1. Nouvelle enquête
PAUL
*
5 avril.
Aussitôt arrivé au bureau, je suis convoqué par mon rédacteur en chef, Jean, ce qui sans aucun doute annonce le début d’une nouvelle mission : un nouvel horizon. En tant que journaliste dans le domaine de l’écologie, je suis souvent amené à parcourir les quatre coins du monde pour mes diverses investigations. Nombreuses ? C’est peu le dire. D’ailleurs, mes voyages s’avèrent à chaque fois être intéressants et intenses tant pour mon travail que pour mon plaisir personnel. Tombeur de ces dames grâce à mon physique avantageux et à une particularité hors du commun, je ne me prive pas de jouer de mes charmes pour toutes les piéger dans mes filets.
Comme ce matin, par exemple, qui semble propice à la séduction. Ma progression dans les couloirs de ma maison d’édition est rythmée par les silhouettes attrayantes de mes collègues. En revanche, étant sur mon lieu de travail, je préfère garder mon sérieux : le boulot avant tout ! Passionné par celui-ci, je me plonge durant un nombre incalculable d’heures dans chacune de mes recherches. Ce qui explique, je crois, mon besoin d’évasion au creux des bras d’une femme certains soirs.
Mon exploration des couloirs se termine, lorsque j’arrive devant la secrétaire de Jean qui m’accueille, un grand sourire aux lèvres. Mais je n’ai malheureusement pas de temps à perdre avec elle. Déjà en retard pour mon rendez-vous, je hoche la tête vers elle pour lui indiquer que mon rédacteur m’attend. La jeune femme confirme et me laisse filer vers la porte entrouverte de Jean. Un coup d’œil de sa part, suivit de quelques enjambées et je me retrouve les fesses dans un fauteuil à patienter alors qu’il termine sa conversation téléphonique.
— Tu es en retard., me reproche-t-il sans ménagement.
— Oui. Excuse-moi.
— Bref. Tu ne changes pas, mais poursuivons.
La voix de Jean est assurée, forte et surtout il semble pressé d’en finir avec moi. Alors il enchaîne sans plus d’introduction :
— D’après des informations récentes, plusieurs « continents de déchets » ont été retrouvés dans les océans. En revanche et cela me désole, il n’apparaît nulle part une quelconque mise en place de solution à ce problème. Ce qui nous explique ta présence ici. Je voudrais que tu mènes l’enquête sur ce sujet. Tu peux prendre quelques-uns de tes collègues avec toi, si besoin. Mais il y a une condition que je te demanderais de respecter.
— Laquelle ? l'interrogé-je à l’écoute.
— Je compte sur toi pour me fournir ton article et ton dossier complet avant la fin du mois d’août. La rubrique occupera, je l’espère, la « Une » de notre édition d’automne.
Je hoche la tête signe que je comprends l’importance de ma mission. Et il ne me manque qu’un seul détail que je ne manque pas de lui demander.
— Quand est-ce que je démarre ?
— Le plus tôt possible. Le mieux serait que tu commences au plus tard à la mi-mai. Sinon, je te connais, jamais tu ne me remettras ton dossier à temps.
J’acquiesce, m’apprête à me lever pour amorcer mes démarches, sauf que Jean à un dernier avertissement pour moi.
— Paul ! Cette fois, aucun retard ne sera toléré.
Cette remarque marque la fin de la discussion et mon départ de la pièce. J’ai, d’ailleurs, à peine un pied hors de son bureau que Jean convoque déjà un autre journaliste, il ne chôme pas. Et moi, je suis ravi de cette nouvelle enquête, elle s’annonce passionnante. Ces « continents de déchets » que nous avons évoqué, j’en ai justement parlé hier lors d’une conversation téléphonique avec mon pote d’enfance, Arthur. Lui qui est explorateur maritime, il dénonce avec férocité la pollution et les désastres causés par nos ordures ménagères qui se retrouvent en mer. Il est donc le mieux placé pour m’aider. D’autant plus qu’avec sa collaboration, je suis certain de récolter un maximum d’informations utiles.
Le seul problème que je vois à l’horizon, c’est que ma maison d’édition est basée en Suisse et que mon ami vit aux abords de Bordeaux. Bien qu’au fond, ce ne soit pas un souci si insurmontable que cela. L’avion, ça me connait !
Mais pour le moment, je dois me concentrer sur le reste de ma journée. Et elle se consacre, comme beaucoup d’autres, aux dernières modifications, relectures et corrections de mon article précédent. D’ailleurs, je ne suis pas le seul dans ce cas, et toutes les pages de la revue de cet été passent au peigne fin sous les yeux experts de mes collègues. J’ai hâte que ce projet soit clôturé pour pouvoir occuper la fin de mon mois d’avril à organiser ma future mission. Imaginer la réaction d’Arthur quand il va savoir que je rentre en France suffit à me remplir de joie.
