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Alors que Thomas couvrait Élodie de baisers de plus en plus explicites quant à leur destination, Clémence tentait de retrouver l’excitation perdue. Karima avait été douchée elle aussi, mais tout comme elle, la brune d’ordinaire si farouche cherchait un moyen de remonter en selle.
— Les mecs font chier, lâcha-t-elle avec amertume.
Clémence ne put qu’approuver d’un hochement de tête. Thomas avait été trop rapide, trop concentré sur son propre plaisir. Il n’avait pas seulement déçu sa partenaire, mais également gâché l’instant suprême que Clémence cherchait à atteindre. Pour la seconde fois, il avait joui avant elle.
Après un court instant de réflexion, elle permit à Karima de se retourner et de la regarder dans les yeux. Le risque était immense, car si l’homosexualité de sa partenaire n’était plus une question à l’ordre du jour, ce n’était pas pour Clémence qu’elle avait nourri si longtemps ce désir inassouvi. Ce n’était pas ce corps qui avait enfiévré ses nuits. Ce n’était pas ces lèvres dont elle avait faim. Un mot de trop, un geste maladroit et tout pouvait tomber à l’eau. Karima se fermerait comme une huitre et elle n’aurait plus qu’à la libérer pour de bon.
Au lieu de parler, son amie chercha sa bouche et Clémence la lui offrit. L’idée de partager cette intimité avec une femme ne la dérangeait pas. D’ailleurs, avait-elle seulement une préférence à ce niveau ? Elle en doutait. Ce n’était ni une courbe ou un sexe plutôt qu’un autre qu’elle désirait. Sa perversion faisait d’elle un être presque neutre, asexuel, aromantique, anormal. Elle désirait pénétrer les désirs d’autrui, s’infiltrer dans les franges de leurs vices, s’emparer de leurs secrets, s’approprier leurs sens plutôt que leur chair. À la façon d’un succube, elle désirait leur âme. Le sexe n’était qu’un moyen.
La langue de Karima fouilla timidement ses lèvres, jusqu’à ce que Clémence autorise sa bouche à s’ouvrir, après quoi elle lui envoya la sienne. Le baiser fut long, plein d’une pudeur inconvenante dans cette situation, comme celui d’une très jeune fille qui s’ouvrait à la sexualité.
Bien sûr qu’elle est vierge.
Clémence en avait douté. Après tant d’années, Karima n’avait-elle pas tenté sa chance ? Avec un homme ? Avec une femme ? Avait-elle jamais franchi les murs de sa prison de honte sous couvert d’anonymat ? Non. Jamais à l’évidence. C’était là le baiser fiévreux d’une femme privée d’expérience qui cédait finalement à une pulsion. Sans la patience de celles qui savaient apprécier un tel moment, elle donnait pourtant à Clémence un regain de désir. Vampiriser cet instant en s’appropriant l’acceptation de la sexualité de son amie ne suffirait pas à l’emmener jusqu’au sommet qu’elle visait, mais la situation incongrue avait ravivé sa flamme.
Un rapide coup d’œil dans l’autre pièce lui apprit que Thomas était arrivé à destination. Les cuisses écartées d’Élodie frissonnaient de plaisir tandis qu’elle enfonçait ses griffes dans la chevelure châtain en bataille. L’excitation hésitante de Karima s’ajouta au désir libre d’Élodie, aussi Clémence accueillit-elle avec un gémissement non feint les doigts qui se glissaient sur le très fin tissu recouvrant son sexe.
— Oui… souffla-t-elle presque malgré elle.
Le désir exprimé ne l’était pas à destination de Karima, mais elle le reçut comme tel et ses doigts se retirèrent. La déception de Clémence fut de courte durée, car l’instant d’après sa culotte glissait sur ses cuisses, révélant l’humidité qui avait envahi la moindre parcelle de son intimité. Lorsque les caresses reprirent, aussi maladroites que le baiser qui les avaient précédées, Clémence s’abandonna. Elle poussa le visage de sa partenaire vers son sein, accueillant en frémissant les baisers chastes qu’elle y déposa en évitant le mamelon durci par l’excitation.
