Je file dans des pensées furtives

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Je file dans mes pensées furtives, allant en direction du premier arrondissement, je décide, vu l’heure matinale, de flâner du côté de la Seine, en passant par Le Louvre. Les rayons grisants et matinaux du soleil illuminent de mille feux la Pyramide de Verre, symbole de la gloire du Sphinx Mitterand. Il n’y a pas à dire, cette construction est remarquable, même si elle fut controversée à l’époque. Dorénavant, elle fait partie du cadre quotidien de la capitale. Je m’approche des quais de Seine pour m’y arrêter et contempler le fleuve immuable et atone.

J’observe les eaux de la Seine, pêle-mêle, noires et infrangibles, où dorment, dans les profondeurs, la vie mystérieuse des âmes de Paris, aussi tortureuses et alambiquées que la mienne, au gré de mes peines, peurs et remords. À cet instant, me remémorant ma petite partie de jambe en l’air avec Anne, j’éprouve alors un sentiment d’irritation et de gêne. Avec Anne, nous n’atteignons plus le réel. Nous jouons, nous faussons la réalité! Nous la triturons pour mieux l’appréhender, pour mieux la survivre.

Nos cœurs sont si blessés qu’ils connaissent ainsi toutes les indélicatesses des sentiments, les larmes s’accroissent, survivants par-dessus nos désirs insatisfaits. Nous arrivons à éterniser et perpétuer ce que l’on déteste. Les plaies ne se referment plus. La gangrène se pointe à l’horizon.

Nous sommes dans un état constant de survie.

Survivor!

Lequel des deux va bouffer l’autre.

Nous tirons désormais les rideaux sous prétexte de nous préserver nous-mêmes de la lumière. Cette lumière qui était l’essence de notre amour. Mais en fait, nous préférons la semi-obscurité du quotidien que d’entrevoir la clarté de la vérité. Sinon ce serait admettre que tout a une fin. Alors on se rattache à des mirages comme notre fille Mathilde ou à des semblants de vie. Et à force, nous passons à côté d’elle, notre fille bien sûr. Mais si vous pensiez que je disais la vie, il en est de même.

Les stores ont toujours pour effet de cacher la fenêtre, mais nous en sommes arrivés à peindre une fenêtre en trompe-l’œil sur le mur de notre appartement. Mais pourquoi la lumière se morfond toujours au tréfonds d’un puits sans fonds?

Sombrer pour soi-disant mieux rebondir. Sombrer, c’est retrouver son humanité en acceptant que tout a une fin. Mais est-ce donc cela l’amour du couple? Qu’il sombre comme le Titanic pour voguer ensuite sur de belles vagues qui meurent sur le sable fin d’une île du bout du monde. J’ai pas tout compris. Il faudrait que notre amour crève pour qu’il renaisse dans toute sa splendeur. C’est un peu tordu. Mais c’est ce que nous suggère Socrate et toute sa clique. Ainsi que les frangins pingouins1.

En fait, la sagesse serait dorénavant, pour nous, de trouver enfin notre vérité et non cette sincérité d’ensemble que nous jouons tous les jours au prix de menus mensonges, subterfuges et de trahisons. Nous ne pouvons nous résigner à la simplicité naturelle du cœur et nous déformons les sentiments jusqu’à ce qu’ils semblassent des miroirs aux alouettes. Cette simagrée de vie de couple dénonce cette vanité qui nous pousse à mentir, le tout dans un cabotinage de déception et de mélancolie.

Tout ça n’est que de l’esbroufe et de la poudre de Perlimpinpin, comme qui dirait Emmanuel. Perlimpinpin, perlimpinpin. Il n’y a rien, plus rien à proposer que de la poudre de perlimpinpin.

La recherche de la vérité, de notre vérité. La recherche de Dieu, finalement. Dieu existe-t-il ou est-il juste une image, créée de toute pièce comme notre amour finalement, pour mieux appréhender les vicissitudes de la vie? De mon humble avis de pauvre petit graphiste, je serais prétentieux de dire qu’il n’existe pas, mais tout aussi orgueilleux d’admettre l’inverse. Nous n’en savons rien. N’est-il pas juste une entité indescriptible que les athées définissent par les termes de nature et de hasard et que les croyants appellent Esprit? Divine comédie que tout ceci.

