Pour Etienne Ycart, fidèle lecteur

L'Evêque poursuivit :

- Et c'est de cette vierge dont le conte a oublié le nom, mais non le rôle, que sortit en cascade l'héritage maudit de Judas, qui règne en maître à Hernakéron. Ces chevaliers ont construit sur les vestiges de la Nef une forteresse imprenable, appelée Château de la Mégarde en souvenir de celle du moine Pamphyle. Le Grüül est enfoui au plus profond d'une crypte glacée dans laquelle ils veillent nuit et jour sur l'instrument de leur naissance, objet de leur vénération et garantie de leur puissance.

Leurs armes sont taillées dans un cristal plus dur que l'acier d'Al Andalous, leur blason est un calice d'or sur champs de neige. Cette lignée est à ce jour invaincue, et ni homme ni démon n'ose plus les affronter.

- Diable de diable, jura le Roi, c'est encore pire que je ne craignais. On peut toujours, par exténuation du surnaturel, venir à bout d'un monstre, eût-il sept têtes crachant le feu. Mais comment vaincre des hommes qui tirent leur force de la substance même du mal ? Cependant, j'ai prêté serment par Saint-Dupont*, et rien ni personne ne me fera parjure ! Dis-moi, Godechaud, comment puis-je arriver à mes fins ?

- Seul un preux issu de la lignée de Judas pourra vaincre la Ligue ! Or le conte dit que surgira, le moment venu, un jouvenceau qui passera en félonie tous les chevaliers, et il sera Celui qui connaîtra la vérité du Sacré-Grüül et achèvera les Temps Maléfiques.

Icy le conte fait une pause, pour permettre à l'Evêque Godechaud de Bouillonfroy de se désaltérer après si longue harangue, et ses auditeurs firent de même.

* Dupont de l'Eure-Saint-Just-Ecart, canonisé en 754 et des breloques par Pie II, antipape de février 754 à mars de la même année. La lignée des Ecart, ou Ycart, s'est poursuivie de nos jours.