2 Ventode 767

N’aurai-je jamais plus le sommeil paisible ? Est-ce là mon châtiment ? Ou n’ai-je tout simplement pas rêvé ? La veille au soir, je m’étais pourtant effondré dans mon lit, épuisé.

Toute la nuit durant, j’ai entendu Mère gémir. À moins que ce ne soit cette vieille bâtisse. Je me suis même levé pour aller voir dans sa chambre, avant de réaliser que je n’y trouverais plus personne. Rien que des ombres et des souvenirs.

Puis je me suis retourné dans mes draps, encore et encore, agité par une sorte de fièvre, prisonnier quelque part entre la torpeur et l’éveil. Les plaintes allaient et venaient, sempiternelles. Parfois, lorsque, profitant d’une accalmie, le silence reprenait possession des lieux, je percevais au loin le martèlement d’une canne et d’un pas boiteux sur le dallage. Et chaque fois que je l’entendais, ce pas me paraissait plus proche. J’ai passé la fin de ma nuit réfugié sous mes couvertures, sans savoir au juste si j’étais hanté par des fantômes ou si mes songes étaient troublés de lambeaux du passé.

Au réveil, j’avais l’air d’un cadavre ambulant. Heinrich et Agnes s’en sont d’ailleurs gentiment inquiétés. J’ai essayé de les rassurer, mais je n’ai pas dû me montrer très convaincant. Je me sens mal. Au point qu’il est difficile de le formuler en mots. J’ai l’impression que le monde s’effondre.

Je ne sais plus quoi faire. J’ai le sentiment que mon avenir se résume à une longue agonie, que moi, le dernier représentant des Bluttschild, je suis condamné à contempler l’effritement des vestiges de mon héritage.