Chapitre 13

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Lancement des festivités

Philippe

C’est bon, j’ai l’impression que tout est en ordre et que nous sommes prêts à recevoir nos invités de marque. En voyant toutes ces décorations, ces frasques, je ne suis pas loin de penser que l’Empereur fait fausse route en laissant les nobles se réinstaller en France, comme s’il avait oublié la Révolution. A quoi bon dépenser tant d’argent pour une fête qui ne durera qu’une soirée ? Certes, l’Empire est prospère et avec l’héritage de Rose, nous pourrions sûrement faire de telles fêtes chaque semaine sans ruiner la famille, mais quand même ! Il doit bien y avoir d’autres moyens de trouver un prétendant à une jeune et jolie femme comme la maîtresse des lieux !

Je me demande qui va venir ce soir. J’ai essayé de cibler les invitations mais je sais bien que certains ne viendront pas parce qu’ils savent que je ne suis pas noble. Qu’ils aillent au diable, ces farauds à l’orgueil mal placé ! La Révolution est peut être oubliée par certains mais elle a eu lieu et j’ai toute ma place ici ! Et puis, tant pis pour ceux qui ne viendraient pas pour ces tristes raisons. Ils ne savent pas ce qu’ils perdent. Et je ne parle pas du domaine que le mari de Rose va récupérer, non, mais bien de la future mariée elle-même ! La Vicomtesse a en effet des charmes qui ne sont pas négligeables. Je suis sûr que bien des généraux lanceraient des assauts avec leur cavalerie juste pour le plaisir de caresser sa poitrine ronde et ferme ! Ou que bien des soldats offriraient toutes leurs paies des dernières années juste pour une nuit entre ses bras. Quelle femme ! Dommage qu’elle ait tant de caractère…

Je jette un œil en cuisine et me demande comment les gens qui sont au service de ce domaine font pour être aussi efficaces et aussi motivés pour une fête qui ne leur apporte rien si ce n’est une charge de travail supplémentaire. Je vois différents plats qu’ils ont déjà préparés et qui n’attendent que mon signal pour être installés dans la pièce jouxtant la salle de bal. Nos invités vont pouvoir se restaurer au moins. Je salue les musiciens qui se sustentent avant d’entamer leur performance et je me dis que la dernière chose que je dois vérifier désormais, c’est si la principale intéressée de cette soirée de bal est prête ou si elle a décidé de s’enfuir et de retourner vivre en Angleterre pour échapper à ce mariage dont elle ne veut assurément pas.

Je monte quatre à quatre les escaliers qui mènent à nos appartements et m’éloigne un peu de l’effervescence qui règne en bas. Je ne m’engage cependant pas dans le couloir car j’entends la voix de Rose et celle de mon fils qui lui répond. Que font-ils ensemble ? Et pourquoi Marcus n’est-il pas encore couché ? Il va m’entendre, ce petit sacripant. Je reste dans l’ombre de l’escalier et tends un peu le cou pour voir ce qu’il se passe. Rose est devant la porte de la chambre de mon fils et se penche vers lui pour lui souhaiter bonne nuit apparemment. Je suis surpris de voir Marcus, qui peut se montrer si sauvage avec des inconnus, passer ses petits bras autour de son cou et lui donner un baiser qu’elle lui rend avant de se redresser et lisser sa magnifique robe. J’attends quelques secondes avant de m’avancer dans le couloir, comme si j’arrivais seulement et n’avais pas surpris cette scène qui me donne un étrange sentiment de jalousie et de tendresse.

— Vous êtes prête, Rose ? Les invités ne vont plus tarder. Laissez-moi admirer cette jolie robe qui semble vraiment vous aller à ravir.

— Elle n’est pas différente de tout à l’heure et ne met toujours en valeur que ce qui vous arrange, Monsieur…

Mince, elle me fait oublier que je suis censé rester sur la réserve et ne pas la complimenter. La pauvre, elle va en voir assez des remarques sur son décolleté et je devrais au moins l’épargner à ce sujet.