Une chose est certaine, je pense, que l’on reconnaisse son existence ou non, Dieu est en nous, il est nous, il est vous, il est toi. Il est cette femme, il est cet enfant, cet homme, ce chat, cet arbre. Il est Mathilde, il est Anne.

C’est pour moi l’unique vérité. Il est ce que nous sommes et voulons qu’il soit, mais il nous a un peu oublié, car il paraitrait que Dieu est amour. Et pour l’instant, l’amour chez moi est bien foireux.

Il est le verbe. Le verbe est le mot qui structure l’énoncé, la pensée. Il est le principe de la phrase. Le verbe est en nous, c’est pour ça que nous agissons. Il est notre âme. Il est l’esprit. Il est donc nous. Pour les croyants,finalement, nous sommes le sujet. Mais ne serions-nous pas finalement le verbe? Ne sommes-nous pas tous une partie de Dieu, une partie de la création, une partie de la phrase ? L’archi-écriture derridienne.

Une phrase sans verbe, de toute façon, n’a aucun sens. D’un autre côté, lorsque l’on y pense, l’homme est souvent un non-sens. Ma vie l’est et avec Anne, elle l’est vraiment. Et sans lui, l’univers continue d’avancer. Nous ne sommes que de pauvres passagers du vent dans le temps qui coule. Lorsqu’une personne tombe dans un coma végétatif, le verbe n’est plus. Ou presque, car tout végétal est Dieu. Car il fait partie intégrante du cycle de la vie.

Le verbe est la création, et la création est la liberté de pensée. Nous sommes libres. Et chercher notre vérité, c’est se comprendre soi-même. Une fois le but atteint, nous ne pouvons qu’aspirer au bonheur, mais le chemin devient long, vraiment trop long.

Mais avec Anne, les phrases sont désordonnées. Elles deviennent des circonlocutions, des ambiguïtés, des réticences, des détours et des demi-teintes. Nous discourons avec ambages et incidents, avançant sur la pointe des pieds dans un langage de sourds et malentendants. Peut-être arriverons-nous à nous exprimer en langage des signes? Allez savoir? Et le signe qui revient souvent est celui du majeur en l’air ou du bras d’honneur, du bras des déshonneurs. Et on y va en paraphrases malignes et délayées dans nos humeurs contrariées. Et de paraphrases en périphrases, de litotes en euphémismes, nous apostrophons à la gueule de l’autre des déconvenues, des mensonges, des insanités à n’en plus finir, du matin jusqu’au soir. Nous endurons chaque jour le mépris et les injures de l’autre. Et comme pour tout remettre un peu d’ordre, car nos hormones femelles et mâles sont excitées par ce trop plein de jurons, j’en viens à lui bouffer la chatte, et elle s’empale lascivement sur ma queue, bien droite comme un point d’exclamation au bout d’une phrase au petit déjeuner. Puis, comme un con, après, je me retrouve accoudée sur un mur de quai de Seine, trois points de suspension dans la tête. Anne et moi aurons montré pourquoi nos sentiments, avec ses hésitations de prendre la bonne décision jusqu’au terme, ne peuvent qu’être que négatifs. Pourtant, au fond de moi, je sens que cette journée ne commence pas comme je l’avais imaginé et va se baigner d’un caractère imprévu et détonnant.

Face à la Seine, je me retrouve devant les profondeurs de l‘abîme de mon couple. Face à la Seine, de longues et profondes interrogations soulèvent en moi les doutes sur la sincérité de notre couple, sur la réalité de notre pensée, sur l’authenticité de notre vie. De la vie. Anne et moi aspirons au bonheur. Il est venu à nous, mais dorénavant il nous échappe. Nous n’avons pas su le préserver.

Il faudra bien un jour crever l’abcès, ouvrir nos cœurs pour nous libérer de la gravité de nos plaies respectives. Il n’y a désormais plus d’alternative. Il faut bien se rendre compte que rester ensemble ne sert plus à rien. L’amour subit l’inconstance des affections au fil du temps, des ondes et des saisons. L’inconstance est le propre de l’homme. L’être humain est ainsi, femme ou homme, hétéro ou homo, transgenre ou décalé, de nature rêveuse, un peu trouble et toujours flottante comme des nuages vaporeux. Comment alors prendre de nouveaux engagements lorsqu’on doute désormais? Nous ne sommes plus à même de les tenir. D’où nos retraits, nos fuites, notre apparente versatilité dans une existence monochrome faite de pièces vides.

