°°°

Toutefois il était temps de se mettre en route et c’est d’un pas assuré que J’avançais plein sud, heureusement mon BMD avait trouvé un passage parmi les éboulis. L’Oracle combiné au drone m’avaient permis de descendre de la hamada en toute sécurité. J’avais enfin quitté le Plateau de pierres-ponce et son désert de caillasses pour une vaste plaine, que j’espérais déserte. Peu à peu, au fil de la descente, les plantes herbacées recommencèrent à couvrir le sol d’un tapis de verdure qui allait s’épaississant, mais à y regarder de plus près, il y avait peu de variétés comestibles et la grande majorité des buissons était toxique. Je mettais cette rareté des espèces consommables au compte de la proximité des Bois Étranges. Je pensais que j’avais été con de prendre tant de réserves d’eau, ici les sources étaient nombreuses et sourdaient de maintes anfractuosités de la roche. Après une rapide analyse, je vidai les trois-quarts de mes outres. Pourtant je devais absolument m’immuniser contre les dangers des Bois Étranges*. Je retirai de mes fontes plusieurs petites fioles, une d’elle contenait de la poudre de Blob Sidéral, une autre de la ciguë et pour la dernière de la farine d’herbe noire*. D’une bourse, je prélevai quelques feuilles violettes séchées des Bois Étranges*.

Je mélangeai le tout avec un peu d’eau et beaucoup d’alcool, avant d’avaler cette mixture. Pour tout autre cela aurait été fatal, mais pour moi, c’était un précieux sésame avant de passer la frontière des Bois Étranges*.

Ce type de forêt primaire était ô combien dangereux pour l’espèce humaine. Ici la flore autant que la faune en voulaient à votre vie.

La démarcation était matérialisée par une large haie vive de houx, dont les feuilles étaient comme des lames affûtées. elle était entrecoupée d’arbousiers et de ronciers.

What, lui, regardait d’un sale œil les baies rouges de ces arbres. Surtout depuis le jour où encore jeune, il s’en était gavé, le résultat avait été une monstrueuse diarrhée.

Ensuite, après ces arbustes, venaient les chardons de feu* ainsi que des grenadiers*.

Comme je le disais, les Bois Étranges* avaient plusieurs particularités, l’une d’entre elle était leur dangerosité. Ici mes drones ne me seraient d’aucune utilité, ils risquaient de se faire gober par une orchidée bondissante*, disloquer par une liane fouet* ou encore épingler par des mouches-harpon. C’était un des nombreux royaumes du Blob*, du moins c’est comme cela que j’appelais cette entité. Tous deux, nous avions fait connaissance de la plus étrange des façons, mais ceci est une autre histoire que je raconterai peut être un jour.

Pour pénétrer Les Bois Étranges, il fallait passer les nombreux rideaux étrangleurs*, ainsi que Les Cereus giganteus lance-aiguilles*.

Pratiquement tous les arbres possédaient la particularité de se mouvoir lentement jusqu’à trouver la place qui leur convenait. Ce lieu mêlait des plantes autochtones survivantes à la terraformation ainsi que nombre d’espèces modifiées par le Blob*. La plus grande majorité avait des formes bizarres, avec leurs feuilles inférieures presque bleu marine. Encore que, pour en faire la description, il fallait survivre à cette mortelle randonnée.

Outre la flore, la géologie, avec ses affleurements et ses chaos, ponctuait un paysage fantastique dont les énormes blocs ressemblant à du quartz restituaient la nuit une lumière bleutée.

Ici régnaient paix et silence. Les feuilles sentaient bon, ce parfum légèrement ambré repoussait peu à peu les souvenirs et l’odeur fétide des massacres, des incendies et des myriades de mouches qui m’avaient fait cortège.

Je gardais quand même à l’esprit que méfiance était mère de sûreté. Je soupçonnais quelques pièges, quelques harags* embusqués, mais, rien, pas même un oiseau pour gazouiller.

Seul mon roojas et moi semblions nous déplacer plus rapidement que les arbres dans cette étrange forêt.

Elle n’avait subi aucun outrage depuis le début des temps. Mais je savais que l’eau était la seule chose qui n’était pas empoisonnée en ce lieu solitaire.

Je fis plusieurs bivouacs sans allumer de feu, car ces arbres n'appréciaient pas cela et ils pouvaient de diverses manières, pas toujours agréables, vous le faire savoir.

Il faisait chaud, et j’eus plus d’une fois le désir de retirer mon casque, mon haubert et mon gambison, mais je me forçais à les garder. Car même si je pensais être immunisé, je n’en étais pas certain. Je dormais armé de pied en cap, une main sur la fusée de mon épée, l’autre à portée de ma rondache.

Mon roojas dont les deux grandes plumes sur son crâne s’étaient redressées, était à l’affût de la moindre activité hostile.

Plus d’une fois, sa capacité à anticiper le danger nous avait sauvés. J'avais mis mon bracelet "Oracle" en mode défense afin de pouvoir, cas échéant, créer un champ de force, car si mon compagnon suffisait à me prévenir de toutes menaces par ici, le champ de force, malgré sa consommation d’énergie pourrait nous sauver la vie.

En fin de compte, j’en vins à admettre que cette forêt était réellement un havre de paix et de silence. Aucun prédateur en maraude, nulle trace de gibier.

Je n’avais aucune explication à ce mystère et ce n'était pas ma préoccupation première.

On dit que sur Exo, l'œil des forêts des Bois Étranges est comme celui des femmes. Il a la profondeur de la mer et le calme du ciel. Et cet œil est rempli de tristesse et d'ennui. Car Exo n'est pas un paradis pour elles.

Il me fallut huit jours pour traverser ces lieux.

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