— Touché. Désolé, Rose, c’est juste que vous êtes jolie et que cela peut faire oublier certaines choses à nos pauvres petites têtes d’hommes. Prête mentalement à affronter les assauts qui ne vont pas manquer de se succéder ?

— Il va bien falloir, ai-je le choix ?

— Vous aurez sûrement le choix entre plusieurs prétendants, oui. Mais éviter leurs approches plus ou moins respectueuses, j’ai bien peur que non. J’entends les premiers chevaux. Descendons, je vous prie.

— Vos désirs sont des ordres, Monsieur, soupire-t-elle en faisant une révérence avant de rejoindre les escaliers.

Non, il ne faut pas que je regarde ses hanches qui ondulent, sinon je vais être hypnotisé et ne plus être bon à rien ce soir. Peut-être que je devrais céder aux avances d’Aimée, moi, vu le désir que je ressens soudainement. Mais avec la gouvernante, ça ne me fait pas le même effet…

Nous descendons et effectivement, les premiers invités commencent à arriver. Je m’installe près de Rose à l’entrée de la salle de bal pour accueillir chacun et ne manque pas de noter que la robe fait vraiment son petit effet sur tous ces regards gourmands. Pourquoi ça me dérange autant ? Je ne sais pas. J’ai l’impression qu’ils lui manquent de respect en la traitant ainsi comme un morceau de viande. Comme si j’étais différent, moi qui la dévorais des yeux il y a quelques minutes à peine. Je suis sorti de ma rêverie par un jeune homme qui doit être à peine plus âgé que Rose.

— Aurais-je votre permission pour inviter la vicomtesse à une danse ? me demande-t-il presque timidement.

— Tout dépend de vos intentions, jeune homme. Sachez que Rose va être très demandée ce soir…

— J’aimerais apprendre à la connaître et… je suis un bon parti, ma famille est riche même si elle a perdu une partie de ses terres pendant la Révolution.

J’entends plus que je ne vois Rose soupirer à mes côtés et souris avant de faire un signe d’assentiment pour qu’il puisse s’adresser à elle. Je sais qu’elle déteste ça, et j’avoue que ça ne me plaît pas plus que ça non plus, mais je prends ça davantage comme un jeu et j’arrive à trouver un peu de plaisir en m’imaginant être celui qui envoie au peloton d’exécution le prochain sur la liste. Prochain qui s’approche avec son air sûr de lui que peuvent adopter les nobles qui n’ont rien compris au changement d’époque.

— Messire, je vous prie de m’excuser mais je suis nouveau dans la région. J’ai le regret de vous informer que je ne sais pas qui vous êtes, même si vous semblez penser le contraire, le provoqué-je doucement, sûr qu’il n’osera pas me remettre à ma place vu ma position vis-à-vis de la future mariée.

— Je suis le baron Anatole de Brisson, se présente-t-il en faisant un baise-main à Rose qui lève les yeux au ciel de manière peu discrète.

— Enchanté, Monsieur le Baron. Ne me dites pas que vous êtes intéressé pour vous marier à votre âge ! Vous n’avez pas encore convolé ? continué-je pour l’agacer un peu, sans vraiment savoir pourquoi j’agis ainsi.

— Ma tendre épouse est malheureusement décédée il y a quelques années, elle connaissait d’ailleurs votre mère, charmante Rose.

— En effet, elles sont nées la même année. C’est fou comme les années passent, votre fille doit avoir mon âge à présent, non ? l’interroge ma pupille, le faisant grimacer.

— Rose, messire de Brisson est un homme mature et plein de valeurs. Ne le mettez donc pas mal à l’aise, la réprimandé-je en essayant de ne pas montrer le sourire qu’elle a provoqué chez moi.

