1er Ventode 767

Voilà, c’est fait. Mère repose aux côtés de son époux, dans le caveau familial. Sous la protection d’une paire de gargouilles environnées de roses de pierre.

Les funérailles étaient tristes et austères. Je les ai vécues un peu comme un rêve, incapable encore d’appréhender une réalité pourtant manifeste. L’ordinat était pratiquement désert. La comtesse de Traurhold et son fils, nos voisins les plus proches, le burgrave Imbrechs, vieil ami de la famille, quelques notables de Rosenwald et une poignée de curieux. Pas davantage. Autant de vide donnait un accent glacé aux échos de la nef, ponctués par l’assaut de la pluie lancinante sur les vitraux.

J’ai à peine écouté l’oraison du prêtre et, le moment venu, j’ai été incapable de rendre un dernier hommage. C’est ce brave Heinrich qui s’en est occupé pour moi. Je tentais d’imaginer le petit cadavre dans son cercueil, mais c’est l’image de cette poupée de dentelle déchirée pendue à l’arbre qui se manifestait.

Au terme de l’absoute, nous avons repris le chemin de la maison. La comtesse a évoqué sa santé fragile, les notables ont prétexté une affaire urgente ou un empêchement quelconque. Seul le burgrave nous a raccompagnés. Agnes avait fait son possible pour nous préparer un digne festin. Mais en fin de compte, il y avait beaucoup trop de quantités. J’ai picoré. Imbrechs a pratiquement vidé une bouteille d’aquavit avant de prendre congé. J’ai invité les domestiques à prendre place à la table. Ils ont un peu animé la conversation. Cependant, peu à peu, le silence a repris ses droits dans la salle à manger, sous les regards sévères des générations défuntes de Bluttschild accrochées aux murs.

Je suis navré, Mère. Tellement navré. Et si seul.