On se joue un jeu, à coup de dé, de hasard. On joue à s’aimer, à se détester. On ne fait plus l’amour. On joue à baiser. On feint des orgasmes atteints. Et lorsque chaque matin nous nous regardons devant le miroir de la salle de bains, nous ne sommes plus que le pâle reflet de nous mêmes.

Les années passent, repassent comme un vieux fer bien chaud, puis trépassent. Nous sommes taris par nos cancers que sont l’orgueil et la vanité. Anne et moi en sommes venus à rayonner de notre orgueil démesuré. Nous voulons toujours avoir le dernier mot , sauver la face, sans jamais nous remettre en cause. Ce serait accepter la défaite. La défaite d’un combat futile et absurde. Le couple n’est plus une union, mais un combat de catch. The Undertaker face à Triple H, L’amour se joue sur un ring après ces années passées ensemble l’un à côté de l’autre. Pourquoi faut-il toujours que l’amour se transforme ainsi?

Les soleils s’inclinent, mais nous restent-ils encore des rêves? Alors, les nuits, nous plions bagages, on se tire des flûtes à travers des histoires illusoires, mais échappatoires.

Et je suis là comme un vieux con à regarder les premières péniches descendre le fleuve. Ce fleuve toujours immuable et imperturbable, devenu si noir et opaque à force de s’abreuver de rancœurs, de nos faiblesses, de nos doutes.

Et la Seine est là, toujours là depuis des années, des décennies et des siècles passés. Ainsi soit-il, ainsi soit-elle!

Toujours la même depuis des années, des siècles passés. Témoin de ces baisers langoureux que se donnent les premiers amours fougueux des amants sur ces quais, ou de ces âmes perdues et suicidaires à la dérive, acculées par les démons, les doutes ou les peurs insurmontables de leur piètre vie insignifiante qui se jettent de ses ponts qui l’enjambent. Et tous ces cœurs qui battent, ces jambes qui courent, ces passants qui ne la regardent même pas, ou ces peintres et poètes qui l’enchantent, sont-ils toujours les mêmes depuis ces années? Sommes-nous toujours les mêmes ou changeons-nous avec le temps? Que peut-elle nous dire, la Seine? Elle, qui, petit ruisseau fringant, intrépide à travers les herbes vertes et les peupliers de Source Seine, devient ce monstre lent, monotone, portant d’imposantes péniches et divers navires fluviaux. Change-t-elle finalement au cours du temps? Change-t-elle lorsque ces eaux traversent les plaines de Bourgogne, parisiennes et normandes jusqu’à l’embouchure de la Manche? Est-elle comme nous? Finalement, ses reflets ne renvoient-ils pas l’écho de nos erreurs, de nos incompréhensions ? Et j’en perçois ces bêtes noires, qui emplissent nos cœurs, boivent ses reflets au lieu de l’eau qui reflète. Le couple n’est en fait qu’un reflet éphémère, étiolé de l’amour qui s’étiole au fil du temps, au fil de l’eau. Mais où sont passées les neiges d’antan? Un couple n’est qu’un végétal artificiel, privé d’air et des rayons du soleil, possédant peu de substance et de vertu. Combien de jeunes couples confinés dans une vie de faux-semblants se fanent et périssent faute de compréhension, de confiance et de respect? Les amours végètent et se débilitent. Les amours se meurent. L’amour se meurt. Les amants se meurent.

Puis-je encore croire à l’avenir, en notre avenir? Ce n’est pas un simple petit coup de queue qui va nous remettre sur les rails. Car malgré nos parties de jambes en l’air (finalement, il ne nous reste plus que ça), son coït orgasmique matinal, je l’entends encore s’énerver sur mes comportements de mâle primate. “Pourquoi avec toi je peux jamais discuter ?” « Tu ne comprends jamais rien? » “ C’est dingue, mes amies, elles, comprennent, pas toi.” “Tes arguments sont toujours aussi foireux.” “ T’as des putains de boules quiès naturelles ou quoi?” Vraiment tous les mêmes. T’as pas évolué depuis 25 ans. Tu vis dans quel monde? »