— Je vous prie de m’excuser, je vais me contenter de sourire et d’acquiescer comme une bonne idiote inculte, lance-t-elle calmement en faisant une petite révérence.

— C’est tout ce qu’on vous demande, lance le Baron avant de s’éloigner, visiblement vexé.

Là, je ne peux m’empêcher de pouffer et fais un effort pour vraiment reprendre mon service.

— J’espère qu’il est riche, soufflé-je, sinon, je crois que je vais avoir du mal à vous convaincre pour ce vieux bellâtre ! Je vais peut-être vous donner le droit de refuser un prétendant, vu ce qui se présente.

— Un seul ? Je ne suis même pas sûre qu’un de ces hommes éveille en moi autre chose qu’une folle envie de déguerpir…

— Il va bien falloir en choisir un… et le Baron a l’air d’avoir les moyens d’entretenir le domaine, au moins, répliqué-je plus sérieusement avant de poursuivre pour lui faire comprendre combien l’enjeu est important. C’est ce qui compte, non ?

— Un baron ! Vous allez me faire perdre mon titre pour un fichu baron qui pourrait presque être mon grand-père ? grimace-t-elle.

— Pour l’instant, nous commençons et je vous promets de choisir le parti qui sera le plus à même de sauvegarder votre domaine en vous rendant le moins malheureuse possible. C’est tout ce que je peux affirmer pour le moment.

Elle se renfrogne à mes côtés mais reste polie avec les autres prétendants qui viennent nous saluer. Je suis content car il y a l’embarras du choix mais je suis un peu perturbé car aucun d’entre eux ne semble lui convenir. Et moi, avec mon cœur d’artichaut, maintenant que je la connais un peu mieux, je n’ai pas envie de la forcer à quoi que ce soit. Il va falloir que l’un de ces hommes me convainque moi afin que je puisse devenir son ambassadeur auprès de la jeune femme.

Une fois les politesses terminées, je fais un signe aux musiciens qui s’installent sur la petite estrade. Je réajuste mon pourpoint et le foulard que j’ai passé pour me donner l’air plus riche que je ne le suis réellement et tends la main à Rose pour qu’elle me suive sur la piste de danse. Celle-ci ne se fait pas prier et je fais un effort pour que la douleur que je ressens à la jambe ne se voie pas dans ma démarche. Nous nous installons face à face au milieu de la pièce, sous le feu de tous ces regards jaloux de me voir profiter ainsi de la reine de la soirée.

— Je vous préviens, je suis un peu rouillé, il y a longtemps que je n’ai pas dansé, mais je me débrouille pas mal, malgré ma blessure à la jambe. Je compte sur vous pour suivre mes mouvements.

— C’est bien là le seul moment où je suis un homme sans poser de question ou me plaindre, Monsieur.

Je souris et fais un pas vers elle pour passer ma main sur sa hanche et l’entraîner dans une valse qui s’annonce réjouissante tant ma partenaire resplendit avec ce sourire qu’elle arbore sans faux semblant, dirait-on, son port altier, sans parler de l’assurance qu’elle dégage. Et effectivement, elle se plie à mes désirs et répond à mes impulsions sans jamais rechigner même si je complique les pas. Elle semble vouloir me prouver qu’elle est à la hauteur de mes ambitions et bientôt c’est moi qui suis obligé de faire des efforts afin de garder son rythme. Moi qui croyais mener la danse, et je donne l’impression de le faire assurément, je me retrouve à devoir m’adapter à ce qu’elle propose. Quelle danseuse ! Quelle fougue dans cette jeunesse qui me fait me sentir presque aussi vieux que le Baron. J’ai hâte de voir la suite et suis ravi de terminer la danse sans avoir flanché. Je ne suis pas sûr que beaucoup ici sachent tenir le rythme avec une passionnée comme Rose. Alors que je la salue sous les applaudissements de la salle, nous échangeons un sourire qui me donne chaud au cœur. Et pas que là, d’ailleurs.

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