Les cris d’Élodie reprirent, avec une tonalité bien différente, plus rauque, plus égoïste. Clémence aligna ses mouvements sur les siens, imitant à la perfection chaque tressaillement des hanches, chaque va-et-vient convulsif. Lorsque Karima attrapa son téton avec les lèvres et les dents, elle laissa échapper un petit cri de surprise, mais la rassura d’une caresse sur la nuque lorsque l’hésitante se retira brusquement. Karima chercha à s’agenouiller, mais Clémence la releva. L’idée de laisser sa proie lui donner du plaisir alors qu’elle se délectait des ébats dans la pièce adjacente ne lui était pas désagréable, mais cela ne suffirait pas. Elle avait besoin de Karima, oui, mais pas comme ça.
Relevant complètement son amie, elle l’embrassa langoureusement cette fois, imposant son rythme à la débutante avec aplomb, puis la força gentiment à lui tourner le dos de nouveau.
Regarde-les. Nourris-toi de leur désir comme je le fais. C’est de te voir y succomber dont j’ai réellement besoin.
Karima se laissait complètement guider, dans l’abandon le plus total comme si toutes les barrières étaient tombées en même temps, sapées par le temps et les frustrations accumulées. Clémence glissa sa main jusqu’à l’intimité de son amie, profitant des gémissements étouffés de sa victime autant que des cris d’Élodie qui montaient peu à peu dans les aigus. Elle accentua progressivement le mouvement de ses doigts, puis attira la main de son amie vers son sexe laissé à l’abandon. Ainsi reliées l’une à l’autre, elle obligea Karima à se presser contre la grille, à voir ce qu’elle ne voulait pas voir. À désirer ce qu’elle ne devait pas désirer.
Cette fois, Thomas se montra à la hauteur et Élodie finit par se cambrer sous sa langue, la bouche ouverte sur un cri silencieux, les paupières contractées si fort qu’on aurait pu la croire à l’agonie, puis elle retomba sur le lit, la respiration sifflante. Thomas se redressa, son excitation revenue, bien visible.
— Putain… oh putain… attends un peu, se lamenta son amante.
Il n’en fit rien et se glissa entre ses jambes, progressant en repoussant lentement ses cuisses, les forçant sans violence à s’ouvrir pour l’accepter. Élodie attrapa la verge et plaça le gland turgescent directement sur sa féminité, l’utilisant comme un jouet, profitant des vagues qui la parcouraient encore. Leurs regards se croisèrent. Thomas entra en terre conquise, progressant en elle sans à-coups. Lorsque leurs hanches se rencontrèrent à nouveau, se fut avec douceur. Ils échangèrent de longs baisers avec complicité, puis les mouvements de hanches reprirent.
Le lent va-et-vient s’accompagna bientôt des caresses qu’Élodie s’accorda tandis que Thomas attrapait ses cuisses à pleine mains pour aller au plus profond d’elle. Combien de temps pouvait encore durer cet instant magique ? Clémence l’ignorait. Loin de la passion qui avait manqué de les faire basculer dans l’extase, Karima et elle, cette étreinte était complice, douce et chaude. Clémence accorda son rythme au leur, caressant le corps humide de son amie, des seins lourds au ventre légèrement charnu, des fesses rondes aux épaules fines. Elle embrassait son cou, léchait ses oreilles, humait ses cheveux. Karima réagissait à chaque intrusion, cherchant son contact sans perdre de vue les amants entrelacés qui leur donnaient l’énergie de continuer.
