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Un homme âgé prit la parole à l’aide d’un micro pour demander aux convives de se rassembler. Les fiancés allaient faire un discours. L’occasion rêvée pour partir alors que tout le monde avait le regard ailleurs. Placée non loin de la porte menant à la maison, elle attendit sagement que la foule se rassemble. Alors que Laura grimpait sur la petite scène montée au milieu du jardin, Clémence se faufila à l’intérieur.

C’est lâche, mais la retraite est parfois la meilleure stratégie.

Absorbée par ce qui se passait derrière elle, elle en oublia de regarder devant. Un torse dur comme du bois stoppa sa fuite avant que des mains rudes ne l’empêchent de tomber à la renverse.

— Clémence, tout va bien ? Vous n’allez pas écouter le discours des futurs mariés ?

— Non, je cherchais juste les… quoi ?

Confuse, Clémence se recula pour échapper à sa poigne. Les événements s’emboitèrent dans son esprit. La taille de la maison, les blazers des hôtes, l’histoire du travail à décrocher, la chemise trop simple qu’il portait.

— Ce n’est pas vous le marié, conclut-elle d’une voix blanche.

L’expression du jeune homme se décomposa. Sans répondre, il vérifia les alentours et lui attrapa le poignet pour l’obliger à le suivre.

— Qu’est-ce que vous faites ? Lâchez-moi ! ordonna-t-elle en vain.

Après avoir passé deux portes, ils se retrouvèrent dans une pièce contenant un billard et un immense écran mural. Un rideau à moitié tiré séparait les deux espaces. Probablement un salon pour ces Messieurs où l’on mâchonnait du barreau de chaise en se vantant du nombre d’employés renvoyés pour faire monter le cours de l’action.

La pression se relâchant, elle en profita pour se libérer violemment.

— Vous êtes malade ? cria-t-elle en se massant le poignet.

Je vais avoir une marque ! Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez lui ?

— Pourquoi avez-vous cru que j’étais son fiancé. Elle vous a dit quelque chose ?

D’abord affolée à l’idée de devoir révéler comment elle avait appris leur aventure, Clémence se reprit en trouvant une porte de sortie.

— Vous venez de le faire.

— Admettons, mais je n’ai rien dit ou fait qui ait pu vous induire en erreur avant cela.

Cherche un truc ! N’importe quoi pour qu’il te laisse partir !

Un mois plus tôt, Laura et lui étaient encore amants. Impossible qu’elle ait rompu et rencontré son fiancé dans l’intervalle. Pas avec ce genre de famille, on ne s’y mariait pas sur un coup de tête, encore moins si c’était en-dessous de sa condition. Dans quoi Clémence était-elle tombée ? Deux amants qui complotaient pour capter la fortune d’un futur mari déjà cocu ? Instinctivement, elle commença à repérer les objets dont il pourrait se servir pour l’assommer. Ou pire.

Je suis en danger ? Je suis en danger !

— Peu importe comment je l’ai su, qu’est-ce que ça change maintenant ?

— Laura va se marier, évidemment que ça change tout ! S’il venait à l’apprendre, lui ou un membre de sa famille... écoutez, c’était une erreur, elle ne devrait pas tout perdre juste pour…

Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Une porte s’ouvrit et des voix emplirent la pièce adjacente. Leurs regards se croisèrent comme s’ils étaient complices du même crime et ils filèrent comme un seul homme derrière le rideau.

Mais quelle imbécile ! C’était l’occasion rêvée pour m’enfuir !

Une main brûlante se plaqua sur sa bouche, provoquant un cri de protestation qui le poussa à appuyer plus fort. Son corps massif lui masqua la lumière un court instant, alors qu’il la forçait à se coller dos au mur. Elle lui envoya plusieurs coups de la paume dans les côtes d’une main tandis qu’elle tentait de le repousser de l’autre, sans résultat.

Une foule de convives s’engouffra dans la salle de billard. Visiblement aussi paniqué qu’elle, Thomas tourna la tête en tous sens, cherchant probablement un refuge plus sûr. Si quelqu’un passait le rideau, il serait en très mauvaise posture. Finalement, il se décolla d’elle, lui permettant de reprendre son souffle avant de la tirer vers une sorte de placard métallique vide.

Non ! Ah non-non ! Tout mais pas ça !

Elle prit une inspiration pour crier, sa claustrophobie surpassant de loin la peur d’être découverte. Une nouvelle fois, la main dure l’empêcha d’émettre plus qu’un gémissement, couvert par les exclamations des convives. Avec une force surprenante, il l’obligea à entrer avant de la rejoindre et de forcer le loquet à se refermer de l’intérieur.

Quelques secondes plus tard, plusieurs personnes pénétrèrent dans la seconde moitié de la pièce. Ils les auraient découvert sans cet ultime stratagème, mais Clémence n’en avait cure. Elle suffoquait. Dans le lieu clos, collée à son tortionnaire, la chaleur monta à toute allure. Deux fentes lumineuses formaient l’intégralité de son univers sinon plongé dans les ténèbres et elle s’y raccrocha pour ne pas perdre connaissance, approchant son nez de la première pour respirer et ses yeux de la seconde pour lutter contre la sensation d’enfermement, bien réelle cette fois.

L’espace était si exigu que leurs jambes étaient entrecroisées. Ses paumes contre le torse et le ventre de Thomas, elle tentait désespérément de le repousser pour gagner un peu d’espace. La respiration chaude qui lui caressait le visage acheva de lui offrir une sensation de manque d’air. Le corps de Thomas était brûlant, aussi moite que le sien. Durant un bref instant, Clémence se rappela le contact répugnant du plombier, la façon dont il s’arrangeait pour la toucher même lorsque ce n’était pas nécessaire… et la bosse de son entre-jambe lorsqu’elle s’était libérée.

Pense à autre chose. Pas à ça, surtout pas à ça !

Le dos et les fesses nus de Thomas caressées par les bras et les jambes de Laura s’imposèrent à elle.

À ça non plus, idiote !

Bon gré mal gré, elle se força à suivre les discussion creuses à l’extérieur de sa prison. Il était question de courbes de progression, de problèmes de travaux, d’enfants à marier. Des échanges ternes et vains.

Les mêmes partout, on dirait que personne n’y échappe quel que soit le niveau social.

Quelqu’un entra pour annoncer le début du repas. Au bord de l’évanouissement, Clémence se força à respirer profondément. Des lumières dansaient dans son champ de vision déjà très réduit. Il fallait tenir. Attendre qu’ils partent. Courir loin de son agresseur.

Le dernier intrus vida les lieux et Clémence se détendit enfin un peu. Alors que Thomas desserrait son emprise et dirigeait sa main libre vers le loquet, la porte se rouvrit.

Je suis maudite.

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