Le plus insupportable, outre sa mauvaise foi, est qu’elle a l’art de s’approprier ma réalité. Elle usurpe systématiquement ma pensée, mes faits et gestes. Elle s’attribue tout simplement à elle, de façon illégitime, toute discussion que je peux avoir avec une autre personne. En d’autres termes, lorsque je lui relate un fait ou une affaire que j’ai avec un bipède de mon espèce et qu’elle en rapporte à une autre personne comme ses frères et sœurs, ses parents ou ses amies, systématiquement, le «il» devient «je». Ce n’est plus moi qui ai vécu cette action, mais elle, à ma place. Au point que tout ce qui se passe à la maison, entre nous, c’est elle qui le fait. Mes réflexions deviennent les siennes.

Je fus licencié il y a quelques années, et lorsqu’elle remémore ce douloureux instant de ma vie, c’est elle qui le vit au point qu’elle arrive à y mettre des détails qui n’ont jamais existé. Elle affabule, elle édulcore. Ça tient de famille. De mère en fille et depuis de longues générations. Elle réinvente l’histoire. Et lorsque je lui fais la remarque toujours à la suite d’une forte dispute – que ce qu’elle conte à ses chères amies toujours en guerre avec leurs conjoints est erroné, modifié à sa sauce béarnaise, et que je lui mets la tête dans son assiette, elle dégage en touche, avec toujours cet air hautain, elle ajoute que ce qui compte n’est pas qui le fait ou comment cela s’est fait réellement, mais le fait lui-même, qu’il soit déformé ou pas. Et que ce n’est point important. C’est juste une question de détail. Mais justement, le détail fait souvent la différence. Et pour certains, les chambres à gaz n’étaient que du détail. Vous pouvez me dire qu’en soi, il n’y a pas de quoi en faire une affaire d’État. Eh bien si. J’en ai marre de passer pour celui qui se laisse vivre. Que madame porte tout sur ses épaules! Et comme tout bon homme qui se respecte, je n’en fais qu’à ma tête, avec ma mauvaise foi et que je suis une feignasse. Je ne vivrais pas sur la même planète qu’elle. Sur ce, elle n’a pas tort,car, quoiqu’il en soit, les femmes et les hommes, nous ne venons pas de la même planète.

Quel est le connard qui a prêché que l’homme et la femme pensaient pareil? C’est vrai! Il faut penser pareil, se comporter pareil, baiser pareil… foutaise. Nous ne sommes pas formatés de la même manière. On n’a pas le même OS dans la tête. Comparer un homme et une femme, c’est comme comparer un Mac à un PC. Même connectique, même circuit électronique, mais pas même soft. Je ne dis pas que l’un est mieux que l’autre. L’homme est un PC ardu et une femme, un soft intuitif comme un OS.

Putain de dieu, vous n’avez pas compris ou vous le faites exprès! Est-ce que nous changeons au fil du temps? Voilà ce que j’évoquais. Mais il faut se rendre à l’évidence, chère lectrice : comprendre un homme n’est pas simple affaire. Combien de femmes dans leur couple essayent de comprendre et de changer leur homme? Cela relève du défi. Quel est l’astre qui symbolise l’homme et celui qui symbolise la femme? En bon macho, je dirais que le Soleil est celui qui donne la vie, rayonne, et elle est la Lune, car changeante et lunatique. La Lune est à la Terre ce que la femme est à l’homme, sa 7ᵉ côte. Je déconne. Bien entendu.

Non, la réponse est Mars et Vénus. Mais quelle est la particularité de Vénus? Cela est implacable : elle a un sens de rotation sur elle-même que l’on nomme rétrograde, c’est-à-dire indirect. Et, pompon sur la Garonne, elle a une rotation plus lente. Oups. Le plus étonnant Vénus possède un jour sidéral plus long que son jour solaire. Le jour solaire est l’intervalle moyen entre deux passages consécutifs du Soleil au méridien. Le jour sidéral est calculé d’après le point vernal (il définit le méridien zéro). Le jour solaire de la Terre est de 24 h et son jour sidéral de 23 H 56 mn et 4,09 s (mort de rire pour la précision). Vénus, c’est l’inverse. Elle met 115 jours terrestres à tourner sur elle-même , alors que son jour sidéral est de 243 jours. Putain qu’elle est lente la feignasse. C’est bien de la bonne femme. L’unique planète du système solaire qui tourne dans le sens inverse. Dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. J’arrête, car je vais me faire haïr. Quand je vous dis, depuis le début de ce roman, qu’on vit dans un monde patriarcal où même les astrophysiciens s’y sont mis. Les femmes seraient, selon les planètes, une particularité du système universel. Moralité : étant donné que nous tournons dans des sens opposés, comment pouvons-nous nous comprendre ?