Élodie s’écarta de son amant pour se placer sur le ventre au centre du lit, l’invitant à la pénétrer en se cambrant. À Califourchon sur son corps menu, monstrueusement plus massif, il entra en elle avec vigueur cette fois. Elle émit un grognement sourd lorsqu’il frappa ses fesses de son bas-ventre. Les poings d’Élodie froissèrent les draps lorsqu’elle y enfonça les griffes au second coup de boutoir. Au même instant, Clémence pénétra le sexe de sa proie pour la première fois, lui arrachant un cri de surprise et de contentement. Comprenant que les amants dans la chambre guidaient leur étreinte, Karima lui offrit la réciproque lorsque Thomas attrapa son amante par les cheveux pour la forcer à se cambrer sous lui.
Les doigts de Karima étaient plus expérimentés que ses lèvres. Elle trouva les zones les plus secrètes de Clémence, s’engouffrant délicieusement où elle était convoitée, donnant à sa partenaire un aperçu de ces années solitaires à chercher un plaisir qu’elle croyait interdit. Parfaitement synchronisées, les deux couples s’offraient du plaisir, celui des prisonnières abreuvé par la convoitise inassouvie autant que par leur étreinte. Ainsi, incapable de rejoindre l’objet de son désir le plus puissant, Karima oscillait entre la satisfaction offerte par Clémence et la frustration imposée par Élodie. Clémence sentit les muscles du vagin de sa partenaire se resserrer alors que les cris reprenaient de l’ampleur derrière la grille.
Enfin… après tous ses efforts, Clémence perçut enfin ce qu’elle cherchait depuis des semaines, depuis toujours : un orgasme si puissant qu’il ne pouvait venir d’une simple stimulation physique ou d’une vulgaire excitation. Il ne montait pas par vagues douces et progressives comme le plaisir commun qu’elle avait déjà expérimenté, mais comme un tsunami. Lent, colossal, inébranlable. Elle avait enfin réussi et le résultat était à la hauteur de son attente. Alors que Karima jouissait en tremblant autour de ses doigts, une main plaquée sur la bouche pour étouffer ses cris, Clémence se figea, les yeux révulsés, ses oreilles bourdonnantes éteignant peu à peu les cris déchaînés d’Élodie.
Ses jambes se dérobèrent, le plaisir remontant de ses doigts de pied jusqu’au plus profond de son sexe comme un coup de fouet au ralenti. Ses muscles endoloris hurlèrent leur douleur, ne parvenant qu’à ajouter davantage de confusion à la cacophonie de sensations qui la submergeaient, la privant de sa voix, de son souffle, de sa capacité à penser. Le niveau de la crue ininterrompue passa toutes les digues, effaça les limites de son corps et de son esprit dans l’extase, submergea tout. L’instant parut durer une éternité. Il fut trop court.
Avait-elle perdu connaissance ? Elle pesait de tout son poids sur le dos arrondi de Karima, incapable d’esquisser le moindre mouvement. Sa victime était à genoux, la tête basse, bougeant convulsivement Sanglotait-elle ou riait-elle ? Était-ce un reste de plaisir qui la parcourait encore ?
Quelle importance ?
De l’autre côté, les cris de bête montaient vers une nouvelle apogée, désormais inutile à ses yeux, grotesque dans sa bestialité. Clémence avait réussi. Pour arriver à ses fins, elle avait usé de chantage, de manipulation et de torture psychologique.
Ça valait le coup.
Elle avait découvert plus que le plaisir qui s’était toujours refusé à elle jusque-là. Un nouveau vice, une partie de sa nature profonde. Elle n’était pas seulement une voyeuse, car le désir volé n’était pas suffisant. Il lui fallait plus pour arriver à combiner les éléments nécessaires à sa propre félicité.
Était-ce par ego ? Elle avait omis l’ingrédient le plus important après l’accident avec Thomas, alors que la réponse avait toujours été d’une grande évidence.
Je suis une sadique.
Clignant des paupières avec une lenteur lascive, Clémence laissa un sourire doux animer son visage fatigué. De nouvelles portes s’ouvraient, vers un monde qu’elle était impatiente de découvrir.
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