Kallian.

— Tout cela est arrivé à cause de ses actions, soupira-t-il en se massant la nuque.

Il avait grandement besoin de se détendre dans un autre bain et de recevoir un massage apaisant.

— On ne peut pas lui en vouloir entièrement, intervint Amarys.

— Elle s’est rebellée contre son mari, et il l’a poursuivie. Certains diraient que c’est de sa faute.

— Mais elle n’est pas… responsable de la maladie du gouverneur… Ni du vin que Nikanor a bu avant de partir. Elle ne devrait pas être tenue responsable de sa chute de cheval… Elle n’était même pas responsable de sa décision de s’en prendre à elle.

Elle semblait hésitante dans ses affirmations, partagée entre l’envie de défendre Julia et un certain doute que Kallian perçut subtilement.

— Chaque personne est responsable de ses propres actions et, en fin de compte, c’est Dieu qui détermine le résultat.

— Donc, selon les caprices d’un dieu invisible, Nikanor est mort, en déduit Kallian.

— Ce n’est pas une question de caprice, Votre Altesse.

— Vraiment ? Tous les dieux agissent selon leurs caprices. En quoi le tien est-il différent des autres ?

— Dieu n’est pas comme…

— Ne suppose pas que tu as toutes les réponses, l’interrompit Son Altesse. Un jour, tu pourrais être désagréablement surprise.

Amarys s’approcha de lui. Espérait-elle que la proximité l’aiderait à comprendre ?

— Nous sommes tous des fils individuels tissés ensemble dans une toile créée par Dieu. Lui seul peut voir le tableau complet, mais même un moineau ne tombe pas à son insu.

— Toutes ces heures passées à converser avec Nikanor t’ont délié la langue.

Elle baissa le chef.

— Penses-tu que la mort de Nikanor soit un élément d’un plan divin ?

— Vous vous moquez de moi…

Kallian secoua la tête.

— Non, je suis simplement émerveillé par ta dévotion envers un dieu qui détruit impitoyablement son propre peuple et prend la vie d’un homme qui n’a commis d’autres torts que d’épouser une femme têtue. Je me demande pourquoi tu continues à vénérer une divinité aussi cruelle au lieu de chercher une alternative plus sage.

— Dieu fait tout pour le plus grand bien… murmura-t-elle pour elle-même, presque comme pour essayer de se convaincre.

Il laissa échapper un rire amer et cynique.

— Ah oui. Le bien est déjà sorti de cette tragédie. La mort de Nikanor a libéré Julia.

Kallian remarqua la main d’Amarys qui se porta instinctivement sur son collier de cuir, en réaction à ses paroles sans cœur. Le regret l’envahit, réalisant la douleur qu’il lui avait causée. Son chagrin pour Nikanor de Philippos paraissait sincère.

La serve marqua une courte pause.

— La princesse Julia aura moins de liberté à Aetherna qu’elle n’en avait ici…

Il contempla une fois de plus ses yeux envoûtants, éclairés par la lune. La douce lueur se répandait sur son collier en cuir et sa robe beige, révélant avec délicatesse des courbes de plus en plus féminines, tandis que sa maigreur s’évanouissait au fil des jours.

— Tu es perspicace, reconnut-il.

Kallian laissa échapper un soupir fatigué. Il avait pris sa décision concernant Persis et les autres : il ne ferait rien. Absolument rien.

— Tu peux maintenant aller te coucher, Amarys. Tu as accompli ce que tu voulais, apaise tes peurs. Persis et les autres seront épargnés.

Amarys murmura si doucement qu’il ne l’entendit presque pas.

— C’était pour vous que j’avais le plus peur, Kallian.

Il la regarda s’éloigner dans l’allée, réalisant qu’il avait passé toute cette soirée dans les jardins à l’attendre, elle, et la tranquillité qu’elle apportait.

De retour à la bibliothèque, le prince se sentit plus déterminé que jamais. Il prit le document scellé et le brûla sous les flammes des candélabres.

Nul ne se mettrait jamais entre lui et Amarys. Nikanor ne constituait plus un obstacle. Encore moins son acte d'octroi d'Orthogone signé de la main de l'Empereur.