Comprendre un homme est une aventure perdue d’avance, semée d’embuches et d’incompréhension. Quoi de plus épineux que comprendre un homme! Mesdames, il faut se rendre à l’évidence, la pensée masculine relève de l’irrationnel. Vous avez toujours l’impression qu’un homme reste un ado attardé et que vous tombez toujours sur celui qui ne vous correspond pas. Mais oui, nous sommes des ados attardés. Point barre!!!! Vous pouvez changer de mec, ça n’y fera rien. Le Grand Jacques le dit.

Nous sommes de pauvres êtres instables, incapables d’envisager plusieurs situations et notamment de les anticiper. Mes chères princesses, vous êtes capables de vous remettre en question, de changer de comportement, là où, démoralisées, vous êtes aux défis qui nous envahissent, car nous, les hommes, sommes incapables de voir les possibilités qui s’offrent à nous. Lisez ce roman et vous comprendrez. Je ne cesse de baiser et ne sait pas choisir.

Un homme est un être qui panique par définition, et lorsqu’une relation démarre fort au niveau des sentiments et de l’attraction (coup de foudre), elle peut s’arrêter du jour au lendemain sans explication quelques jours, semaines ou mois plus tard. Nous ne sommes jamais sûrs de nos choix. Ce qui nous submerge au point de préférer prendre la fuite. Lisez et relisez Voyage au bout de la nuit et vous comprendrez. Oui, l’homme est lâche par définition.

L’un des désaccords profonds dans le couple est le manque d’investissement de votre conjoint, selon vous, et cette vision qu’il ne partage pas. Nous avons une manière de communiquer qui surprend. Nous faisons marche arrière rapidement (souvent par mauvaise foi) lorsque nous estimons donner plus que nous recevons.

Un homme a toujours besoin d’être remercié et de se sentir valorisé dans sa masculinité. Eh oui, la masculinité. L’angoisse des hommes. Il a toujours besoin d’être aiguillé en lui expliquant ce que vous attendez de lui, mais souvent, c’est peine perdue. Que voulez-vous, un homme a toujours eu une mère qui le materne et veut reproduire ce schéma dans son couple. Il ne comprend pas pourquoi maman est toujours là et que bobonne non. L’homme voit toujours en la femme le reflet de sa propre mère. Enfants, les garçons sont dans une relation hétérosexuelle et ont moins besoin de se détacher du lien maternel que les filles. C’est pour ça aussi que les hommes ont du mal à quitter une femme. Votre présence auprès de nous rappelle toujours celle de la mère présente.

Nous percevons toujours le désir des femmes comme des ordres. Les hommes vous paraissent égoïstes. Mais bref, petit rappel de la différence entre un homme et une femme : c’est que votre cerveau vit d’une manière cyclique à cause notamment de vos règles. Le cerveau masculin, je l’ai déjà dit, est plus primat, primaire, brut. Il est une ligne droite. Un père prend conscience de sa paternité à la naissance du bébé. Mesdames, vous vivez dans la continuité des générations passées. Vous êtes la transmission. De plus, les hommes vous font rigoler lorsque votre conjoint est persuadé qu’il plait à une femme dès qu’il croise son regard et qu’elle lui fait un petit sourire. Nous avons tendance à projeter notre propre désir sur une inconnue qui nous sourit et non l’inverse.

Moralité : nous sommes bien primaires.

En ce moment, mon regard ne cesse de se perdre dans la noirceur de la Seine. Comme elle, reine de la nuit, ne suis-je pas condamné à être enseveli dans une éternelle obscurité qui semble couler interminablement dans une eau dissolvante, me laissant trainer dans les méandres de l’âme humaine?