Lui qui se plaint toujours de notre séparation, il va devoir me supporter près de quatre mois. Je vois déjà la tête souriante de sa femme et nos rires à la fin de ses blagues pourries. Cette pensée me plonge dans mes souvenirs. Me rappelle nos études ensembles, notre rencontre avec Vanessa avec qu’elle soit sa tendre épouse. Et si mon ami a su tomber sur la perle rare durant ces années-là, moi, je tâtonne encore préférant profiter de mon temps pour le boulot plus tôt que pour l’amour.
*
28 avril.
Je n’ai pas vu ses trois dernières semaines passées, elles ont filé comme le vent. L’avantage, c’est que mes recherches ont suivi leur dynamique et que l’organisation de mon enquête fut simple. Juste moi, mon ordinateur et quelques coups de fil auprès d’Arthur pour mettre en place mon séjour chez lui. Heureusement pour moi, sa femme Vanessa m’apprécie et ils ont une dépendance au fond de leur jardin. Parfait pour un journaliste en pleine enquête.
D’ailleurs, le sujet que m’a confié Jean est plus tendu que ce que je pensais. Les témoignages et images que j’ai pu récolter jusqu’ici en sont la preuve. Choqué et perturbé, je m’interroge sur les actions qui ont provoqué la création d’îles de déchets d’une telle ampleur. J’aimerais comprendre, et c’est cette raison qui m’a conduit à ce métier. Dénoncer les dégâts que nous causons à notre environnement pour mieux aider les consommateurs avec des conseils qui leur permettront de changer leurs habitudes. Leur montrer que de simples gestes peuvent participer à la sauvegarde de notre planète.
En tout cas, j’espère pouvoir à ma hauteur faire passer un message au reste du monde. Et mon départ pour Bordeaux dans quelques heures en est le point de départ. Du moins, pour ce nouveau sujet. Affalé dans mon canapé, je me repasse le fil de nos conversations avec Arthur. Aéroport, dépendance, expédition en mer et son humour légendaire m’attendent à Bordeaux. Le tout agrémenté par un avertissement corsé : « Tiens-toi loin des amies de Vanessa, toi et tes yeux ravageurs ! ».
Mes mirettes ? C’est mon atout majeur pour faire fondre les femmes. Grands bruns aux yeux vairons. Ma mère est la première à se féliciter d’avoir donné naissance à un si beau garçon. Moi, ce que j’en pense ? Cette caractéristique est un avantage considérable sur la concurrence en matière de séduction. Une musculature développée est certes, tentante, mais, un regard ténébreux aux nuances uniques ça attire toujours l’attention.
Je n’ai pas le temps de rêvasser plus longtemps, rattrapé par l’alarme de mon portable qui me rappelle à l’ordre. C’est l’heure du départ ! Je saute sur mes pieds avant de faire les dernières vérifications. J’observe un instant cet appartement qui me sert de refuge et c’est parti. Direction l’aéroport ! Valise en main, billet d’avion en poche, je me réjouis de ce voyage. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison que je vais profiter de mes retrouvailles avec mon plus ancien ami et, fait non négligeable, je vais avoir la possibilité de découvrir de nouvelles courbes féminines.
L’important reste mon article. Bien sûr.
Et j’envisage mes recherches avec sérieux. Les informations collectées jusqu’à présent sont assez complètes, mais je compte m’appuyer sur les connaissances d’Arthur pour ajouter des arguments infaillibles. Il m’a, pour l’occasion, promis un séjour sur les eaux pour m’aider à analyser la situation au « cœur du désastre ». Et je sens que lui et son équipe auront des réponses encore inédites pour les consommateurs.
En attendant, c’est armé de mon billet de transport que je me dirige en vitesse vers ma porte d’embarquement. Comme à mon habitude, je suis tout juste dans les temps. Grand retardataire, je me félicite presque d’être à l’heure pour le départ. Ce qui a le don de faire rire la charmante hôtesse de l’air qui scanne le bout de papier me permettant de monter dans l’avion. Elle rougit en posant son regard sur le mien. Mais l’agent de la sécurité qui l’accompagne me coupe l’herbe sous le pied en me pressant, m’ordonnant d’avancer.
Enfin !
Installé à ma place, je suis un des plus heureux passagers de l’avion, avec mon fauteuil près d’un hublot. Admirer la vue du haut des nuages est un bonus que j’adore. Et à moins que le vieil homme à côté de moi trouve un moyen de détourner mon attention, durant nos deux heures de vol, je compte me délecter de cette vue au maximum.
Cependant avant d’envisager d’admirer le ciel, je profite avec plaisir des populaires explications des normes de sécurité avec nos belles hôtesses de l’air comme maîtresses de cérémonie. Je me régale des lignes offertes par leur uniforme, avant d’être surpris par mon compagnon de voyage. Je hausse les épaules et m’enfonce dans mon siège, tel un gosse. Puis, c’est le décollage et le moment pour moi de me laisser submerger par mes pensées.
Bordeaux, cette ville que j’ai quittée depuis longtemps, pourrait-elle être ma chance de découvrir une femme qui saurait conquérir mon cœur ? Peut-être que ce retour aux sources, aux côtés de mes deux amis, pourra me conduire vers un renouveau. Après tout, une nouvelle enquête est l’ouverture d’un nouveau sujet. Un séjour pour tout changer.
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