XI - Commencement des Temps Maléfiques
Ce fut le commencement des Temps Maléfiques, Alors l’Averne Noire fut pleine de mirages et les chevaliers y donnèrent dedans, tête baissée, Partout il y avait des gorges d’ombres et des précipices brumeux qu’on ne pouvait franchir ou contourner qu’à grand bruit d’armures brisées, grâce à quoi, les malheureux preux, et surtout ceux de la Table Ovale, accumulaient tant de gâchis et de maladresse que leur renom en fut censuré jusques à nos jours.
Ils chevauchaient poussifs, par monts, vaux et vallons, sur leurs antiques canassons, inventant de mauvais usages,défiant pêle-mêle gentilshommes et félons, se voyant rudement ramenés à raison et bâtonnés par les larrons qui les détroussaient sur les routes.
Pour comble de malheur, les pucelles charnues, destinées en principe au repos du guerrier, s’enfuyaient au passage avec de grands cris aigus, Car il advenait fréquemment qu’un chevalier forçât une vierge orpheline sous les yeux horrifiés de la veuve, lui volant jusqu’au denier sol, la laissant nue sur le pavé.
Ces accrocs répétés aux règles de la chevalerie jetèrent la honte et la discrédit sur les féaux du roi Idier, dont la Cour stagnait sur le pays d’Averne, flétrie par les présences de la reine Ermelinde et de ses Dames, avec ses soieries délavées, ses faucons déplumés, sa vaisselle ternie.
Là se rassemblaient les compagnons de la Table Ovale, et jamais on ne vit chevaliers si penauds, bornés et ahuris, Jamais la prouesse chevaleresque ne fut si mal considérée, et les chevaliers errants, pestant contre ces gâche-métiers qui dévaluaient leur cote, songèrent sérieusement à se recycler.
Un peu partout s’ouvraient des cours du soir où l’on donnait une rapide formation de marchand d’épices, un métier d’avenir assurait-on.
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