Côté couple, vous remarquez, cher lecteur et lectrice, ce n’est pas le Nirvana, ou si, si c’est celui de Kurt Cobain. « Viens couvert de boue, trempé dans de l’eau de Javel, chante-t-il dans Come as you are. “As an old memoria“ ajoute-t-il , « un vieux souvenir javélisé. » Par contre, lorsque je regarde la définition du Nirvana par Schopenhauer : oups!!!! « état de délivrance intellectuelle et affective obtenu par le renoncement au vouloir-vivre ». C’est la disparition du désir. C’est triste. Non! Je ne dis pas qu’il faut vivre avec ses penchants, mais nous sommes des êtres faits de chair. Désirer une femme, n’est-ce pas magnifique, contempler la Joconde (je sais, elle ne fait pas bander tout le monde), ou déguster un bon Gevrey-Chambertin de derrière les fagots? Dégrossissons notre pierre brute, mais ne faisons pas de la vertu un opéra à 4 sous.

Qu’est-ce que la morale? Il n’y a pas une morale, mais des morales. À force d’épurer nos mœurs, nous aseptisons la société. N’oublions jamais, et ceci étant un grand débat, le fascisme, le nazisme, le communisme et la démocratie libérale occidentale sont les filles, les 4 filles, de la philosophie des Lumières, comme celle du docteur Marsch. Arrêtons de confondre la force d’âme ou la force d’un individu qui lui permet de se porter vers le bien, vers son devoir d’homme, avec les mœurs. À force d’épurer, on rase les femmes à la libération, car elles eurent le malheur d’aimer, de désirer, alors qu’on encense encore Coco Chanel, collabo, espionne pour la Wermarcht et antisémite notoire. Sans oublier L’Oréal : «C’est parce que je le vaux bien » a spolié les juifs après les avoir envoyés dans les chambres à gaz. Les Juifs, les homosexuels, les résistants le valaient-ils bien ?

Côté travail, c’est pas ça non plus.

Ding, ding.

Mon smartphone dernier cri se met à sonner.

Tiens Antoine

Antoine, mon bien-aimé frère de loge. Antoine, mon meilleur ami, commissaire à la DGSI, c’est pratique tout de même. Je le connais depuis 4 ans. Je suis devenu Franc-Mac comme disent nos détracteurs, il y a donc 4 ans. J’y suis rentré par hasard, grâce à un client de l’agence qui a trouvé, dans mon humble personne, le parfait franc-maçon. Et depuis 4 ans, j’ai gravi les 5 premières marches du temple, et je devrais justement gravir les 2 dernières pour me retrouver devant le pavé mosaïque, pour devenirsublissime maître-maçon, et je vais troquer mon tablier de cuir blanc contre un beau tablier de tissus aux couleurs de notre rite, donc bleue. Antoine est notre premier surveillant1, et devrait devenir notre vénérable maître2 dans quelques mois. Donc, en tant que compagnon maçon, je suis sous sa protection et son œil averti. Mais Antoine n’est pas que mon premier surveillant, il est aussi devenu mon meilleur ami. Une écoute attentive, notamment des déboires de mon couple, si attentive écoute que, grâce à lui, j’ai découvert le monde libertin parisien et les plaisirs multiples, et notamment avec Emmanuelle (le hasard du prénom), une belle blonde de 29 ans, 1,75 m, 55 kilos, à la peau blanche, aux petits tétons rosés et surtout un cul à faire pâlir elle aussi un rabbin, un curé et un iman, tous prêts à renoncer à leurs vœux pour un mini-gangbang. Sa particularité : une vraie petite chienne en chaleur, adoratrice de la cravache, du gant de velours et du bâton. Par elle, je suis entré doucement depuis quelques mois dans l’univers BDSM. De cette pratique, je ne connaissais que Sade et Pauline Réage. Emmanuelle était l’ancienne soumise d’Antoine et est devenue ma sexfriend et,dorénavant, ma soumise sexuelle. On s’adore. Nous sommes si complices. On se comprend, on se complète. Ce qui était une histoire de cul pimentée est devenu une amitié profonde et sincère, et, reconnaissons-le, amoureuse. Me direz-vous, pourquoi ne pas plaquer Anne pour Emmanuelle?

La différence d’âge et surtout qu’Emmanuelle désire son entière autonomie. Porteuse d’un collier au cou, avec une laisse dans nos jeux, mais non de la bague au doigt. Oui, depuis un an, je trompe Anne. Il n’est pas fier, le maçon. Ma vertu, je l’ai mise de côté, mais comme tout maçon, je suis avant tout un homme libre, libre de pensée. Et puis, je ne cherche pas à savoir ce que fout Anne avec Cédric certains après-midis entiers. Je ne cherche pas à savoir. D’ailleurs, elle non plus. Je reconnais que parfois, être maçon me sert de prétexte pour aller butiner le con d’Emmanuelle, sa touffe blonde, son clito rosie, annelé, comme ces beaux tétons. Ma fierté avec Emmanuelle est son tatouage, qui court le long de son bras droit, un entrelacs de roses, d’épines, de tête de mort, que j’ai moi-même dessiné, et j’en suis fier. Rien que de penser à elle, je bande. Lui faire l’amour est un délice, la soumettre est un chemin tortueux mais si agréable.

Quoiqu’il en soit, mon cher Antoine m’invite à prendre un vieux whisky ce soir dans son club privé écossais, où il peut refaire le monde avec certains membres d’une loge au standard d’Écosse. Ce qui me surprend, il ajoute à son texto, que nous serons seuls tous les deux, et qu’il a quelque chose d’important à m’annoncer. Est-ce à propos de son futur vénéralat, ou une histoire libertine?

Ce soir, je n’ai rien. Anne est chez ses parents avec Mathilde et ne revient que dans deux jours. Je textote OK.

Quelle heure est-il? 7 H 00 et je suis toujours quai de la Seine à matter les profondeurs noircies du fleuve. Si j’allais dans un troquet, profiter de l’heure matinale pour me faire un petit kawa, le énième depuis cette nuit, avec un bon croissant au beurre, histoire de boucher un peu plus mes artères.

Eh oui, je suis un maçon, doublé d’un maître fesseur. Il est regrettable de nos jours de voir encore de nombreuses personnes parler des Francs-maçons sans connaitre ce que nous sommes. Sacrés bandes de cons. Walt Disney, John Wayne, les Armstrong trompettiste ou astronaute, le grand-père de la reine Elisabeth, ce cher Georges V, mais aussi le prince consort Philip, Bartholdi, Garibaldi, Eiffel, Louise Michel, Voltaire, Mirabeau, La Fayette, Mozart et j’en passe…Et… même Lénine et Hergé. La franc-maçonnerie est une société discrète de réflexion et de pensée, certes avec tout son protocole parfois risible, je l’admets vu de l’extérieur. Oui, nous utilisons toute une procédure secrète, de pratiques et de connaissances qui génèrent des fantasmes et des croyances préconçues. L’adage justement d’un maçon est celui de Socrate : « L’unique chose que je sais est que je ne sais rien. » Oui, il y a eu des loges qui ont flirté avec la criminalité, comme la loge P2 de Berlusconi. Mais je veux pas dénoncer, l’Italie a toujours été pourrie par la mafia. Et lorsque ce n’était pas elle, les royaumes d’Italie étaient déjà pervertis à la Renaissance.

Et le soi-disant nous voulons influencer le pouvoir. Mon cul… Venez voir, les loges sont ouvertes; il est bien beau, le petit Charles!!! Je ne suis pas encore dans la confidence de Macron. Justement, la franc-maçonnerie se bat contre la pensée monolithique. Effectivement, d’une part, nous sommes tous attachés à la laïcité, à la défense de l’esprit critique, à notre pensée occidentale, au pluralisme et au rationalisme, et d’autre part, un certain nombre de maçons sont là pour faire carrière ou savoir comment les gens vont voter. Oui, la maçonnerie peut être, à Paris, dans certaines hautes sphères, un corps intermédiaire entre l’État et le peuple comme le sont les syndicats. Une loge est un endroit pour dialoguer sans débattre comme au café du commerce. Ce sont ces connards d’extrême droite qui sont obsédés. Ces connards qui défendent l’Opus Dei. Je rigole. Ce sont deux abbés contre-révolutionnaires, Barruel et Lefranc, qui nous ont calomniés, d’autant qu’à l’époque Casanova et Sade flirtaient avec la maçonnerie. Ils ont même mis en corrélation le jacobinisme et la maçonnerie, alors que Robespierre, jacobin, a fait guillotiner Danton et souhaitait la tête de Sade. Oui, je suis un libre penseur.

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